5 mai 1789
En janvier 1789, face à la crise des finances du Royaume et pour décider la levée de nouveaux impôts, Louis XVI convoque la réunion des Etats-Généraux. « Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour nous aider à surmonter toutes les difficultés où nous nous trouvons relativement à l’état de nos finances… ». Assemblées exceptionnelles instituées par Philippe Le Bel, les Etat-Généraux ne se sont pas réunis depuis 1614, où ils étaient alors constitués de 3 ordres : le clergé, la noblesse et le tiers état, représentés en nombre égal et votant séparément. Cette fois ci le doublement des représentants du Tiers est accordé, mais rien n’est dit sur le mode de scrutin dans la future assemblée.
Les modalités d’élection des représentants permettent au bas-clergé d’être bien représenté mais excluent de la représentation une part importante du tiers état. En effet, pour être électeur il faut être inscrit au rôle des impositions. De plus les élections du Tiers se font au suffrage indirect. Pourtant, dès ce moment le peuple participe au formidable mouvement de politisation qui voit le jour dans le pays à travers la rédaction des cahiers de doléances et la participation aux réunions électorales. Les revendications contre l’absolutisme et les privilèges sont nombreuses et l’espoir du changement est présent.
Le 5 mai, les Etat-Généraux s’ouvrent avec un discours de Louis XVI, puis un long rapport de Necker sur la crise des finances dont il atténue l’importance et les effets. Mais pas un mot n’est dit ni sur les modalités de vote (par ordre ou par tête) ni sur les réformes politiques attendues. Le soir même, les membres du Tiers déçus se concertent, province par province, et de ces réunions particulières sort une résolution identique : celle d’inviter les membres des deux autres ordres à se joindre à eux pour procéder en commun à la vérification des pouvoirs. En attendant, le Tiers refuse de se constituer en chambre particulière considérant comme inexistante la vieille division en ordre. Le 27 juin les trois ordres sont enfin réunis en une Assemblée Nationale qui se donne comme but de rédiger une constitution pour la France. Le peuple a su utiliser les institutions de l’Ancien Régime pour le renverser. C’est la Révolution.
Les inégalités se creusent
L’INSEE vient de publier son dernier rapport sur les « Revenus et patrimoines des ménages ». Dans cette édition 2013, l’Institut propose une vue d’ensemble sur l’évolution des inégalités de niveau de vie depuis la crise de 2008. Tout y est passé au crible : les revenus, le niveau de vie, la pauvreté, le patrimoine et l’endettement. On y apprend qu’en 2010 le niveau de vie médian des ménages français a baissé de 0,5% par rapport à 2009. Il atteignait 19.270€ annuels, soit 1.610€ par mois (la première moitié de la population ayant moins, la seconde plus).
Mais ce sont les plus pauvres qui voient leurs revenus le plus baisser, la diminution varie entre 1,3% et 1,6% pour les 30% les plus pauvres, quant elle est limitée à 0,3% pour les 10% les plus riches. Et à y regarder de plus près encore – en cette période de crise où on nous explique tous les jours qu’il faut faire des sacrifices – le niveau de vie des 5% les plus riches est reparti à hausse en 2010 (+1,3%) et les revenus des 1% « très, très riches » ont augmenté plus fortement encore. Conséquence, la quasi-totalité des indicateurs d’inégalité ont progressé en 2010, et le taux de pauvreté monétaire a atteint 14,1% de la population (en hausse de 0,6 point par rapport à 2009). Cela signifie qu’environ 440 000 personnes supplémentaires sont tombées sous le seuil de pauvreté. Preuve que la question numéro un de notre société, c’est le partage des richesses !
