Résolution du Conseil National sur les élections européennes
Cette résolution a été votée, et approuvée par 97% des délégué(e)s qui se sont exprimé(e)s.
Les élections européennes constituent le rendez-vous électoral majeur de l’année.
Elles sont l’occasion pour l’opposition de gauche aux politiques libérales appliquées en France comme dans l’Union Européenne (UE) de franchir un cap. Car désormais, que les gouvernements soient dirigés par des libéraux de droite ou des sociaux démocrates, la politique économique et sociale est la même. A chaque fois que le choix leur est donné, les partis sociaux libéraux préfèrent d’ailleurs des majorités d’union avec la droite plutôt que des rassemblements à gauche. C’est le cas dans 14 pays sur 28. Ce fut le cas par exemple du SPD à l’issue des dernières élections allemandes. Le même type de combinaison sévit au parlement européen que le PSE et le Parti populaire européen cogèrent pour appliquer une politique libérale et se répartir les postes. La mue de la social-démocratie européenne est achevée : elle n’est plus l’outil du compromis entre le travail et le capital, elle est désormais passée du côté de ce dernier.
C’est vrai à l’échelle de l’UE, c’est désormais également vrai en France. Le PS s’est désormais fondu dans ce brouet politique. Alors qu’il a été élu pour mettre fin à la politique de Nicolas Sarkozy, François Hollande applique la même politique de droite. Il l’assume même désormais pleinement : politique de l’offre, austérité, cadeaux incessants aux actionnaires, baisse des dépenses publiques, politique anti-écologique, tout l’arsenal néolibéral y passe. Après avoir travaillé au développement du modèle austéritaire en Europe en signant le TSCG, il se donne sans aucune honte pour modèle l’Allemagne de Mme Merkel et du bilan des mandats de Gerhard Schröder. Ce modèle, celui d’une relance basée sur les exportations, est délétère puisqu’il repose sur une concurrence généralisée entre les peuples, la déflation salariale et une convergence sociale vers le bas. En parallèle de cette adhésion, François Hollande cherche à imposer à notre pays une organisation territoriale basée sur de grandes régions et des « métropoles », en accord avec les vieux projets de l’UE de détruire les cadres nationaux d’exercice de la souveraineté populaire pour encourager une compétition économique mortifère entre les pays européens La capitulation du chef d’état de la 2e puissance économique européenne achève l’uniformisation du projet politique de l’UE. C’est la fin du mythe d’une Europe sociale qui a justifié tous les reculs de la social-démocratie. Rappelons-nous : le PS prétendait accepter des traités toujours plus libéraux au nom d’une construction européenne dont il modifierait le contenu plus tard, c’est en réalité le PS qui a adhéré au libéralisme.
Cette cogestion loyale du système a des conséquences terribles pour les peuples : casse sociale, chômage de masse et paupérisation, recul de l’espérance de vie, hémorragie migratoire en Europe méditerranéenne et orientale, montée de l’extrême droite. L’UE est aujourd’hui l’espace économico-politique du monde le plus ouvert au libre échange, au dumping social, fiscal et environnemental généralisé et à la domination de la finance. Elle est un facteur aggravant de la crise structurelle du capitalisme. Cette politique violemment antisociale ne peut s’appliquer qu’au mépris des souverainetés populaires, ce qui accroît la défiance des citoyens envers l’UE. Ces politiques violemment antisociales s’appuient sur des méthodes toujours plus autoritaires : réformes législatives pénalisant les mobilisations populaires (Espagne, Grèce), répression et criminalisation des luttes syndicales dans tout le continent, violences policières contre les Rroms et les migrants (Farmakonisi, Ceuta). Elle est le tremplin de l’offensive des intégristes religieux et des forces de droit traditionnalistes qui par leur lobbying intense, fondé sur les stéréotypes de genre, tentent d’imposer un modèle réactionnaire de la vie, de la famille et de la mort à commencer par la remise en cause du droit des femmes à disposer de leur corps. Cette Europe là ne peut plus être réformée.
