Schröder • Quand l’idole du PS défend Merkel
Il est l’idole de la social-démocratie française : François Hollande avait loué son bilan à la tête de l’Allemagne, le 5 décembre 2011, au congrès du parti social-démocrate allemand, en clamant haut et fort «vous avez fait des réformes importantes ici en Allemagne. En France, elles ont trop tardé ». Le 27 septembre dernier, Jean-Marc Ayrault déclarait même sur France 2 : « Schröder a eu besoin de deux mandats pour faire ses réformes, nous le ferons dès maintenant ! ».
Mais il est aussi l’idole de la droite française: Nicolas Sarkozy déclarait ouvertement quand il était président s’inspirer de lui en matière de réforme, ou plutôt de liquidation méthodique, de la Sécurité Sociale et des protections collectives sur le marché du travail… et il le lui a bien rendu, en saluant ses réformes « dans la bonne direction, mais peut-être insuffisantes » !
Lui ? C’est Gerhard Schröder.
Sa dernière lubie, dans un entretien au Spiegel le 31 mars: Prendre la défense d’Angela Merkel sur sa gestion de la crise européenne !
Il y déclare sans sourciller : « Merkel ne refuse pas le leadership, mais l’exerce de manière retenue, je trouve cela bien » Et la brutalité et du cynisme vis-à-vis des Etats du Sud de l’Europe ? Et la réduction de Chypre et des autres parlements souverains à l’état de chambres d’enregistrement des diktats libéraux ? Pas un mot.
Il y explique doctement que « l’Allemagne est appelée à jouer un rôle de meneur au sein de l’Union européenne, du fait de sa force économique et de son importance politique ».
Oublie-t-il le rôle crucial de l’Allemagne dans la crise des dettes souveraines ? La politique de l’Agenda 2010 qui a baissé les salaires réels allemands par rapport aux « concurrents » européens, ce qui a entraîné des pressions néfastes sur leur croissance et, par ce biais, sur leurs finances publiques ? Oublie-t-il qu’en même temps l’Allemagne leur interdisait d’exporter en retour, puisque sa demande globale stagnait?
Il y raconte même qu’il « en a fait l’apprentissage pendant [son] mandat, l’Allemagne qui dirige l’Europe, c’est comme des porcs épics qui s’embrassent, ça ne peut se faire qu’avec beaucoup de précautions ». Fait-il ici allusion au doigté de Merkel, à sa subtilité lorsqu’elle accuse de fainéantise les Grecs (qui travaillent bien plus que les Allemands) ? Ou à son gouvernement qui attaque les pays du « Club Med » ? Qui qualifie les habitants du Sud de l’Europe de fraudeurs pathologiques ? Multiplie les menaces d’exclusion de la zone euro ou de mise sous tutelle des budgets nationaux ?
Modèle politique historique de la social-démocratie, désormais modèle politique des conservateurs, et maintenant défenseur d’Angela Merkel : Gerhard Schröder n’en finit plus de tromper son monde. Son ralliement à l’impérialisme merkelien requiert une condamnation de la part de sociaux-démocrates qui se sont, d’ores et déjà, trop compromis avec son bilan désastreux. Loin d’être une source d’inspiration, Schröder est un problème pour la gauche. A-t-il oublié chez Gazprom que son parti social-démocrate présente un candidat contre Angela Merkel ?
La trajectoire idéologique de Gerhard Schröder est à l’image de celle de ses laudateurs. Tous font du Merkel. Tous défendent les positions de celle-ci partout en Europe. En la défendant en personne, Gerhard Schröder est soit un précurseur de ses pairs, soit un homme qui assume enfin sa ligne politique néolibérale et austéritaire. En tout état de cause, il contribue à brouiller le champ politique. Nous espérons que les militantes et militants de gauche ne se laisseront pas abuser par lui, qui montre la voie désolante d’une gauche percluse de reniements, dont l’unique projet de société consiste à se rallier à la vaste union sacrée de l’austéritarisme européen.