Brésil, revendications sociales sur fond de coupe du monde
La mobilisation sans précédent depuis 20 ans qui a lieu en ce moment au Brésil bat en brèche la vision du pays telle qu’elle est généralement présentée. Si des avancées indéniables ont été mises en œuvre depuis quelques années par Dilma Rousseff et Lula Da Silva, il existe encore des failles importantes, particulièrement dans les services publics et le système démocratique. Si bien que les mobilisations qui ont lieu depuis plus de 10 jours au Brésil ont une très forte connotation politique dont les buts et les enjeux dépassent de loin la simple question de l’augmentation du prix des tickets de transport. A l’image de la guerre de l’eau à Cochabamba (Bolivie) en 2000, ces soulèvements font suite à une atteinte aux droits économiques, sociaux et politiques de la population et mobilisent autour de la question de l’extension de ces droits.
A l’origine de cette marée citoyenne au Brésil il y a l’immense décalage entre les sommes investies par le pays pour l’organisation de la coupe du monde de football en 2014 puis des Jeux Olympiques de 2016 et la part de la richesse produite par le pays qui bénéficie à la population, aux services publics et aux programmes sociaux. A titre d’exemple : près de un demi milliard d’euros ont été dépensés rien que pour la modernisation du stade Maracanã de Rio de Janeiro. A un an de la coupe du Monde de football au Brésil, cela montre que même dans le pays du football le social est plus fort que le sport. Gageons pour autant que les revendications de la population, contre les violences policières (30% selon un sondage réalisé auprès des manifestants), contre la corruption (40% selon ce même sondage), et pour des services publics de qualité ne soient pas éteintes par ce grand moment que la FIFA veut « apolitique ».
Car il y a bien un mot d’ordre politique derrière ces mobilisations. Le « Mouvement passage libre » (MLP, un « mouvement social autonome horizontal et indépendant ») réclame la gratuité des transports en commun et leur gestion publique intégrale. C’est le MLP qui est le fer de lance de cette série de manifestations à travers le pays. Si le MLP se veut apolitique, les revendications qu’il porte sont tous sauf dénuées de sens politique. Et plus largement les mots d’ordres qui ont émergé ainsi que les attentes des manifestants sont toutes en faveur d’une amélioration des services publics et de la lutte contre la corruption. Les transports sont bien un symbole de ce déficit de services publics au Brésil : à Sao Paulo il n’y a que 74 km de lignes de métro et 64 stations quand Paris, qui est une ville 14 fois plus petite que Sao Paulo, il y en a plus de 300 avec 220 km de métro. Ces quelques chiffres mettent bien en avant le déficit d’investissement dans les services publics, comme le prouve aussi les très nombreuses concessions privées dans le transport à travers le pays.
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