Nos listes seront donc en premier lieu, celles de la rupture avec l’actuelle UE et ses traités, en vue de la refondation de l’Europe. Le rejet de l’Union Européenne n’a jamais été aussi fort dans le pays et notamment au sein des classes populaires. La désespérance populaire s’accroit. La masse des désemparés qui ne se repère plus ni à gauche ni à droite n’a jamais été aussi grande. Les sirènes anti-Europe du Front National trouvent écho auprès de cet électorat. Notre rôle est de rassembler le peuple de gauche mais aussi d’apporter une réponse forte à ce désespoir et d’incarner la colère populaire. Nous porterons des mesures concrètes et radicales de rupture. Les orientations politiques adoptées par le CN du 30 novembre 2013 seront portées clairement dans cette campagne par nos candidats. Nous avons besoin d’une campagne audacieuse et tranchante avec des mots d’ordre clairs. C’est le moyen d’éviter la désillusion du peuple des désemparés. et le rejet de la politique.
L’écosocialisme est notre boussole, nous en avons fait adopter le principe par le PGE. Nous le porterons comme horizon, comme nous porterons la solution du protectionnisme solidaire contre le dumping généralisé, ainsi que la rupture avec l’euro-Merkel par la mobilisation unilatérale de la Banque de France. Alors que François Hollande a co-signé avec Barack Obama un appel à ratifier rapidement le Grand Marché Transatlantique, nous devons faire de l’élection européenne un véritable référendum contre cet accord. Nous affirmerons que ces ruptures sont possibles en France immédiatement, en désobéissant, sans attendre l’illusoire Europe sociale à laquelle plus personne ne croit. C’est la condition pour espérer refonder complètement une construction européenne.
A quelques mois du scrutin, les partisans du système se servent de l’extrême droite comme d’un épouvantail pour ramener les électeurs vers la « sécurité », c’est à dire vers eux. L’extrême droite, et notamment le FN en France, est effectivement dangereuse. Libéraux et sociaux libéraux ne constituent pas un rempart contre l’extrême droite, ils en sont l’incubateur. Chacun voit bien que c’est leur politique d’austérité, leur reniement, la désorientation qu’ils sèment dans la population qui est à l’origine de la progression des idées nationalistes et xénophobes. M. Barroso et Mme Le Pen sont d’ailleurs les faces inversées d’un même miroir. Tous deux prônent une politique fondée sur la concurrence entre les peuples : par le libre échange débridé pour le premier, par la dévaluation compétitive pour la seconde qui souhaite dissoudre la lutte des classes en proposant aux travailleurs de se soumettre aux intérêts du capital de leur pays Parce qu’elles seront les seules à proposer une politique radicalement différente, basée sur l’absolue primauté de la souveraineté populaire, la désobéissance avec l’UE, la rupture avec le libéralisme et la solidarité entre les peuples, les listes de l’autre gauche constituent le seul antidote à ces deux maux. La vraie nouveauté est que les listes qui défendront ce programme sont en capacité de jouer les premiers rôles, voire de devenir les premières forces à gauche dans plusieurs pays européens. A commencer bien sûr par Syriza en Grèce. Syriza dont le leader Alexis Tsipras sera notre candidat à la présidence de la commission européenne contre le système incarné autant par le PSE que par le PPE.
En France, l’enjeu est le même. Vu le moment politique que vit notre pays, ce scrutin aura une portée nationale redoublée. François Hollande a en effet d’ores et déjà programmé une escalade supplémentaire dans sa politique néolibérale avec le vote du pacte de responsabilité après les élections européennes. L’engagement de confiance du gouvernement qu’il a annoncé sur ce pacte dit bien toute l’importance de ce dispositif dans son quinquennat. On peut même supposer (les réactions positives d’une bonne partie de la droite le laissent entendre) qu’il espère réunir sur ce texte sa majorité et tout ou partie de l’opposition de droite. Rien n’exclut qu’il ait l’intention de rechercher à la faveur de ce vote une coalition gouvernementale des libéraux. Les élections européennes seront donc également l’occasion de contribuer à mettre en échec ce projet. Nos listes seront les listes anti-pacte de responsabilité. Sur la base du refus de la politique gouvernementale, nous ambitionnons donc plus que jamais de devenir la première force à gauche et de créer ainsi un séisme politique. Car notre opposition de gauche à la politique du gouvernement a pour vocation de rassembler une majorité alternative sans attendre 2017. Les élections européennes peuvent enclencher ce processus.
