Accueil des réfugiés espagnols en 1939 • Un scandale nommé désir
Le communiqué du Président Henri Farreny de l’ Amicale des Anciens Guerilleros Espagnols en France (FFI) dont je fais partie dit l’indignation qu’ont provoquée les propos du premier secrétaire du parti socialiste à propos de l’accueil que reçurent sur notre territoire les 400 000 républicains espagnols en 1939. Je ne voudrais pas que mon article soit un billet d’humeur, il en a pourtant bien des aspects. Comment pourrait- il en être autrement ? Mon père était un de ces républicains espagnols, il a été parqué dans le camp de concentration d’Agde puis non reconnu par Pétain alors qu’il avait été arrêté avec l’armée française, le 18 juin 1940 ; il fut, comme dix mille autres, envoyé dans un camps de la mort, à Mauthausen. Il avait été reçu comme un bandit, surveillé par des tirailleurs sénégalais qui ne comprenaient pas à qui ils avaient affaire, il reçut une pelle pour faire un trou et une toile pour se construire un abri sur la plage. Imprévoyance d’un pouvoir qui avait trahi la République espagnole ? Non, revanche de ceux qui avaient fait « le choix de la défaite » (lire le livre d’Annie Lacroix-Ritz) et qui comptaient bien régler leur compte définitivement à ces rouges républicains qui, plus que leur mauvaise conscience, étaient leurs ennemis. La moindre tentative de fuir l’enfer de ces camps de concentration, c’était comme première punition d’être enterré toute la nuit jusqu’au cou dans le sable : nous étions en hiver, l’issue était fatale.
Billet d’humeur donc aussi, car socialiste, et au Parti de Gauche, il m’est insupportable d’assister à un tel dévoiement de la droiture que doit s’imposer celui qui a choisi la pensée et l’action de Jaurès, qui plus est, quand on est le premier d’un parti qui continue de s’en réclamer et ce, à des fins tristement politiciennes. Car ces propos ne relèvent pas de l’inculture ou seulement en partie, mais d’une politique cyniquement mise en œuvre et dont on a pensé en haut lieu, il y a quelques mois, que Désir avait le profil idéal pour la porter. Celle du consensus dont a besoin un gouvernement qui s’est lancé dans un acte de guerre hasardeux au Mali, et qui, après avoir donné mille gages au Medef, a besoin de rallier la classe politique de droite dans la perspective d’une union sacrée sans laquelle il ne pourra imposer la politique de la Troïka.. Alors il faut éloigner l’image d’une France qui se comporta d’une manière odieuse et criminelle avec ces centaines de milliers de pauvres qui avaient tout perdu et dont pourtant des milliers allaient participer aux combats de la résistance. Une partie de la droite se complet à répandre l’idée que la France, fille aînée de l’Eglise depuis Clovis, n’a jamais rien eu à se reprocher ? Qu’à cela ne tienne, Désir se charge, toute honte bue, de lui tenir des propos qui lui sont doux. Cahuzac lui-même n’a-t-il pas apporté sa pierre à ce consensus, allant jusqu’à affirmer que « la lutte des classes n’existait pas », prenant pour le coup tout le monde pour des imbéciles, avec son arrogance coutumière. Imbécile que l’agrégé de Lettres Bayrou a refusé d’être. Faut- il en effet pour s’attirer la sympathie des parties de droite considérer qu’ils sont constitués de demeurés ? Cahuzac l’a cru, Désir le croit.
Mais trop, c’est trop, Désir devra s’expliquer. Et qu’on nous comprenne bien, pour nous, les peuples n’ont rien à se reprocher. Ils ne sont pas responsables des crimes que des gouvernements ont commis en leur nom. Les générations actuelles n’ont pas à subir l’opprobre des camps de concentrations où l’on enferma par la suite les Juifs et les résistants. La repentance, on l’aura compris, nous est étrangère. Mais les peuples, la jeunesse, ont le droit à la vérité, et lorsque, comme c’est le cas ici, plus de 20 000 livres ont été écrits sur la guerre d’Espagne et des centaines sur les camps français de la honte de ceux qui préféraient Franco, Hitler et Pétain au peuple français et au Front Populaire, ils ont le droit de s’insurger devant ce « négationnisme » politicien de Désir.
Jean-Pierre Bel avait conclu son discours d’investiture à la Présidence du Sénat en citant Machado. Machado est mort peu de temps après son arrivée en France de maladie mais surtout de l’accueil qu’on lui fit. Mais Désir connaît-il Machado ?
On peut retrouver une très complète bibliographie dans le livre de Geneviève Dreyfus-Armand, « L’exil des républicains espagnols en France ».
Le roman historique de Juan Manuel Florensa, « Les mille et un jours des Cuevas », apporte par ses qualités littéraires un réalisme poignant à la vie dans ces camps et à ce que fut la « retirada ».
Et enfin le livre de témoignage de Véronique Olivares, « Mémoires espagnoles, l’espoir des humbles », chez Tirésias. Et qui m’écrit : « c’est de l’indigence culturelle lamentable !!! Pauvres de nous face à ceux qui nous gouvernent ».