Ukraine • Des élections en demi-teinte dans un pays divisé
Dimanche 28 octobre, les Ukrainiens étaient appelés aux urnes pour renouveler la composition de leur Parlement national, la Rada. Il s’agissait de la première élection nationale depuis l’élection présidentielle de janvier/février 2010. Elle avait donc valeur de test pour le président Viktor Ianoukovitch (pro-russe) et pour le gouvernement dirigé par son parti, le Parti des régions.
Le scrutin a fait polémique avant même son organisation, plusieurs responsables d’ONG et d’autres pays déplorant l’emprisonnement, suite à un procès considéré comme inéquitable, de l’ancienne Première ministre Ioulia Tymochenko, encore principale dirigeante de l’opposition à la présidence de Viktor Ianoukovitch.
Si la journée du scrutin du 28 novembre s’est passée dans un climat serein et dans le respect des procédures légales dans les bureaux de vote, elle a en revanche été précédée d’une débauche de dépenses de campagnes (non limitées) au profit des principales listes soutenues par tels ou tels milieux financiers, et suivie d’une grande confusion lors de l’agrégation des résultats par les commissions électorales territoriales puis la Commission électorale centrale. Les fraudes et manipulations des résultats se concentrent dans quelques circonscriptions du scrutin majoritaire, particulièrement contestées entre le parti du pouvoir et l’opposition, au point que les résultats définitifs ne seront pas connus avant le 12 novembre.
La participation a été faible, à 58 %, signe de la lassitude de l’électorat ukrainien, fatigué des débats sur la question linguistique et les relations internationales qui occultent les enjeux sociaux et économiques dans un parti lourdement touché par la crise et la corruption. Une fois de plus, le pays a été coupé en deux, entre des régions de l’Ouest et du Centre (dont Kiev) favorables à un rapprochement avec l’Europe, et des régions de l’Est et du Sud majoritairement russophones, plus enclines à voir leur pays coopérer étroitement avec la Russie.
La liste du Parti des régions de Ianoukovitch arrive en tête du scrutin proportionnel avec un résultat assez faible : 30 %, en recul de cinq points par rapport au premier tour de la présidentielle de 2010. Sa victoire est malgré tout assurée grâce au changement de mode de scrutin. Le système proportionnel qui prévalait auparavant a en effet été remplacé par un système mixte, avec 50 % d’élus à la proportionnelle et 50 % d’élus au scrutin majoritaire à un tour. Si la performance du Parti des régions au niveau proportionnel est modeste, il emporte en revanche plus de la moitié des sièges attribués via le scrutin majoritaire. La majorité présidentielle sera facilement reconduite grâce au soutien vraisemblable de quelques élus indépendants et surtout du Parti communiste ukrainien, qui fait une percée surprenante au scrutin de listes (13 %).
Côté opposition, « Patrie », le parti de Tymochenko (pro-européen), se maintient avec 25,5 % des voix. Le parti d’opposition anticorruption du champion du monde de boxe Vitaly Klitchko fait lui son entrée au Parlement avec 14 %. On note enfin l’explosion du vote d’extrême-droite : Svoboda (« Liberté » en ukrainien), parti proche du Jobbik hongrois ou du BNP britannique, a obtenu 10,5 % des suffrages exprimés. Il stagnait encore en-dessous des 2 % il y a deux ans…
Le Parti de Gauche déplore que le pourrissement de la situation et l’absence d’une véritable force politique de gauche se positionnant sur les questions économiques et sociales et contre le système oligarchique du pays, fassent le lit de l’extrême-droite. Aucun changement positif ne pourra émaner de Viktor Ianoukovitch et ses soutiens, comme de l’opposition libérale rassemblée autour de Tymochenko et de Klitchko et activement soutenue par la droite européenne*. En Ukraine comme partout ailleurs, il faut une révolution citoyenne !
(*) « Patrie » est membre observateur au Parti populaire européen, et l’UDAR est liée par un partenariat transnational avec la CDU allemande d’Angela Merkel.