Le PG aborde donc cette élection avec une volonté majoritaire. C’est pourquoi nous chercherons jusqu’au bout à unir tous ceux qui, au Front de Gauche (FDG) et plus largement à gauche, refusent cette politique d’austérité au plan national comme européen et la construction européenne qui va avec.
Le FDG devrait être depuis des mois le vecteur naturel de ces listes. Tout y invite : notre histoire commune depuis la campagne contre le TCE puis dans le FDG, nos avancées électorales et dans la rue, le succès de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. Les partis qui composent le FDG se retrouvent également hors la majorité gouvernementale. Nous nous sommes d’ailleurs tous opposés au budget 2014 et nos parlementaires ont voté contre. Tous nos partis ont également annoncé leur opposition au pacte de responsabilité. Le FDG aurait donc dû dans son ensemble aborder offensivement la séquence électorale composée des municipales et européennes. Nous savons que cela n’a pas été le cas. Si au final, nous pouvons nous réjouir qu’un très grand nombre de listes autonomes des listes gouvernementales défendront nos choix aux municipales, force est de constater que la stratégie à géométrie variable décidée par la direction du PCF a nui à notre élan collectif et à la crédibilité du FDG.
Malgré les enjeux de l’élection européenne, le PG avait fait le choix de tenter de sortir de la paralysie en proposant au PCF une rencontre bilatérale le 17 janvier, assortie d’un certain nombre de propositions concrètes. Non pas pour effacer les difficultés de la campagne municipale, elles sont bien réelles, mais pour avancer malgré tout vers l’étape suivante. En toute responsabilité, nous avions proposé un important compromis dans l’objectif de poursuivre la route ensemble et de relancer le FDG. Nous aurions pu, vu l’escalade libérale du chef de l’État, demander au PCF de se retirer des listes gouvernementales au nom de la stratégie commune décidée en janvier 2013. Nous ne l’avons pas fait, pour permettre au FDG de sortir de l’impasse. Nous nous sommes donc « contentés » de demander au PCF un signe positif en vue de rétablir la confiance. Il s’agissait de s’engager à ne pas permettre au PS d’utiliser notre logo commun, représentant de notre histoire et de notre stratégie, dans tous les documents officiels de campagne des listes conduites par les Solfériniens dans les villes les plus significatives politiquement dont Paris, Nantes et celles incluant des ministres PS. Pour le PG, cette demande avait un objectif clair : ne pas banaliser la stratégie à géométrie variable employée par le PCF lors de ces municipales, pour qu’à l’avenir le FDG ne se retrouve plus prisonnier de ces contradictions, à commencer par les élections cantonales et régionales de 2015. Pour nous, en effet, le FDG n’est pas un cartel de circonstance mais l’outil d’une stratégie et d’une orientation politique au long cours : celle de la Révolution citoyenne qui nécessite l’autonomie vis à vis du PS. C’est ce qui fait son sens et son intérêt.
Où en sommes-nous ? Voilà maintenant trois semaines que nous attendons une réponse sans cesse reportée malgré de nombreuses promesses en ce sens de la direction du PCF et de Pierre Laurent lui-même. Finalement les faits ont répondu d’eux-mêmes puisque à Paris le matériel officiel de la liste Hidalgo a été lancé avec le logo FDG. Et ce au moment même où l’on nous assurait une dernière fois dans une réunion officielle, au nom de la direction du PCF, que ce ne serait pas le cas. Malgré nos efforts, preuve est faite que nous ne pouvons contourner les divergences stratégiques des municipales et les contradictions qui vont avec. Comment partir en campagne en assumant la confrontation avec les listes gouvernementales aux européennes avec ceux qui, au même moment à Paris, Nantes et dans la moitié des villes de France, partent derrière le PS en concurrence avec nos propres listes FDG ?