Ce rapport nous apprend également que la moitié des Français détiennent 93% des richesses et que 80 % des actions et obligations sont possédées par les 10% des ménages les plus riches. Sachant que « les actions ont un rendement plus élevé » d’autant plus que la fiscalité sur les placements financiers est celle qui échappe le plus à l’impôt : rappelons-nous le fumeux épisode des reculades de Bercy face à ces patrons qui ont obtenu le maintien de la niche Copé, sans parler des méthodes d’évasion fiscale… les hyper-riches continuent de se gaver puisque le système est organisé pour leur permettre d’accumuler toujours plus. Hasard de calendrier, le même jour que la publication du rapport de l’INSEE, Philippe Varin, patron de PSA (celui qui a annoncé 11.000 suppressions d’emplois et la fermeture du site de Aulnay, le gel des salaires et obtenu 7 milliards de garantie de l’Etat) demandait à l’assemblée générale des actionnaires que l’entreprise dépense 300 millions d’euros pour racheter ses propres actions… En toute impunité, le patron-voyou Philippe Varin relance le pillage financier. Et si, comme le disait un ministre britannique, « la différence entre l’optimisation et l’évasion fiscale, c’est l’épaisseur d’un mur de prison » ? Face à l’indécence, il faut un grand coup de balai !
Ni à l’Assemblée ni dans l’entreprise • Le MEDEF ne doit plus faire la loi
La bataille contre la désastreuse loi « Made in Medef », n’est pas terminée. Le vote définitif aura lieu le 14 mai. Le peuple a son mot à dire le 5 mai !
Le gouvernement a tout fait pour accélérer le vote de cette loi qui représente une attaque sans précédent contre le code du travail, et empêcher qu’un réel débat s’instaure sur ce sujet.
Malgré l’implication des élus du Front de Gauche qui se sont vaillamment battus contre les désastres sociaux qu’il contient, le débat à l’Assemblée Nationale a très peu fait évoluer le texte de transcription de l’accord sur l’emploi. Il a été finalement voté sans le soutien des Verts, du Front de Gauche et de 41 députés socialistes. Craignant de longs débats autour des amendements déposés par le Front de Gauche au Sénat, le gouvernement a décidé d’accélérer la manœuvre au moyen du vote bloqué. La dernière fois que le 44-3 avait été utilisé auparavant, c’était par Nicolas Sarkozy lors du débat sur les retraites. Et comme si cela ne suffisait pas Le gouvernement a tenté de faire en sorte que le vote définitif ait lieu dans la foulée, avant le 1er et 5 mai. En vain ! Les sénateurs Front de gauche et EELV ont pu imposer, lors de la conférence des présidents de la haute assemblée, la date du 14 mai.
Une régression des droits sans précédent
Après le 1er, le 5 mai sera donc l’occasion de démontrer l’ampleur de l’opposition du peuple français aux innombrables atteintes au code du travail que contient cette loi. Si elle passe, le quotidien de l’ensemble des salariés sera en effet bouleversé. L’employeur pourra leur imposer des baisses de salaires et des augmentations du temps de travail sans leur accord. S’ils refusent, ils seront licenciés sans les droits collectifs afférents au licenciement économique. L’employeur pourra également les obliger à aller travailler loin de chez eux, et ils ne pourront là encore pas refuser, sous peine de licenciement sans les droits prévus dans le code du travail. Par ailleurs, les règles inscrites dans le code du travail sur le licenciement collectif pour motif économique pourront être bafouées par un accord majoritaire d’entreprise ou par l’homologation de l’inspection du travail dans un délai de 21 jours. Et les délais de contestation de tout licenciement individuel en prud’homme seront rabaissés à 2 ans, alors qu’ils s’élevaient à 30 ans jusqu’en 2008. Bref, les licenciements vont être facilités, accélérés, et sécurisés pour le patronat.
Pour une 6ème République des droits sociaux
Défiler le 5 mai ne démontrera pas uniquement une volonté d’opposition à la loi Medef mais également l’immense aspiration populaire au changement. La 6ème République ne sera en effet pas seulement un bouleversement institutionnel pour en finir avec la présidentialisation du régime et la confusion entre les intérêts de la Nation et les intérêts financiers qui gangrènent la 5ème République. Elle sera également la République des droits sociaux dans l’entreprise. Là où le gouvernement actuel limite les droits des élus des salariés dans l’entreprise, la 6ème République les renforcera. Il y a trente ans, le ministre du travail Jean Auroux faisait voter une série de lois en faveur des salariés : obligation des employeurs de financer les comités d’entreprise, création des négociations annuelles obligatoires sur les salaires, création des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)… Nombreuses sont les avancées sociales de cette époque. Depuis, les droits des salariés n’ont cessé de reculer et le travail a été déréglementé, ce qui a accentué la montée déjà dramatique du chômage.
