Logements vides • Familles sans abris à Dieuze (Moselle)
En colère, encore…
Comme vous finissez par le savoir, ici, c’est la Moselle. Terre de contrastes, comme dirait un présentateur de journal de 13 heures sur TF1. Une terre d’accueil, par essence. Un pays qui s’est construit par des strates successives venues d’ailleurs, Italie, Espagne, Pologne, Afrique du Nord. Eh oui, c’est comme ça, les pays miniers… Mais un pays aussi, d’où par son histoire, les habitants ont dû partir, pour aller vers d’autres cieux… Tiens, en 40, par exemple, les Mosellans ont été « évacués » et ont filé se mettre à l’abri un peu partout plus au Sud. Les uns dans le Puy-de-Dôme, d’autres en Charente, d’autres encore en Périgord. Là-bas, à ce que racontent de miennes connaissances, ils ont parfois été très bien accueillis. Mais pas toujours. Il y a même des souvenirs pas sympas qui leur remontent, de copains (copains ?) d’école qui les appelaient Boches, ou Schleuhs, ou Fritz, et je ne sais quoi encore. Ça aurait dû les guérir à tout jamais de la xénophobie et du rejet de celui qui vient d’ailleurs, les Mosellans. Eh bien non… Voyez plutôt.
Pour vous la faire courte, on a par ici une petite ville. Dieuze qu’elle s’appelle. Dûment équipée d’un maire certainement droite bon teint, à ce qu’on m’en a dit, façon décomplexée, voyez ? La petite ville, jusqu’à il y a peu, c’était une ville de garnison. Des paras. Des dragons même. Brrr… Et puis voilà que par la volonté du prince (Sarkozy soi-même…) les dragons s’envolent, les commerçants sanglotent, les profs aussi, les postiers et les médecins itou. Bref, la ville s’éteint petit à petit.
En partant, les paras ont laissé leurs bâtiments, évidemment. Ils n’allaient pas tout démonter. Et puis, dans ces coins-là, même par temps de prix Nobel, on ne sait jamais ce qui peut arriver, une petite guerre c’est vite attrapé ! Non, il ne faudrait pas me marrer avec des calamités comme celle-là.
Voilà donc des logements vides, comme sur la photo. Et pas bien loin de là, dans une forêt près de Metz, des familles kosovares sans toit, à l’entrée de l’hiver. Voilà. Vous faites le rapprochement ? La sous-préfète vient pour recenser le nombre d’hébergements possibles. Et face à elle, elle trouve qui, à votre avis ? Les habitants du patelin, avec leur maire, bien entendu. C’est qu’il n’est pas du tout question pour ce monsieur Lormant de se laisser envahir par les Balkans, non mais franchement, on nous prend pour qui, des fois… Alors il le dit, à grosses tartines pleines dans le journal local : « Qu’on nous foute la paix ! On n’en veut pas ! Les logements, on préfère les détruire que de les laisser envahir par ces gens-là ! ». Ça c’est de la conviction, ou on n’y connaît rien ! Y en a même eu pour faire de l’humour : la sous-préfète aux Balkans ! a-t-on entendu, si si ! Mais où vont-ils chercher tout ça ?
En attendant, l’hiver va arriver, et par chez nous, l’hiver, c’est souvent pas du gâteau…
Tout ce que la galaxie humaniste et solidaire compte de militants par ici est monté au créneau. Et nous, on n’a pas été les derniers. Une lettre au Préfet de région, par exemple, ça remet toujours bien les idées en place. Et ça soulage, si vous saviez ! Et aussi une demande d’audience au même, au cas où la Poste ne fonctionnerait pas comme il faut dans nos contrées. Bon, on a fait ce que des humains doivent faire dans ces cas-là. Il ne reste plus qu’à attendre sa réponse. Qui devrait arriver tantôt. On aime à y croire, car l’hiver, lui, n’attendra pas.
brigitte blang pg57