Hollande, le vautour hellène

VautourMardi 19 février, François Hollande débarquait à Athènes en ce qu’il considère être un pays conquis. Il faut dire que pour pouvoir venir faire aujourd’hui son marché en Grèce, le chef de l’Etat n’a pas ménagé sa peine.

Il lui a d’abord fallu apporter tout son soutien à Georges Papandréou, le président de l’internationale socialiste et alors premier ministre grec, qui maintenait la tête sous l’eau du peuple pendant que Goldman Sachs et sa suite se gavaient sur le dos des grecs. A peine élu en juin dernier, François Hollande et sa bande se sont escrimés à pousser des cris d’orfraie pour essayer de contenir le surgissement de Syriza et d’Alexis Tsipras lors des élections législatives, préférant de loin la victoire de la droite à celle de la gauche qui refuse l’austérité et le diktat des marchés. Tragédien éprouvé, François Hollande pouvait clore la pièce en imposant le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance pour l’Union Européenne) à l’Europe et donc à la Grèce par l’allégeance pitoyable dont il a fait preuve devant Angela Merkel.

Ce voyage présidentiel en Grèce prenait donc les contours assumés de courses au supermarché. François Hollande, dès les obligations protocolaires terminées, s’est d’ailleurs adressé aux chefs d’entreprises grecs et surtout français. Faisant preuve d’un cynisme sans limite, le chef de l’Etat a ainsi décliné les différentes étapes de l’offensive libérale, dont il a revendiqué sa part d’héritage, avant de sonner l’hallali au nom des entreprises françaises et de présenter sa définition de l’internationalisme : « Il ne s’agit plus maintenant de la responsabilité des Etats, les gouvernements ont fait leur devoir. Il s’agit de la responsabilité des entreprises mais avec l’encouragement, le soutien des Etats, et notamment du gouvernement français ».

Le banquet auquel François Hollande, tout à la fois convive et hôte, invite les entreprises françaises, c’est celui du dépeçage de l’état grec et notamment du service public. Aucun scrupule ne saurait enrayer la soif de profits qui écume des lèvres du Président dès lors qu’il s’agit de profiter des privatisations grecques : « Le Premier Ministre depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs mois, m’a informé de son programme de privatisation. Alors il m’a dit avec sa gentillesse habituelle, mais aussi la fermeté de ses convictions et son amitié pour la France, « Venez, entreprises françaises, participer à ce programme ». Sur le plan intellectuel, idéologique, on peut être pour ou contre les privatisations. Là n’est pas la question. C’est un programme qui est décidé par la Grèce. Il y a des opportunités. Et bien nous devons, nous les français, et les entreprises françaises, prendre toute notre part».

Vous avez bien lu : « Là n’est pas la question » ! Au royaume des charognards, il n’est ni principe, ni vertu qui vaille, et surtout pas de l’idéologie sinon celle du libéralisme le plus éhonté. Cet héritage du mouvement socialiste que François Hollande balaye ainsi d’un revers de main, il l’avait déjà assumé deux heures plus tôt lors d’une conférence de presse aux côtés du Premier Ministre grec Antonis Samaras. Il avait même poussé le cynisme jusqu’à faire de l’expérience passée du service public des entreprises françaises un avantage compétitif au moment d’obtenir de nouveaux marchés : « Le Premier Ministre a parlé d’un programme de privatisation. C’est la décision des grecs. C’est également, reconnaissons le, une recommandation de l’Europe. Dès lors qu’il va y avoir ces appels d’offres, les entreprises françaises doivent être présentes, parce qu’elles ont justement une expérience de ce qu’est le service public, de la qualité des prestations qui peuvent être apportées aux grecs, et donc dans de nombreux domaines, l’énergie, l’eau, les transports, les chemins de fer, les entreprises françaises seront prêtes à répondre aux appels d’offres ». Pour François Hollande, qui avait au préalable cité GDF-Suez, EDF, Alstom, Vinci…, le service public sert uniquement à valoriser des savoir—faire pour mieux les marchandiser en les privatisant avant d’en faire un argument de vente pour partir à la conquête de nouveaux marchés.

On comprend dès lors que le Président de la République, lorsqu’il parle d’affermissement de l’Etat grec, n’ait pas un mot sur le service public. Ce qu’il juge déjà pléthorique en France au point de le dilapider à travers la MAP (modernisation de l’action publique), resucée de la RGPP version Sarkozy, il se garde bien de l’envisager pour la Grèce où pourtant beaucoup reste à faire. Puisque les grecs ont « décidé » de vendre, et après tout il ne faudrait pas que le Président et ses amis de la Troïka se soient escrimés en vain, il veut être aux premières loges. Total est ainsi placé par le Président en pôle position pour aller chercher du gaz et des hydrocarbures en Grèce (après l’Algérie) alors même que le gouvernement vient de lancer le débat sur la transition énergétique en France. Avant de prendre son avion du retour, sûr qu’il ira négocier une île grecque pour que Madame Bettencourt puisse l’acquérir au meilleur prix…

François Hollande n’est en fait rien de plus qu’un représentant de commerce au service de l’oligarchie et hameçonné par l’intéressement. Cela n’en fait même pas un capitaine d’industrie, encore moins un Président de la République française. Là où l’universalisme français avait l’occasion de rejoindre le mythe prométhéen, François Hollande a préféré le rôle du vautour.

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