Un accord qui fait mal

Il n’a pas fallu longtemps pour constater les conséquences de l’accord Medef sur la flexibilité du travail. Côté patronal, il encourage déjà les licenciements. Le lendemain, le patron de Renault a relancé son projet d’un « accord de compétitivité » qui vise à arracher le gel des salaires et la hausse du temps de travail, tout en annonçant près de 8000 suppressions d’emplois. Celui de Goodyear a estimé la voie libre pour mettre en œuvre la fermeture du site d’Amiens-Nord programmée depuis sept ans mais contrariée par la mobilisation ouvrière et cinq décisions de justice. Si l’absurde crédit d’impôt reversé aux entreprises était au moins assorti de contreparties, ou si la loi sur les licenciements boursiers avait été votée, l’Etat aurait les moyens de contenir cette hémorragie contagieuse !
Côté syndical, les conséquences sont encore plus dramatiques. La signature de quelques organisations contre l’avis de syndicats majoritaires a produit une fracture d’une profondeur inédite depuis la réforme des retraites. Deux blocs sont en train de se former entre lesquels les oppositions se radicalisent. Ainsi, après la décision patronale de fermer le site Goodyear d’Amiens Nord, le dirigeant d’une confédération syndicale qui n’est même pas représentée sur place en rend responsable la CGT, unique représentant des ouvriers de l’usine. Ce coup de poignard dans le dos n’est pas seulement contraire aux traditions de solidarité ouvrière. Il dégrade concrètement le rapport de forces. Les chiens de garde médiatiques se sont immédiatement rués dans la brèche. Il fallait avoir l’estomac bien accroché pour entendre sur le service public ce chroniqueur économique répliquer à propos de la perte d’espérance de vie des salariés de Goodyear passés aux 4X8 : « On dirait du Zola, c’est sûr que c’est moins fatigant d’être au chômage ». La haine de classe est aussi fréquente dans les médias dominants que l’homophobie dans les discours des députés UMP contre le mariage pour tous. Les deux méritent la même indignation.
Hélas, loin de chercher à rassembler les travailleurs, le gouvernement a choisi un camp et apporte son renfort à l’offensive du MEDEF. Les mêmes qui enjoignent aux députés de ne pas changer une ligne de l’accord MEDEF au nom de l’autonomie syndicale n’hésitent pas à dire aux organisations ouvrières ce qu’elles ont à faire. Après l’épisode lamentable de la négociation en direct d’Ayrault et d’Arcelor Mittal excluant les syndicalistes, Montebourg estime que les demandes du PDG de Renault sont « modérées » et invite les syndicats à « s’emparer de toutes les possibilités de cet accord » alors qu’il n’est pas signé et que plusieurs le combattent en appelant à des grèves massivement suivies !
Nous ne sommes pas spectateurs de ces conflits. Une solidarité de classe nous unit aux travailleurs piétinés par l’arbitraire des décisions actionnariales, désignés à la vindicte par des patrons seuls responsables des stratégies industrielles désastreuses de leurs groupes. Mais c’est aussi l’intérêt général qui commande de les soutenir. Le pays a besoin d’une industrie puissante, pour des raisons écologiques autant qu’économiques et sociales. Et pour réduire le chômage, il faut combattre les licenciements. Nous avons un rôle d’aide concrète, comme les caisses de grève. Mais aussi politique : montrer l’alternative aux politiques austéritaires, démonter les bobards patronaux. Nous serons donc avec nos drapeaux dans toutes les initiatives, notamment l’action intersyndicale contre l’accord MEDEF dont le principe a été annoncé ce lundi.

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