La 6ème République sera celle qui, à l’inverse du gouvernement actuel, poursuivra la dynamique initiée par les lois Auroux. Le comité d’entreprise sera doté d’un droit de veto suspensif lui permettant de s’opposer à toutes les décisions stratégiques des employeurs et de proposer des alternatives, qui seront finançables par un pôle public bancaire puissant issu des institutions bancaires existantes et de la nationalisation de la BNP et de la Société Générale. La 6ème République rétablira la hiérarchie des normes : le code du travail sera à nouveau au-dessus des accords individuels, d’entreprises et de branches. Ces derniers ne pourront lui déroger que s’ils lui sont plus favorables. Les licenciements boursiers seront abolis : une entreprise ne pourra plus effectuer des licenciements économiques si elle est dans une bonne situation financière. La loi d’interdiction des licenciements boursiers proposée par le Front de Gauche et refusé par le gouvernement aurait pu empêcher, par exemple, les licenciements chez Sanofi qui dégage des milliards d’euros de résultat et dont le bénéfice a encore doublé en ce premier trimestre 2013. Pour sécuriser l’ensemble des salariés, nous pourrons également créer une nouvelle caisse de cotisation patronale, avec un barème progressif selon la taille de l’entreprise, qui permettrait notamment de financer la sécurité sociale professionnelle, c’est à dire la continuité des droits des salariés, attachés à leur qualification, dans les périodes de non emploi.
Etablir la citoyenneté dans l’entreprise
La 6ème République étendra la citoyenneté au monde de l’entreprise. Elle mettra fin au privilège fondateur du capitalisme par lequel la totalité du capital accumulé par l’entreprise appartient unilatéralement aux actionnaires. Elle rompra avec ce vol légal en conférant la propriété d’une part croissante du capital aux salariés en tant que collectif de travail, au prorata de la contribution du travail aux richesses produites. Elle étendra au maximum le fonctionnement des Scop (Société coopérative de production) pour que les dirigeants des entreprises soient élus par les salariés selon le principe un homme, une voix et que l’ensemble des décisions stratégiques soient débattues par le collectif de travail. Cette réappropriation de l’entreprise et du pouvoir économique par les travailleurs est indispensable pour sortir du salariat, obstacle historique à l’émancipation des travailleurs comme le furent l’esclavage et le servage autrefois. Etablir la 6ème République, c’est sortir enfin du féodalisme économique et corriger ce qui n’avait pas été achevé quand, comme l’a dit Jean Jaurès, « la grande Révolution a rendu les Français rois dans la cité et les a laissés serfs dans l’entreprise ».
Suite au 5 mai • Lettre au Préfet de police de Paris
2013.05.05. Paris – Marche contre l’austérité, la finance et la 6ème République • 2013.05.05 – Marche 6ème République – Paris (Photos Alparslan Coskun )
2013 • 2013.05.01 Manif 1er Mai à Paris – Alparslan COSKUN
5 mai • « La période d’essai est terminée »
180.000 manifestants ont repris dimanche 5 mai, un an après l’élection de Hollande, possession de la Bastille. De là ils ont marché jusqu’à la Nation en passant au par avant sous une Arche où était écrit : Ensemble jusqu’à la VIè République. Retour sur cette journée de contestation radicale d’une politique austéritaire et de capitulation et premier acte d’une souveraineté populaire en marche pour la refondation nécessaire de la République
Il y avait Dimanche 5 mai à la Bastille un parfum de fête populaire. Les rues de Lyon, de Daumesnil étaient pavoisées comme à la parade de bannières rouge et verte du PG ou rouge du PC accrochées en guirlande aux arbres. Tout laissait penser que malgré les vacances il y aurait foule. Et foule, il y a eu à l’occasion de ce double anniversaire, celui de l’ouverture des Etats-Généraux en 1789 et celui de l’accession, l’an dernier, d’un président socialiste au pouvoir après les cinq désastreuses années Sarkozy. 180000 marcheurs ont pris possession de la Bastille pour s’indigner de la capitulation de François Hollande face au Medef et à la commission européenne et du déni de sa reddition sans condition présentée comme seule politique possible et réclamer un changement de politique et de nouvelles institutions.
