Mariage pour tous • Les 400 000 visages de l’égalité des droits
Venus de toute la France, hommes, femmes, jeunes, vieux, hétéros, homos ont convergé sur la place de la Bastille le 27 janvier. Un cortège haut en couleurs et plein de joie, fort de 400 000 personnes, pour demander l’égalité des droits. Le débat parlementaire sur le mariage pour tous commence mardi 29 janvier à l’Assemblée.
« Egalité des droits et pas de loi a minima ! » Le message des manifestants en faveur du mariage pour tous est simple et clair. Dans les rues de Paris, dimanche 27 janvier, 400 000 personnes, soit près de trois fois plus que lors de la précédente mobilisation, ont défendu l’égalité républicaine sur le mariage, l’adoption et la procréation médicalement assistée (PMA). Une ambiance joyeuse ; une foule de tous les âges et de toutes les couleurs ; la France d’aujourd’hui qui contraste heureusement avec les cortèges tristes et artificiels de la manif pour tous, quinze jours plus tôt.
Sans tarifs cassés par la SNCF, sans soutien financiers de partis ou de paroisses, hétéros et homos, jeunes et vieux, français de toutes les couleurs comme immigrés ont donc convergé dès la fin de matinée sur la place Denfert-Rocheraut lieu de rassemblement du – finalement des – cortèges qui ont pris plus tard la direction de Bastille. Les manifestants, la plupart non militants, affichent une belle motivation. Le débat parlementaire doit commencer à l’Assemblée nationale mardi 29 janvier. La réaction y fourbit ses armes sous la forme de 5 000 amendements, nourrissant l’espoir de pourrir les débats.
Dans les rangs qui ne cessent de grossir, une question revient, lancinante : « Nous sommes combien ? » Chacun veut savoir si le gant jeté à la face de la République quinze jours plus tôt par l’alliance des minorités religieuses arriérées, de la droite et de l’extrême-droite, est relevé. Les chiffres viendront très tard, la plupart des médias préfèrent se concentrer sur l’arrivée d’une course à la voile que sur cette manifestation de masse.
Après avoir piétiné pendant plus de deux heures, le cortège du Front de Gauche, coloré et animé, va pouvoir se lancer dans l’itinéraire de délestage alors que l’autre trajet s’écoule au compte-gouttes, en raison du nombre. On y retrouve Martine Billard, co-présidente du Parti de Gauche ; Marie-George Buffet, députée de la Seine-Saint-Denis ;
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF ; Jean-Luc Mélenchon, entre autres… Pascale Le Néouannic et Jean-Charles Lallemand donnent le ton en lançant les slogans iconoclastes et politiques comme ce « Et un et deux, et droits égaux », inspiré de la finale France-Brésil de 1998. L’imagination est au pouvoir dans ce beau cortège.
Hétéros comme homos arpentent donc enfin le pavé de la capitale, sourires en étendard, des pancartes certes mais faites main où fleurissent les slogans pour l’égalité autant que contre l’homophobie. Le débat qui dure depuis des mois, en raison des atermoiements du gouvernement et des reculades du Président de la République, a ouvert la voie à de nombreux dérapages de la part de la droite et de son alliée l’extrême-droite. Dans le cortège républicain, au contraire, ce n’est que joie d’être ensemble. Une France belle et rebelle qui chante et crie et rit, heureuse de sa force.
Il fait largement nuit quand les derniers manifestants arrivent sur une place de la Bastille noire de monde. La sono lance les hits du moment dont le groupe de musique électronique israélien The Young Professionals qui a écrit un message de soutien aux militants de l’égalité quelques jours plus tôt. La France qui suit l’exemple de la catholique Espagne, des Pays-Bas, de la Belgique… voit converger vers elle les regards des progressistes du monde entier. La patrie des droits de l’Homme va-t-elle enfin accorder les mêmes droits à tous et toutes ? La bataille politique continue, dans la rue comme à l’Assemblée.
Nathanaël Uhl