La loi Fioraso, la continuité de l’ère Sarkozy !
La promesse de Hollande d’abolir la loi Pécresse n’a pas été tenue, la loi Fioraso est une véritable loi LRU 2. Vincent Feltesse, le rapporteur, lui-même l’a dit à l’Assemblée : « ce n’est pas une loi de rupture ! ». L’enseignement supérieur fonctionne comme un laboratoire de nos services publics : la pénurie budgétaire alliée à un modèle libéral pousse les établissements à une privatisation rampante. Cela remet en cause le droit de tous et toutes à une éducation de qualité et la cohésion de l’enseignement supérieur et de recherche sur le territoire national.
1) Une « autonomie » renforcée, des universités féodalisées
Le principe d’« autonomie », au cœur de la loi Pécresse, est réaffirmé clairement. Cette autonomie notamment financière (gestion du patrimoine immobilier, des salaires etdes emplois d’enseignants) a pourtant, d’ores et déjà, conduit la moitié des universités françaises à des budgets déficitaires. Cette impasse budgétaire, loin de ne toucher que les universités les plus modestes, ébranle même les plus grands établissements : en déficit de plusieurs millions, l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne va ainsi devoir réduire de 10% son offre d’enseignement pour l’année à venir. Que ce soit la LRU1-Pécresse sous Sarkozy ou la LRU2-Fioraso sous Hollande, le gouvernement organise la pénurie dans les universités.
Parallèlement à ce renforcement de l’autonomie, le rôle régulateur et égalisateur de l’Etat est encore affaibli. Dans le même temps, le rôle de la région dans la définition et la conduite des politiques universitaires est nettement renforcé. Ce qui se dessine c’est donc une université reféodalisée, où les instances nationales, dessaisies au profit d’exécutifs régionaux ou locaux, ne pourront plus assurer la qualité et l’homogénéité de l’offre universitaire sur le territoire (par exemple, avec suppression de l’habilitation nationale des diplômes), et où les mesures discrétionnaires risquent de se multiplier. À ce titre, l’adoption par les sénateurs d’un amendement EELV prévoyant la fin des qualifications nationales pour les enseignants (CNU), n’est pas un accident de parcours. Cette disposition relève d’un réel agenda politique libéral de déconstruction du système universitaire français et annonce l’avenir. La ministre ne l’a d’ailleurs pas rejeté mais a seulement suggéré de « laisser du temps au temps ».
2) Le gouvernement ne fait toujours pas confiance à la communauté universitaire
Si le gouvernement veut des universités « autonomes » sur le plan financier, il veut une communauté universitaire étroitement encadrée. Qu’il s’agisse de la vie de l’université ou de conduite de la recherche, défiance et contrôle sont à l’ordre du jour.
Ainsi, la gouvernance démocratique au sein de l’université n’est pas rétablie. Au contraire, le président de l’université conserve des droits exorbitants. Au sein du conseil d’administration, la présence des membres nommés, qui n’ont souvent aucune légitimité universitaire (« personnalités du monde économique », représentants des collectivités) reste importante. Pire : le président de l’université est désormais désigné par tous les membres du CA et non plus par les seuls membres élus.
En outre, est mis en place un nouvel échelon institutionnel, pour le moins obscur, la Communauté d’Université, dont les instances dirigeantes risquent d’être composées sans aucune transparence. Même défiance en ce qui concerne la recherche. L’agence d’évaluation instituée par la LRU-Pécresse, l’AERES, n’est pas supprimée malgré les engagements de Hollande. Elle doit être remplacée par une autre autorité administrative non élue, le Haut Conseil d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES), qui procède de la même logique et conserve le même type de missions.
3) Des universités en concurrence les unes avec les autres
Le regroupement des établissements, jusque là encouragé, est désormais obligatoire. C’est au niveau des regroupements d’universités que se fera désormais la contractualisation avec l’Etat. La recomposition de la carte universitaire continue.
Dans le contexte aveuglément concurrentiel créé par l’autonomie, il n’est pas difficile d’imaginer à quoi cette carte ressemblera : des pôles d’« excellence », déjà bien pourvus, concentreront toujours plus de ressources (fonds publics et privés, meilleurs étudiants, enseignants prestigieux, diplômes cotés…) tandis que les universités de second rang, reléguées, fragilisées, devront réduire leurs activités, ou les réorienter pour survivre. Ce qui se dessine, c’est bien une université hyperconcurrentielle et un véritable marché de l’enseignement supérieur !
4) Vers l’entreprise-Université
La loi Fioraso rapproche encore l’université de l’entreprise : elle assigne à l’enseignement supérieur une nouvelle mission, le « transfert des résultats vers le monde économique », oblige les universités à accueillir dans leurs CA des représentants du monde économique, pousse les établissements à assurer « la formation à l’entrepreunariat » et la préparation des étudiants « aux entretiens d’embauche »…
Mais l’université n’est pas seulement invitée à faire une place à l’entreprise. Elle est appelée à devenir elle-même entreprise. En effet, l’autonomie et la concurrence généralisée soumettent les établissements à des contraintes rentabilité et les obligent à intégrer les logiques du privé. Pour trouver des fonds, les universités « autonomes » emprunteront vaillamment les pistes déjà explorées par certaines d’entre elles : hausse des frais d’inscription (et donc endettement des étudiants), concentration sur les filières « profitables », externalisation de certaines activités, adaptation aux besoins du « tissu économique local », partenariat avec des entreprises privées, marchandisation des cours (développement du marché numérique de l’enseignement par l’intermédiaire des Massive Open Online Courses, MOOCs).
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Aujourd’hui plus que jamais, l’urgence c’est l’abrogation de la LRU comme de la loi Fioraso. L’urgence, c’est enfin une loi de programmation qui dote vraiment toutes les universités de moyens de former les étudiants et de mener une politique de recherche libre et s’attaque enfin à la précarité dans les universités: à quoi bon 5 000 postes sur 5 ans face à 50 000 précaires ?