Forte déconnexion entre la base et le sommet
L’Assemblé nationale et le Sénat ont donc adopté le traité européen et la loi organique qui pérennisent l’austérité à perpétuité. Outre que c’est une forfaiture, cela ne clôt en rien l’affaire. D’abord tous les pays ne l’ont pas encore adopté ; ensuite sa mise en œuvre va se heurter à de multiples obstacles politiques, économiques et sociaux ; enfin l’avancée inexorable de la récession en Europe ne va pas manquer de provoquer fissures et craquements de tous ordres qui risquent bien de mettre à bas tout l’édifice. J’aurai l’occasion de revenir sur le fond lors du débat contradictoire qui m’opposera jeudi prochain à un responsable socialiste. Je tiens d’ailleurs ici à le saluer car il est le seul élu et responsable socialiste local qui ait accepté de débattre publiquement du traité. Cela ne m’étonne pas car j’ai toujours eu du respect pour Max LEVITA avec qui j’entretiens des rapports cordiaux. Nous n’appartenons pas à la même culture politique : il vient de celle de la deuxième gauche – rocardienne puis social-libérale, je suis de celle de l’autre gauche, qui prône la rupture avec le capitalisme. Si nous nous opposons souvent, j’apprécie son honnêteté intellectuelle et sa correction dans l’échange des arguments. Pour la qualité du débat, gageons qu’il en sera de même jeudi prochain.
La voie de l’austérité choisie par les dirigeants européens commence à trouver de plus en plus de contradicteurs dans leur propre camp. Le FMI lui-même s’inquiète de voir l’Europe rajouter de l’austérité à la récession en cours. Le contresens économique est désormais souligné par de larges cercles, d’autant que devient visible leur peur de l’explosion sociale qui peut en résulter. Les citoyens quant à eux sont en train de décrocher : ils ne croient plus aux sornettes austéritaires. Cela atteste que nous avons eu pleinement raison d’organiser la manifestation nationale du 30 septembre à Paris contre le traité et l’austérité : sa puissance et sa détermination comme son caractère unitaire ouvrent la voie à la résistance populaire. On a pu le vérifier ces derniers jours, notamment à Montpellier, dans la mobilisation exceptionnelle de Sanofi. Les salariés étaient plus de 800 jeudi dernier dans les rues de la ville unis derrière leur intersyndicale pour réclamer le retrait du plan de suppression d’emplois ; ils manifestaient, au lendemain de la déclaration honteuse de Montebourg validant le plan social, une grande détermination. Cette mobilisation de Sanofi fait bouger les lignes ; cela permet de populariser la nécessité d’une loi interdisant les licenciements boursiers (dans les entreprises qui font des profits). Sanofi en est de ce point de vue une parfaite illustration avec en 2011 8 milliards de bénéfices sur un chiffre d’affaires de 33 milliards, soit le taux de profit astronomique de 24% ! La rapacité de ses dirigeants les conduit à liquider un pan entier de la recherche sur le médicament.
Si le Front de gauche a pu être il y a quelques mois un peu isolé en réclamant une loi interdisant les licenciements boursiers, la mobilisation Sanofi a vu cette exigence devenir largement majoritaire. Non seulement les salariés ont repris cette revendication mais on a vu à l’initiative des élus Front de gauche toutes les collectivités locales (Montpellier, département, agglomération, région…) voter des vœux dans ce sens… à l’unanimité ! C’est un formidable point d’appui pour exiger que les députés votent cette loi au plus vite. Lors du meeting des Sanofi à Montpellier, les manifestants ont copieusement hué la députée PS de la ville pour avoir tenté de manière hautaine et cassante de défendre la direction de Sanofi. Après les positions claires et nettes des élus du Front de gauche (Claudine Troadec pour le PCF, Francis Viguié pour la GA, et moi-même pour le PG) il est à noter qu’Hélène Mandroux, Maire de Montpellier, a elle aussi appelé de ses vœux au vote d’une telle loi. Se retournant vers ces deux consœurs socialistes députées, elle leur lança devant une foule ravie « Bougez-vous ! les députés ! ». Mais seuls les élus du Front de gauche étaient à même d’offrir aussi une perspective industrielle en proposant l’intégration de Sanofi dans un vaste pôle public du médicament. Au pouvoir nous pourrions immédiatement la mettre en œuvre.
En se soumettant au carcan néolibéral du dispositif européen dont l’objet est d’empêcher la souveraineté populaire de s’exercer, le gouvernement Hollande – Ayrault est aspiré dans une spirale infernale, dont les effets agissent beaucoup plus vite que prévu. Reflet déformé de ce qui se passe dans les profondeurs de la population, le vote interne qui vient de se dérouler au PS prend à contre-pied ses dirigeants : avec d’une part une abstention de masse, d’autre part la poussée des courants de gauche.
La large victoire de Chavez contre le candidat unique de l’alliance de la social-démocratie, de la droite et de l’extrême droite avec un taux de participation de 80% est un formidable encouragement. Dés lors qu’on s’appuie sur le peuple et qu’on fait droit à ses intérêts, en prenant aux riches pour financer la santé gratuite, faire reculer l’analphabétisme, éradiquer la pauvreté…, la force du peuple qui se met en mouvement balaie toutes les combinaisons politiciennes.
En tenant compte d’un contexte certes différent, le Front de gauche doit s’en inspirer. Indépendant du PS et donc libre de ses décisions, intransigeant contre la droite et l’extrême droite, fidèle à son programme de rupture, présent dans la mobilisation sociale et par son expression politique, le Front de gauche peut devenir le recours politique dont notre peuple a besoin.
Attelons-nous à cette tâche avec méthode.