En Tunisie avec Mélenchon pour apprendre de nos frères

A mon amie très chère Mouna

A Chérif

Chokri BelaïdAujourd’hui, j’ai décidé de faire un tour ailleurs. La succession des manifestations et rassemblements de soutien aux salariés en lutte, de Presstalis à Goodyear, pour juste et nécessaire qu’ils soient, m’épuise un peu. J’ai décidé donc d’aller faire un tour ailleurs ce matin, précisément de l’autre côté de la Méditerranée, sur les traces de Jean-Luc Mélenchon. Le co-président de mon parti, depuis dimanche, effectue une tournée de conférences prévue de longue date au Maghreb. Vous savez les liens que j’ai avec cette partie du monde. Je suis donc curieux de savoir ce qu’en dit Jean-Luc. Mon premier bonheur est de l’entendre, lors d’un entretien accordé à une chaîne de télévision tunisienne, déclarer qu’il « veut apprendre des révolutions citoyennes, notamment celle à l’œuvre en Tunisie ».

J.-L. Mélenchon à  » Nessma TV » le 11/02/2013 par lepartidegauche

A cet instant, comme souvent dès lors que l’on parle de la Tunisie, surgit devant mes yeux clos le visage très proche, amical et doux de Mouna Mathari, avec qui j’ai travaillé au conseil général de l’Essonne et qui est repartie en Tunisie pour faire la révolution. L’assassinat du leader du Front populaire Chokri Belaïd rappelle à tout un chacun que l’engagement politique se paie, encore, au prix de la vie. J’ai attendu avant d’en parler parce que j’ai peur pour mon amie, militante féministe, militante de la laïcité, dirigeante politique de premier plan. Il faut parvenir à se défaire de cette peur primale, celle de la mort d’un être cher, pour pouvoir réfléchir à haute voix sur ce qu’il se passe. Donc, Mouna fait partie de celles et ceux qui ont accueilli Jean-Luc dans la première étape de son périple nord-africain.

C’est là, donc, qu’il évoque, lui qui est né au Maroc, une autre vision des relations entre les deux rives de la Méditerranée. Cette mer, qui fut le Mare nostrum, mythique lieu de rassemblement, de convergences, est devenue aujourd’hui un mur infranchissable. Notre histoire commune, notre interdépendance à tous les niveaux : économiques, sociaux, culturels, nous oblige à redéfinir notre mode de relation. Comme le dit Jean-Luc Mélenchon, « Tunisiens et Français ont une histoire très étroite ». Pourtant, les rapports entre les deux pays sont trop distants, plombés qu’ils sont par les oukases du libéralisme qui marchandisent jusqu’à la vie humaine au travers de l’organisation de filières clandestines de sans-papiers destinées à alimenter le travail clandestin cher au patronat français. Vous croyez que j’exagère ? J’ai eu l’occasion, il y a quelques petites années en arrière, de rencontrer l’un de ces sans-papiers, il travaillait à la construction du TGV Est et me raconta qu’ils étaient environ 15 % des travailleurs impliqués dans ce chantier pharaonique à être privés de tous droits parce que privés de papiers estampillés « République française ».

Hommage à Chokri Belaïd

C’est pourquoi je partage avec Jean-Luc, et pas parce qu’il est le co-président de mon parti, parce que je suis fait de cette histoire aussi, la nécessité impérieuse que la France se retourne vers ses pays frères du Maghreb. « Il n’y a pas d’avenir raisonné pour la France sans cette participation qu’elle a naturellement à l’avenir des peuples arabes et berbères », répète Jean-Luc dans le droit fil de son discours de Marseille. Il convient donc clairement de réactiver l’utopie euroméditerranéenne, dans un sens de coopération et pas de colonialisme déguisé, d’échanges et pas de pillages, dans le droit fil de l’Andalus chère à Averroès. Nous combattons donc le janus fascisant au double visage des nostalgiques de l’OAS comme Michèle Tabarot et des salafistes qui n’ont rien à voir avec l’Islam.

Pour ce faire, il faut savoir se faire humble. Et Jean-Luc qui présente une série de conférences en Tunisie, en Algérie et au Maroc sur l’écosocialisme et la révolution citoyenne s’y rend aussi pour apprendre. Il ouvre aussi une perspective nouvelle sur un mouvement démocratique né en Tunisie et qui a enflammé le monde méditerranéen depuis 2011 :

« La révolution tunisienne n’est pas un cas tunisien, ni arabe, mais universaliste. Si certains, en France, ont des doutes sur le fait qu’on est en partie lié à la révolution tunisienne, je leur réponds qu’ils n’ont qu’à imaginer le type de réactions qu’aurait suscité en France une prise totale du pouvoir par les islamistes. Pour moi, il s’agit d’un printemps méditerranéen qui a commencé en Tunisie et qui va continuer en Grèce, en Espagne ou au Portugal  ! Pour moi, c’est le même processus. J’ajoute que je souhaite pour toute la Méditerranée une révolution citoyenne du même type que celle en cours en Tunisie. »

Jean-Luc Mélenchon en Tunisie

Hier, mardi 12 février, à Alger, il a rempli le centre culturel de l’Institut français d’Alger, une réunion préparée par mon amie Mounia Benaïli. Aujourd’hui, il part pour le Maroc. Merci Jean-Luc.

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