Mémoire des Luttes • Les chantiers de Nicolas Maduro

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Admettons-le d’emblée. Personne n’avait envisagé un tel scénario pour l’élection présidentielle vénézuélienne du 14 avril dernier. Toutes les enquêtes d’opinion, réalisées par des instituts proches du gouvernement ou de l’opposition, tablaient sur un écart de 6 à 15 points en faveur du candidat de la Révolution bolivarienne, Nicolas Maduro.

Ce dernier l’a bien emporté, mais avec 1,83 % d’avance sur Henrique Capriles, son adversaire de droite, alliée aux sociaux-démocrates de la Table de l’unité démocratique (MUD)). Ce pourcentage correspond à un avantage de 273 000 voix sur près de 15 millions de suffrages exprimés [1].

Manifestement, l’émotion suscitée par la mort prématurée de Hugo Chavez le 5 mars ne s’est pas traduite dans les urnes : il n’y a pas eu de reconduction mécanique de l’ensemble du vote chaviste du 7 octobre 2012 – date de la précédente élection présidentielle ayant opposé Hugo Chavez à Henrique Capriles – sur … le candidat chaviste d’avril 2013.

C’était pourtant ce qu’attendait le camp bolivarien – dont la campagne-éclair (du 2 au 11 avril) s’est largement structurée autour de la continuité de l’héritage du « comandante presidente ». On peut considérer que 700 000 voix acquises le 7 octobre (Hugo Chavez en avait alors obtenu 8,2 millions) ont, cette fois-ci, basculé vers Henrique Capriles.

Il existe plusieurs interprétations – combinatoires et non exhaustives – expliquant cette désertion. Tout d’abord, l’équation personnelle de Hugo Chavez a été, d’une certaine manière, une nouvelle fois démontrée. Le fondateur de la Révolution bolivarienne était capable de fédérer sur son nom, au-delà des clivages, nombre de Vénézuéliens qui pouvaient, dans le même temps, se montrer critiques des politiques du gouvernement, de son efficacité, des problèmes de gestion et de corruption (qui touchent l’administration, mais également le secteur privé), etc. Cette fois-ci, c’est le gouvernement, en tant que collectif politique, qui se soumettait au suffrage populaire. Et ce, sans son champion toutes catégories.

Pour sa part, Henrique Capriles a développé une campagne de communication fondée sur une stratégie consistant à inscrire largement son projet dans le patrimoine bolivarien. Et ce, notamment, lors des derniers jours de la campagne officielle. Non content d’avoir – ironie de l’histoire – nommé son équipe de campagne « comando Simon Bolivar » pour tenter d’enfoncer un coin entre la figure tutélaire des indépendances latino-américaines et Hugo Chavez (dont le nom avait été retenu pour être celui de l’équipe de campagne de Nicolas Maduro), le candidat de la MUD a pris soin de ne point trop attaquer frontalement l’ancien président – il a même salué son œuvre à plusieurs reprises – et Nicolas Maduro. Son registre : « Je ne suis pas l’opposition, je suis la solution ». « Je vous propose de poursuivre sur la base des acquis, mais en mieux ».

Cette stratégie, paramétrée pour capter une partie de la classe moyenne, qui oscille d’un camp à l’autre depuis plusieurs années, indique paradoxalement un phénomène qu’il convient de prendre en compte pour comprendre les legs de Chavez au Venezuela. C’est, en réalité, tout le centre de gravité de la vie politique qui a basculé plus à gauche dans ce pays. Le périmètre du débat public est désormais délimité par les réalisations et les promesses – abouties ou non – de la Révolution bolivarienne. C’est sur le terrain des politiques de lutte contre la pauvreté, de construction, de développement et d’institutionnalisation de l’Etat providence [2] et de l’Etat tout court, d’inclusion des discriminés sociaux, économiques, politiques à la vie nationale que se joue la dispute politique et démocratique au Venezuela.

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