A gauche pour de vrai! • Gaz de Schiste: le 3eme acte de la pression du CAC40 sur Hollande
Tout le monde s’en souvient, ou presque. Nous étions en plein milieu de l’automne 2012. La saison où les nuits deviennent moins longues que les jours, la saison où les fleurs se fanent, où les paysages s’assombrissent. C’est la saison précise que les principaux patrons de France choisissent pour porter une attaque en règle contre le monde du travail, une offensive massive en faveur des intérêts du CAC 40 dont ils sont à la fois les bénéficiaires, mais également les serviteurs. Ils en vivent et doivent le faire vivre. Tel est leur rôle de patrons désormais gestionnaires de rendement et non plus de créateurs d’activité. Leur arme, une simple lettre de 2 pages, rédigée autour de 3 idées. D’ores et déjà, François Hollande a mis les deux genoux à terre en accédant aux 2 premières exigences du CAC 40. Mettra-t-il face à terre en cédant sur la 3e exigence?
Acte I : l’allègement des cotisations sociales.
La première des exigences des 98 patrons les plus puissants de France était banale et récurrente. Réduire le montant des cotisations sociales des entreprises au motif que le niveau « de charge » rend les entreprises françaises inaptes à la compétition économique mondiale. La conséquence pour les salariés sera une augmentation de la TVA pour combler le manque à gagner de la sécurité sociale. Cette thèse découle de la matrice idéologique induite par le concept de la politique économique de l’offre plutôt que de la demande. Il faut, selon la doctrine libérale, tout faire pour encourager la production. Au risque de connaître une crise massive de surproduction, comme en 1929, comme en 2008… Ce modèle économique ne se soucie nullement de l’épuisement des ressources naturelles, nullement des dégâts produits sur l’environnement. Il s’agit de produire toujours plus, puis d’endetter les ménages et les états pour rendre possible l’écoulement de la surproduction. Ce modèle a donc besoin de ressources énergiques en quantité et surtout peu onéreuses. Hollande, en accordant un crédit d’impôt de 20 milliards aux entreprises en guise d’allègement des cotisations patronales, en relevant la TVA pour financer le manque à gagner a donc mis un premier genou à terre.
Acte II : le démantèlement des règles sur le marché du travail.
Pour encore accroitre leurs marges, ces patrons du CAC 40 ont absolument besoin du dumping social. Il est indispensable de pouvoir mettre en concurrence les salariés de tous les pays sur la base d’une moins-distance. Il convient alors d’aligner le salarié français sur le salarié polonais par exemple, plutôt que d’aligner le salarié polonais sur le salarié français. Ainsi, en facilitant considérablement les possibilités de licenciement via un simple refus de mutation, en ayant la possibilité de réduire le temps de travail et donc la rémunération de leurs « ressources humaines », ils ouvrent la brèche à la compétition salariale. Ils l’avaient déjà essayé lors du TCE et de la fameuse directive Bolkestein qui consistait à appliquer le droit du travail du pays d’origine du salarié européen dans le pays d’accueil. À travers la « flexibilité » du marché du travail il faut en réalité comprendre « la fluidité » des salariés, des ouvriers sur le territoire européen et au delà. Et sur ce point encore, le grand patronat, celui que le Medef défend becs et ongles, a absolument besoin de ressources énergétiques abondantes et à bas coûts. Sinon, les salariés ne se déplaceront pas, les migrations massives de mise en concurrences entre ouvriers, employés, techniciens, cadres européens ne se feront pas. En déclarant partout que l’ANI, cet accord exclusif du Medef sur le contrat de travail, sera intégralement retranscrit dans la loi, Hollande met un 2e genou à terre.
Acte III : les gaz de schistes, la ressource d’énergie abondante et peu chère.
On comprend mieux, dès lors que l’on applique la grille de lecture des réelles intentions des grands patrons du CAC 40, pourquoi, dans leur lettre, ils en viennent à évoquer la question des gaz de schiste. Car franchement, A gauche pour de vrai!, on voyait comme un cheveu dans la soupe cette soudaine inquiétude des grands patrons pour l’environnement en plein milieu d’une lettre d’exigences financières. Jusqu’à ce que nous réalisions que l’augmentation du prix du pétrole et donc du prix de l’essence précarise le projet de mise en concurrence des salariés européens. Si l’énergie est trop chère, ils ne prendront pas la route… Jusqu’à ce que nous réalisions également que dans le modèle économique de l’offre, une énergie abondante et peu onéreuse est une condition indispensable à la surproduction. Voilà donc pourquoi, à l’heure où le baril de pétrole dépasse allègrement les 100 $ régulièrement, à l’heure où l’uranium est de plus en plus complexe à exploiter dans des régions souvent instables politiquement, voilà donc pourquoi le CAC 40 exige l’exploitation des gaz de schistes.
François Hollande mettra-t-il face à terre ?
Souvenons-nous comment un certain David Assouline, porte-parole du parti socialiste, fêtait le jour où la TVA n’avait pas augmenté. C’était le 1er octobre 2012. Puis, souvenons-nous comment Jean-Marc Ayrault annonçait la mise en oeuvre de la TVA anti sociale un mois plus tard. Souvenons-nous comment François Hollande prétendait obtenir un accord historique sur le contrat de travail en promettant l’adhésion de tous les syndicats de salariés. Le gage d’un accord juste et équitable pour le monde du travail. Pour obtenir, au final, un accord Medef, signé dans les locaux du Medef. Souvenons-nous encore comment les membres du gouvernement en charge de l’environnement et de l’énergie repoussaient vigoureusement l’exploitation des gaz de schiste. Jusqu’à ce que les ministres essentiels à la politique de l’offre, à l’image de celui qui est en charge du redressement productif, donc de la production, donc de l’offre, appellent au pragmatisme et envisagent des expérimentations…
De la guerre à la finance à l’alliance avec le CAC 40.
La guerre à la finance n’aura donc duré que le temps d’un discours. La promesse de la justice sociale à peine le temps d’une campagne électorale. Aujourd’hui, l’alliance de François Hollande avec le CAC 40 est totale. Elle est même saluée par la présidente du Medef, par le président de la commission européenne, un certain Barroso, le maitre d’oeuvre du libre échange sauvage et de la financiarisation de l’Europe. Portant, l’impact de la mise en oeuvre à la lettre de la politique de l’offre sur la cohésion sociale et l’avenir environnemental est immensément néfaste, partout en Europe. Et ils en ont conscience nos artisans de la compétition sauvage mondiale. Tellement conscience qu’ils reconnaissent à travers la bouche même de François Hollande, la défiance des peuples d’Europe à l’égard de leurs politiques.
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