29 septembre 1933

Papins.jpeg En février 1933, un fait divers sans précédent éclate dans la bonne société du Mans. Deux domestiques, Christine Papin et sa sœur Léa, assassinent leurs patronnes, Germaine Lancelin et sa fille Geneviève. Sauvagerie, violence, atrocité, barbarie. Les mots se bousculent dans la presse. Les coupables avouent. Oui, elles ont tué. Oui, elles se sont acharnées sur les corps. Oui, elles ont nettoyé la maison après le crime. Parce que c’est ainsi qu’on fait. Parce que c’est leur travail, après tout. Il faut que tout soit « propre ». Alors, elles ont nettoyé… Le mobile ? Elles ne savent pas. Elles ne savent plus. La patronne s’est montrée menaçante, pour un fer à repasser en panne. Peut-être. Ou pas.

Dans la bourgeoisie de ces années-là, les patrons ne sont pas toujours bienveillants pour leurs employés. Certains méprisent, d’autres soupçonnent, épient, comptent et recomptent les fruits, les couverts, la monnaie, pèsent le beurre et le fromage. Comment vivent les bonnes dans des maisons où rien n’est fait pour elles ? On met un chapeau pour aller à l’église le dimanche, mais est-on une « dame » pour autant ? En a-t-on oublié les humiliations répétées, les brimades accumulées et l’enfance sordide entre alcool, inceste, suicides et placements successifs ? Et pour autant, rien n’excuse un meurtre.

Les intellectuels, les surréalistes s’emparent du drame. Lacan en fait un cas d’école. Les uns hurlent à la mort, les autres à la transgression géniale. Et la presse, nationale ou locale, a tôt fait de rejeter les deux sœurs hors de la communauté humaine. Pourtant, l’Humanité dénonce l’exploitation ouvrière, l’esclavage moderne bien à l’abri dans l’office des grandes maisons, et dit, en un mot, la lutte des classes.

En septembre, le procès s’ouvre. Procès expédié. Christine, donnée comme incitatrice du crime, et qui en a pris la responsabilité au cours de l’été pour sauver sa sœur, est condamnée à la guillotine. Léa à 10 ans de travaux forcés. Le président de la République va gracier l’ainée. Preuve s’il en fallait que les interrogations existent. Et malgré toutes les interprétations artistiques qui en ont été faites, 80 ans plus tard, elles demeurent…

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