Rue89 • « L’esprit d’entreprise » à l’école : une atteinte à la laïcité

La principale critique que nous faisions du projet de loi d’orientation pour la refondation de l’école de la République de Vincent Peillon résidait dans l’accumulation de contresens et d’aveuglements idéologiques sur lesquels il repose. Le discours prononcé le 29 avril par le président de la République en clôture des assises de l’entrepreneuriat valide de fait notre analyse. Il offre en effet un condensé édifiant de ces déficiences dûment constatées.

François Hollande propose de « stimuler l’esprit d’entreprise » dans l’école, en prévoyant notamment de la sixième à la terminale un programme sur « l’entrepreneuriat ».  Ce faisant, il décline les impasses idéologiques qui obscurcissent la loi d’orientation en discussion au Parlement, votée en première lecture par les députés et prochainement soumise aux sénateurs.

C’est d’abord remettre en cause de manière frontale la laïcité qui ne se résume pas au champ du religieux. Elle vise également à garantir la neutralité en mettant à distance tous les dogmes : celui du marché et de l’économisme triomphant doivent être maintenus hors de portée des enfants.

L’augmentation du nombre de stages en entreprises, outre qu’elle vise à formater les futurs salariés à la doxa libérale véhiculée au sein de l’entreprise, réduira en conséquence la part des savoirs transmis. En effet, les stages ne se traduiront pas par des heures supplémentaires pour les élèves. C’est donc accentuer la dérive minimaliste et utilitariste du socle commun de compétences instauré par la précédente loi d’orientation de 2005 de François Fillon et confirmé par la future.

La marotte de « l’adéquationnisme »

L’intrusion au sein de l’école des façons de penser de l’entreprise et des intérêts du monde économique constitue une régression. L’école de la République s’était mise en place en s’affranchissant de tous les intérêts locaux, clientélistes, cléricaux ou mercantiles. Il s’agit d’une évolution à rebours de la construction d’un cadre national garantissant au mieux une égalité territoriale même imparfaite. C’est en définitive ouvrir la voie à plus d’autonomie, à une balkanisation de l’école et une gestion managériale.

Un enfant jouant avec des pièces de monnaie (Pink Sherbet Photography/Flickr/CC)
En filigrane se dessine la marotte de « l’adéquationnisme » dans le prolongement de l’imposition à l’institution scolaire de l’acte III de la décentralisation même morcelée en trois parties devant les inquiétudes exprimées au sein même de la majorité. Au motif que l’offre de formation devrait être en adéquation avec la réalité du bassin d’emploi correspondant, les libéraux voudraient assujettir l’école aux intérêts immédiats des entreprises locales.

C’est ainsi que la tentation est grande de la part de nombre de présidents de conseils régionaux socialistes de faire en sorte que « ceux qui financent les bâtiments décident aussi de ce qui se passent entre les murs ». Cet adéquationnisme de mauvais aloi renforce puissamment les enfermements dans des déterminismes territoriaux et sociaux que l’honneur de l’école est de combattre sans faillir.

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