Tectonique politique

La conférence de presse de François Hollande assumant la ligne démocrate que portaient hier Blair et Schröder commence à remodeler le paysage politique. Dans toute l’Europe, la conversion des partis sociaux-démocrates au tryptique baisse des dépenses publiques, baisse du « coût du travail » et lutte contre les « rigidités du marché de l’emploi » a bouleversé leurs stratégies d’alliance et leur régime interne. Quand le programme change, la stratégie et le parti de même. La France n’y fera pas exception.

Tout commence par l’affirmation hégémonique. Les dirigeants socialistes vantaient jusqu’ici l’attitude soi-disant modérée des élus PCF pour diviser le Front de Gauche. Maintenant chaque vote distinct déclenche une campagne contre ces communistes qui feraient « le jeu de la droite ». Hollande et Ayrault ciblent aussi les composantes non socialistes de leur majorité qui voudraient rester un tant soit peu autonomes. Il a suffi que quelques pigeons patronaux pépient pour qu’Ayrault accoure. En revanche l’exceptionnelle mobilisation de ce samedi à Notre-Dame-des-Landes ne lui arrache aucune inflexion hors l’augmentation du contingent de forces de l’ordre. Elu en grève de la faim, militants embarqués par la police… la position d’EELV n’est pas tenable. Le premier ministre s’en fiche. Ma politique ne se discute pas, elle est à prendre ou à laisser. Après la muselière, la niche. Les éditocrates applaudissent, comme Leparmentier du Monde. « M. Hollande annonce à ses partenaires européens d’autres pas dans la même direction, notamment sur le marché du travail. Il convient de ne pas s’en laisser dévier par le Front de gauche et les écologistes, et de poursuivre cette politique sociale-libérale. »

La deuxième étape a commencé en pointillés. C’est le renversement d’alliances. Interrogé sur le malaise des écologistes, Hollande précise : « je ne pense pas bon qu’un seul parti gouverne ». Il ne parle ni alliance stratégique pour l’écologie ni union de la gauche. D’autres alliés lui conviendraient donc aussi bien. Les contacts sont en cours : rencontres à l’Elysée avec des membres du Modem, discussions avec les sénateurs centristes à la veille du débat budgétaire. Bayrou a engagé le flirt par des propos réjouis au soir même de la conférence de presse. Vallaud Belkacem lui a répondu sans tarder sur France 3 que « le rassemblement le plus large possible des forces et des opinions est toujours le bienvenu » et qu’elle avait « noté avec beaucoup d’intérêt » ses commentaires. L’élection de Copé risque demain de justifier le tri entre la droite dure et le « centre » raisonnable.

La motion de gauche subit de son côté le changement du régime interne au PS. La ligne a changé depuis la conférence de presse explique-t-elle. Le message délivré ce week-end au premier conseil national suivant leur Congrès est sans ambiguïté. L’aile gauche ne sera pas membre de l’exécutif. Il paraît même que la moscoviciste Karine Berger ne sera pas porte-parole pour avoir émis un avis nuancé sur le plan compétitivité du gouvernement. Harlem Désir tape sur les Verts : « un parti de la majorité gouvernementale ne devrait pas s’impliquer dans des manifestations qui prennent pour cible le Premier ministre ».

Heureusement, face à l’alliance démocrate, le vote contre le TSCG constitue le socle d’une majorité alternative. Sans austérité ni muselière. C’est la responsabilité du Front de Gauche de la construire. En devenant le Front du peuple rassemblé contre l’austérité. Et en menant le dialogue avec nos camarades d’EELV et de la gauche du PS.

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