Beaucoup de manifestants ont commencé à rejoindre le cortège des organisations du Front de Gauche dès avant 13 heures, s’entassant dans une humeur bonhomme, mais radicalement critique autour de la colonne de Juillet. De nombreux balais étaient de sortie pour un grand nettoyage de saison et les pancartes se répondaient les unes les autres. Hollande était rappelé à ses promesses trahies et la 5e République à sa déliquescence. Quitte à faire des détours comme l’une qui réclamait « Robespierre, reviens ! » tandis qu’une autre, citant l’antique philosophe grec Héraclite, affirmait « Sans l’espérance, on ne trouvera pas l’inespéré ». Les figures du Che, de Chavez ornaient quelques tee-shirts qui affichaient aussi « On lâche rien, Wallou ! », des badges pour une 6e République ou des slogans au feutre genre « Chérèque aime les sucettes à l’ani », « Quand l’injustice devient la loi, la résistance est un devoir »… Bref, une foule en marche pour une nouvelle république, mais où chacun pouvait faire entendre sa petite musique.
La bonne humeur et la bienveillance ou le caractère multigénérationnel et parfois familial du cortège n’ont pas édulcoré sa détermination. Car l’heure est grave comme pouvait le rappeler l’existence d’un campement de SDF, devenu permanent au fil du temps, installé sur le trottoir longeant l’Opéra Bastille, honteuse métaphore d’une répartition injustifiable du travail et des richesses. Une tente vide était d’ailleurs suspendue à l’extrémité de cet espace d’habitat précaire avec ces quelques mots : « Construire un monde solidaire. » L’heure est même particulièrement grave comme le relevaient les différents cortèges égrenant les mauvais coups portés contre le Code du travail avec l’ANI, contre les syndicalistes avec le refus de toute amnistie, contre la démocratie avec les institutions de la 5e République dont les affaires (celle de Cahuzac entre autres) ont montré le délitement et l’inadéquation. De nombreux représentants d’entreprises en lutte en témoignaient comme les Fralib, revêtus d’un tee-shirt libellé « Unilever tue l’emploi » et qui défilaient derrière un éléphant blanc en carton-pâte ou des salariés d’Arcelor-Mittal, de Sanofi…
Les porte-parole des organisations du Front de gauche ou associé à la marche à titre parfois personnel comme Eva Joly, accompagnée de nombreux militants d’EELV, ont repris dans leurs interventions ces inacceptables manquements démocratiques d’une République à bout de souffle qui, ajoutés à une politique de rigueur, conduisent à la catastrophe économique et sociale et font le lit de l’extrême droite. « Il faut réformer les institutions. Nous voulons un changement de république et reconstruire l’Europe, a dit l’ancienne candidate à la présidentielle d’EEL. Ne pas constituer un bloc anti-allemand, mais un front anti-austérité. Cependant, rien ne se fera si la société ne se réveille pas. »
Crédit photo Photothèque du mouvement social (E; Leclerc)
Pierre Laurent, secrétaire générale du PCF a abondé dans son sens, précisant que cette « marche ne doit pas rester sans lendemain » appelant à réunir des assemblées citoyennes. Car le bilan est lourd, un an après l’élection de François Hollande. « C’est une année gâchée pour le changement. » Et ceci devient « trop dur et trop dangereux pour notre pays. » Après le Code du travail se profile une nouvelle attaque contre les retraites. « Il faut arrêter les forces de la finance. »
Crédit photo Stéphane Burlot
Nous en avons les moyens a apprécié Jean-Luc Mélenchon exaltant « la puissance contenue par le (présent) rassemblement et qui dépasse de loin l’homme qui peut l’exprimer, un parti ou même un groupe de partis » tandis que montaient les cris de « Résistance ! Résistance ! ». « Nous sommes toujours le peuple souverain et c’est à lui seul d’être constituant » a-t-il rappelé, soulignant que les mandats accordés à ses représentants devraient être susceptibles de révocation par référendum. La 6e République à venir devrait aussi avoir pour objectif d’introduire la citoyenneté dans les entreprises et se fixer pour horizon productif l’intérêt général. « Le premier devoir d’être humain, c’est de prendre ses responsabilités devant l’écosystème et d’établir la règle verte, c’est-à-dire ne pas prendre plus à la nature qu’elle est capable de renouveler. »
