Coup de force sur la TVA
Attention le feuilleton grotesque de l’UMP ne doit pas faire oublier le reste ! Savez-vous que le gouvernement a décidé, pendant que l’attention médiatique se focalise sur la droite, de faire voter à la va-vite le crédit d’impôt aux entreprises et la hausse de la TVA programmée pour le 1er janvier 2014. Le budget à peine voté, une loi de finances rectificative sera discuté dès aujourd’hui en commission à l’Assemblée puis lundi prochain en séance avant une adoption le 11 décembre. A « marche forcée » comme l’a dit Hollande dans sa conférence de presse. La troupe des députés n’a qu’à suivre ! Même le rapporteur général PS de la Commission des Finances, Christian Eckert, qui n’est même pas membre de la gauche du PS, dit pudiquement son désaccord sur son blog : « accélérer l’adoption du Crédit d’impôts compétitivité emploi (CICE) et le réaménagement de la TVA n’avait pas ma faveur. »
Où sont les promesses faites par Hollande d’une négociation sociale systématique ? sur les grands sujets qui touchent les salariés ? Et que fait-il du Parlement dans cette affaire ? Cette brutalisation de la discussion parlementaire est-elle sa contribution à la rénovation de la vie politique visée par le rapport Jospin ? Il est vrai que Jospin comme Hollande sont présidentialistes…
En écourtant le débat, le pouvoir cherche à éviter la pluie d’arguments venus de son propre camp qui risquerait de faire prendre l’eau à son rafiot « inopportun, injuste, infondé et improvisé » pour reprendre les termes de Hollande contre la hausse de la TVA Sarkozy. Reprenons quelques remarques d’Eckert lui-même. Seuls 20% des 20 milliards du CICE iront à l’industrie. « C’est peu pour doper la compétitivité » écrit-il, là encore avec un grand sens de la retenue. Les autres bénéficiaires sont dans les services, le commerce, la santé… secteurs non soumis à la concurrence internationale. L’institut économique Rexecode, lié au MEDEF, le confirme dans une note qui donne le trio de tête des secteurs qui connaîtront la plus forte baisse du prix du travail : les services aux particuliers puis le commerce et la construction. Trois secteurs non délocalisables ! La compétitivité a bon dos.
Eckert ajoute que les associations et le champ de l’économie sociale et solidaire sont oubliés. Il fait remarquer que les cliniques privées toucheraient leur chèque tandis que l’Hôpital public ou associatif n’en bénéficierait pas. Il constate que le CICE pourra aussi servir à « augmenter certaines rémunérations excessives ou des dividendes pas toujours décents ». Bref il confirme en termes décents ce que dit le Front de Gauche contre ce projet funeste.
Il y aura sans doute des aménagements pour corriger ces aspects baroques, voire des baisses optiques de la TVA sur certains produits (elles ne sont pas répercutées sur les prix !) pour compenser la hausse du taux principal. C’est ce qu’espère le député PS au terme de sa discussion avec Ayrault. Mais il n’en reste pas moins que la troupe des parlementaires PS aura à valider à marche forcée un dispositif injuste et inefficace, qui frappera la consommation populaire et distribuera des aides sans contrepartie sérieuse. A moins qu’elle ne le refuse. EELV et la gauche du PS pourraient donner le signal. Les deux sont hostiles à la hausse de la TVA. S’ils votent contre, le texte ne passe pas, et il sera revu. Le coup de force de l’exécutif a besoin de la lâcheté du législatif pour réussir.
Le blog de François Delapierre