Nous aurons tout tenté pour démarrer rapidement la campagne européenne avec l’ensemble du FDG sans attendre la fin de ces municipales. Les contradictions générées par une partie du PCF nous ont rattrapées : nous constatons que ce n’est pas possible pour le moment.
Cela n’empêche pas, comme ce CN devait le décider, de lancer la campagne européenne. Il n’est en effet pas question d’infliger un handicap supplémentaire à la dynamique que nous entendons porter.
Nous ne changerons pas de méthode. Nous restons évidemment attachés au FDG mais débarrassés à l’avenir de toute ambiguïté stratégique sur la question de l’autonomie. Nous procéderons avec le souci constant de l’unité qui caractérise notre démarche depuis notre création. Nous appelons ainsi toutes les forces, toutes les composantes, tous les responsables politiques, du FDG mais aussi d’autres partis, qui sont engagés nationalement ou localement avec nous sur des listes autonomes aux municipales, à s’engager avec nous dès maintenant dans la campagne européenne de l’opposition de gauche, y compris avec des chefs de file là où c’est possible.
Cette campagne doit permettre de relancer l’objectif du Front du peuple que s’est toujours assigné le FDG. Cela revient à relancer les assemblées citoyennes pendant la campagne pour permettre une véritable implication citoyenne, y compris avec des adhésions directes que nous devons travailler à rendre possible de façon urgente.
Au delà, nous entendons continuer à œuvrer au rassemblement le plus large possible des forces constituées et des personnalités qui affirment, d’une façon ou d’une autre selon l’endroit où ils se situent aujourd’hui, les mêmes critiques vis à vis du gouvernement. Le processus que nous lançons restera donc celui de la main ouverte. A commencer évidemment par nos partenaires du FDG dont le PCF à qui il revient d’envoyer enfin les signaux clairs et publics, dont un engagement à présenter des listes autonomes aux élections cantonales et régionales de 2015, afin de construire avec nous ce processus, et plus globalement à toutes les forces et toutes les personnalités, FDG ou pas, qui souhaiteraient nous rejoindre, même après les municipales. Cet appel s’adresse y compris à tous les militants, les personnalités et composantes de l’actuelle majorité gouvernementale qui accepteraient de franchir le pas pour s’engager dans des listes contre la politique d’austérité du gouvernement et la politique de l’UE. Même si nous avons sur notre conception de la construction européenne des divergences notables qui pourraient compliquer un éventuel accord, nous suivons avec intérêt l’évolution au sein d’EELV et notamment la dynamique des nombreuses listes municipales que nous présentons ensemble, ou les appels de personnalités comme Eva Joly ou Noël Mamère.
A cet égard nous observerons dans les semaines à venir si la déclaration de la gauche du PS est suivie d’actes concrets, en particulier dans le cadre de la mobilisation unitaire nécessaire contre le pacte de responsabilité. Que les militants et responsables socialistes le sachent : s’ils veulent rompre pour de bon avec la politique menée en leur nom, nous pouvons faire alliance aux européennes. Car dans cette période très certainement décisive pour la France comme pour l’Europe, le PG a plus que jamais conscience du rôle qui est le sien. Il se doit d’agir avec clarté mais il sera surtout le facilitateur de tout ce qui permettra de battre les libéraux de tous poils, de repousser le spectre de l’extrême droite, de renverser durablement le rapport de force entre le capital et le travail au bénéfice du peuple. Les élections européennes peuvent être l’étape majeure de construction d’une majorité alternative de gauche, fidèle à la transformation sociale et écologique.