Dans le même ordre d’idées, est-il possible d’envisager un remboursement de la dette par des populations incapables de combler un trou qui se creuse chaque jour un peu plus ? « Il faut choisir : la guerre ou la paix entre les peuples. » A cette aune, l’inflation est un moindre mal. Aussi a-t-il prévenu à l’adresse de François Hollande et de son gouvernement, « La période d’essai est terminée. Si vous ne savez pas quoi faire, nous, nous savons. L’urgence est là et nous ne pouvons pas attendre. Ce jour est un point de départ et nous travaillons à une nouvelle majorité. » Encourageant les initiatives, il a conclu qu’à partir d’aujourd’hui, « aucun de nous n’est seul ».
Effectivement, il faudra près de 25 minutes au carré de tête des porte-parole pour effectuer les 300 premiers mètres depuis le carrefour entre la rue de Lyon et la rue Daumesnil où ont été prononcés les discours. Des milliers de participants ont en effet précédé la tête de manifestation pour se masser plus avant sur son parcours. Beaucoup essaient d’apercevoir les orateurs. A ce jeu-là, Jean-Luc Mélenchon se taille un franc succès. Il a ce talent d’attiser les braises de convictions douchées par le temps et les déceptions et paie de son énergie contagieuse la reconnaissance des militants. Sans se la jouer rock-star comme certains médias peuvent le sous-entendre mais en remplissant la fonction de « tribun du peuple » comme il le revendique lui-même.
Et le peuple de gauche ne s’y trompe pas. Des pancartes dans le cortège qui va s’étirer durant trois longues heures vers la place de la Nation appellent chaque citoyen à « écrire sa constitution ». Certains, à l’exemple des pratiques grecques des inventeurs de la démocratie ont déjà des idées arrêtées sur le « tirage au sort » pour se préserver du clientélisme et de la corruption. En tout cas, il s’agit d’un virage à 180° avec le présent qu’une affiche résume en « l’oligarchie, c’est cause toujours ». Les médias ne sont pas épargnés par cette critique de la parole confisquée : les franges de certains balais ont été confectionnées dans des liasses de journaux. Et contre le consensus qui bâillonne et interdit, même dans les lieux privés comme le local du syndicat de la magistrature, de nommer un chat un chat, deux « murs des cons » se succèdent dans le cortège. On y reconnaît des patrons voyous, des médiacrates, des exilés fiscaux…
Au-delà de la bataille des chiffres, des commentaires de politologues sur la journée d’hier, la marche citoyenne pour une nouvelle République et contre l’austérité a constitué un vrai premier acte de mobilisation active. Il devra être nécessairement suivi de nombreux autres comme l’ont rappelé Pierre Laurent, Jean-Luc Mélenchon et les autres, juchés sur la plate-forme d’un camion, le long de la manif peu avant Nation, exhortant les participants à ne pas compter leurs efforts ni économiser leur énergie. Si l’on évoque la lointaine journée du 5 mai 1789, rien ne laissait présager la formidable dynamique qui allait changer le monde. Les cérémonies d’ouverture des Etats Généraux se sont déroulées tranquillement, presque banalement. La quasi-totalité des représentants du Tiers-Etat s’en était tenue humblement au port de l’habit noir de leur condition qui devait ne pas ternir la magnificence colorée des autres ordres. En l’absence d’un roi qui signifiait par là le peu de cas voire l’ennui et le mépris que suscitait pour lui l’irruption de la multitude, ils ont commencé à prendre l’initiative et leurs affaires en main…
Cont’age
Les suites du 5 mai
Le Front de Gauche se félicite du succès historique de la marche du 5 mai. Un an après l’élection de François Hollande, cette manifestation a confirmé d’une part le refus du peuple de gauche de la politique d’austérité menée par le gouvernement, d’autre part la possibilité de rassembler une majorité alternative appuyant une autre politique. La présence de très nombreux syndicalistes, salariés d’entreprises en lutte et le caractère populaire de la marche forment de ce point de vue un grand sujet de satisfaction. De même que celle d’Eva Joly et de nombreux élus, responsables et militants d’Europe Ecologie – Les Verts qui constitue un événement majeur. Enfin le mot d’ordre de changement de régime qu’exprime l’appel à une 6ème République a largement irrigué la marche.
