Cette année le mois de l’économie sociale et solidaire est organisé dans un contexte de changement de politique pour ce secteur (voir encadré). Le gouvernement se donne-t-il les moyens de ses ambitions ?
Jean-Louis Cabrespines : Oui, cela a changé et l’on s’en rend compte au quotidien. Nous étions très demandeur d’avoir un secrétariat d’Etat ou un ministère qui puisse concerner les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans la mesure où le poids économique des entreprises de ce secteur est relativement important. Nous avons désormais un ministre délégué à l’ESS, rattaché au ministère de l’Economie, ce qui était aussi une demande de notre part. Dans le passé, l’ESS était généralement rattachée au ministère des Affaires sociales, à la délégation générale à la cohésion sociale, c’est-à-dire plutôt orienté vers l’aide et la lutte contre les exclusions, qui sont des activités essentielles, mais pas les seules. De plus, par rapport au précédent gouvernement, il y a une volonté plus affirmée d’un projet de loi cadre sur l’ESS qui couvre plus de champs et permette de répondre à un certain nombre des difficultés rencontrées dans la prise en compte des politiques publiques.
Le secteur de l’économie sociale et solidaire fonctionne selon un ensemble de valeurs qui devraient être au cœur du débat politique sur la résolution de la crise économique. Les organisateurs du Mois de l’économie sociale et solidaire indiquent que les dirigeants sont élus et que leurs instances de décision sont collectives selon le principe : « Une personne, une voix ». La gestion est autonome, la personne et l’objet social priment sur le capital et la recherche du profit. Cela se traduit par la fourniture de services innovants et équitables, relevant ou non du secteur marchand. Les bénéfices sont prioritairement destinés au développement de l’activité, car il n’y a pas d’actionnaire à rémunérer. Ces valeurs sont communes au quatre grandes familles de l’économie sociale et solidaire : associations, coopératives, mutuelles, fondations.
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Est-il nécessaire de redéfinir le périmètre de l’économie sociale et solidaire ?
C’est une question importante. Jusqu’à présent, l’ESS était définie par les statuts des entreprises. Mais, depuis quelques années, au plan européen, il y a une approche anglo-saxonne, que l’on nomme le social business. D’autre part, certaines entreprises qui se réclament de l’ESS n’en ont pas les statuts, en particulier dans l’insertion par l’activité économique. Il faut donc redéfinir ce périmètre, mais avec prudence. Il ne faut pas que sa redéfinition permette de faire dusocial washing, du green washing ou du social business, mais bien que l’on conserve les principes et les valeurs de l’économie sociale et solidaire, notamment la gouvernance démocratique et la non lucrativité, qui en font sa force.