Universités • Loi LRU, acte 2

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Crédit photo NguyenAiQuoc – Wikimédia Commons

La loi LRU (Libertés et responsabilités des Universités) a été une des premières lois du mandat de Nicolas Sarkozy. Elle était emblématique des lois votées en juillet 2007 qui posaient les jalons de la régression sociale qui marquerait le quinquennat.

Son objectif principal était de mettre en place l’autonomie des établissements pour les pousser à la concurrence tandis que la pénurie budgétaire favorisait la privatisation du financement des Universités. L’enseignement supérieur avait ainsi vocation à se transformer en marché, au détriment de la qualité de l’enseignement et du droit de tou-te-s à l’éducation. Loin de l’abroger, le gouvernement s’inscrit dans le même cadre pour proposer une nouvelle loi d’orientation sur l’Enseignement supérieur et la Recherche par la voix de la Ministre Fioraso.

Avancées en trompe l’œil

Les annonces ministérielles vantent l’écoute des revendications du monde universitaire et leur prise en compte dans le projet de loi. Les questions de la gouvernance et de l’évaluation des établissements sont marquées par des évolutions qui pourraient passer pour des améliorations. La Ministre avait affirmé que la gouvernance des Universités serait plus collégiale. L’évaluation des établissements ne serait plus confié à l’AERES (agence d’évaluation instituée par la LRU et très fortement contesté par l’ensemble de la communauté universitaire). Ces annonces sont contredites par les faits. La gouvernance n’est pas plus démocratique. Les conseils qui gèrent les Universités continueront à être composés en grande partie par des membres nommés et non plus élus. Pire, alors que seuls les membres élus des conseils participaient à l’élection du président, même les membres non élus pourront désormais le faire (L712-2). Enfin, concernant l’évaluation, l’AERES disparaît mais est remplacée par le Haut Conseil d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES). Le nom mis à part, on cherche la différence. La méthode est la même que pour la RGPP renommée MAP. On change le nom, pas le fond.

Les grandes orientations de la LRU sont donc confirmées et amplifiées par la loi Fioraso. Celle-ci organise, plus explicitement encore, la subordination progressive du monde académique aux impératifs du secteur privé et de « l’économie ». L’Université reçoit la mission de participer à « la croissance et la compétitivité de l’économie et à la réalisation d’une politique de l’emploi prenant en compte les besoins des secteurs économiques et leur évolution probable » (L123-2). Les établissements doivent s’attacher « à développer le transfert des résultats obtenus vers le monde socio-économique ». Ces dispositions ne sont pas marginales et traduisent bien la vision que le gouvernement a de l’Université (L123-5).

De l’autonomie à la régionalisation

D’ailleurs, l’axe central de la loi LRU, le principe d’« autonomie », est réaffirmé clairement. Les articles de 2007 affirmant que les établissements « sont autonomes » (L711-1) sont repris sans aucune modification. Cette autonomie est même accrue. Le rôle de l’Etat régulateur est encore affaibli : la référence à la « planification » disparaît (L123-2). La responsabilité du Ministère vis-à-vis des universités et de l’ANR reste donc très floue. Avec cette confirmation de la course à l’autonomie toujours plus grande des établissements, ce projet de loi n’apporte aucune réponse aux problèmes des Universités (mise en concurrence, inégalités croissantes entre les établissements) et surtout aux déficits budgétaires apparus avec la LRU. Pour rappel, près de la moitié des 80 universités françaises sont en difficultés, et plus de 20 d’entre elles seront en déficit en 2013.

Dans le même temps, la loi de décentralisation offre la possibilité pour l’Etat de déléguer aux collectivités territoriales ses compétences en matière de construction, reconstruction, maintenance et mise aux normes des locaux des établissements publics d’enseignement supérieur. Nombre d’universités asphyxiées financièrement vont être tentées de solliciter les Régions quitte à accepter de se conformer encore plus à leur vision d’adéquation étroite des formations au marché local immédiat. L’autonomisation tourne donc à la régionalisation. Encore plus avec la création de la communauté d’université (CU), qui remplace le PRES. Le regroupement des établissements, jusque là encouragé, est désormais obligatoire. C’est au niveau des regroupements d’universités (fusion ou Communauté d’université) que se fera désormais la contractualisation avec l’Etat. Ces CU pourraient regrouper des Universités publiques, mais aussi des établissements privés voire confessionnels. La distinction privé-public disparaitrait. La laïcité avec.

Les attaques du gouvernement précédent contre l’Enseignement Supérieur et la Recherche ont répandu la précarité dans ce secteur de la fonction publique. 50 000 précaires sont aujourd’hui indispensables au bon fonctionnement des Universités et de la recherche française. Rien dans cette loi n’est prévu pour les titulariser et donc résorber cette précarité. L’application de la loi Sauvadet (CDIsation et titularisation des CDD employés sur des fonctions pérennes) n’est même pas évoquée. De plus les créations de postes annoncées par la Ministre sont insuffisantes. Les 1 000 postes annoncés ne compenseront pas les 3 000 supprimés entre 2008 et 2012 et ne sont même pas à la hauteur des 1 500 postes actuellement gelés dans les Universités.

L’Université à la diète

Le 4 février 2013, François Hollande réaffirmait un de ses engagements de campagne : « j’ai décidé de sanctuariser le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2013 ». Le budget voté en décembre était en hausse de 2,2 % par rapport à celui de 2013. Mais cela ne tient plus. Suite au rappel à l’ordre de Bruxelles, les « bons élèves » de Bercy ont tranché. 250 M d’€ de crédit de l’ESR sont gelés en 2013. L’augmentation du budget 2013 est ainsi ramenée à 1,1 %. Soit largement moins que l’inflation (2%). La Ministre Fioraso s’était engagée à ce que les coupes budgétaires épargnent les budgets récurrents des Universités. Pourtant des dotations de fonctionnement d’Université sont déjà revues à la baisse. Pour l’Université de la Réunion, cela représente 900 000 € en moins.

Cette loi s’inscrit donc dans un objectif d’austérité. C’est une loi d’orientation et non de programmation, aucun budget pluriannuel n’est prévu pour accompagner sa mise en œuvre. Rien n’est dit sur la manière dont les Universités vont pouvoir se financer pour résoudre leurs problèmes budgétaires qui dégradent fortement aujourd’hui les conditions d’études et de travail. Pour dégager des budgets, il n’est pas innocent que la loi souhaite favoriser le développement du numérique, qui permet de diminuer le ratio enseignant/étudiants, mais aussi de produire des ressources de formation que l’on peut ensuite monnayer largement. Si cette marchandisation des savoirs ne suffit pas, les Universités devront faire porter sur les étudiants et leurs familles la charge financière, en rupture avec le droit à l‘éducation pour tous et en favorisant l’endettement étudiant dans un processus étudié par le livre de François Delapierre1 qui vient de paraître.

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