La réponse du gouvernement n’a pas été à la hauteur de cette formidable aspiration. Au lieu de rassurer ceux qui ont permis la défaite de Nicolas Sarkozy il y a un an, Jean-Marc Ayrault a préféré dire une fois de plus sa sollicitude pour les chefs d’entreprise et annoncer la privatisation partielle d’entreprises publiques ! De son côté Manuel Valls joue de la provocation en minorisant outrageusement le nombre de manifestants.
Cette marche établit un rapport de force, ouvre de nouvelles perspectives, galvanise les énergies mais elle doit surtout être le début d’un processus. C’est pourquoi le Front de gauche, dans le même objectif d’élargissement que le 5 mai, propose d’ores et déjà d’autres rendez-vous dans les semaines à venir :
- la mobilisation aux côtés des syndicats le 16 mai en faveur de la loi d’amnistie sociale et de la loi interdisant les licenciements boursiers.
- le maximum d’initiatives populaires le premier week-end de juin sur le même mot d’ordre que la marche du 5 mai contre l’austérité, la finance et pour la 6ème République sous des formes décidées localement : marches, rassemblement, etc… dans les régions et départements
- Le soutien à la marche des femmes contre l’austérité le 9 juin
- les assises du 16 juin dont nous proposons la co-organisation à tous ceux, personnalités, associations, syndicats et forces de gauche qui partagent les objectifs d’une politique alternative à celle appliquée aujourd’hui par le gouvernement
Brader les entreprises du secteur énergétique serait écologiquement irresponsable
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, vient de renouveler la novlangue politique : dorénavant on ne parlera plus de privatisation, même plus d’ouverture du capital mais de « dégager une partie pour financer l’investissement ». De fait cela a déjà commencé avec la vente par l’état d’une partie du capital de l’équipementier aéronautique Safran et du groupe aéronautique et de défense EADS au cours des dernières semaines.
Aujourd’hui il serait question d’Areva, EDF et GDF-Suez. Qu’en pense Delphine Batho, ministre de l’Ecologie et de l’Energie, qui le 18 mars s’exprimait ainsi « l’ouverture du capital de RTE [filiale d’EDF en charge du réseau de transport d’électricité] n’est pas à l’ordre du jour et n’est de notre point de vue pas envisageable ».
Le gouvernement compte donc organiser la transition énergétique en affaiblissant un peu plus le poids de l’Etat dans les entreprises concernées. Cela vient après l’annonce de l’ouverture au secteur privé des concessions des barrages hydro-électriques, sujet sur lequel Delphine Batho avait aussi dit son opposition. Visiblement, pour ce gouvernement, l’avis de la ministre de l’écologie et de l’énergie n’a aucune importance.
Croire que la lutte contre les émissions de gaz à effets de serre se fera en livrant le marché de l’énergie aux intérêts boursiers est écologiquement irresponsable. C’est au contraire d’un pôle public de l’énergie dont la France a besoin pour réussir cette transition le plus rapidement possible et le plus juste socialement.
La capacité d’innovation langagière de ce gouvernement ne suffit pas à masquer la nouvelle soumission à la finance.