Nous devons montrer qu’il n’y a pas de fatalité à l’austérité

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Pour la coprésidente du PG, Martine Billard, les tiraillements dans la majorité témoignent d’une inquiétude quant au bilan que pourra présenter le gouvernement.

L’austérité suscite des tiraillements inédits dans la majorité, avec Delphine Batho (Écologie) qui juge que l’on est «au maximum de la réduction des dépenses», et Cécile Duflot (Logement) qui insiste sur 
le nécessaire investissement. 
Quelle conclusion en tirez-vous ?

Martine Billard. Cela démontre que les conséquences directes de cette austérité – et je crois important d’employer ce mot et pas celui de rigueur – commencent à se faire sentir. Je ne suis pas étonnée que cela vienne de deux ministères, Logement et Écologie, où il est impossible de faire quoi que ce soit sans engagements financiers. Le mariage pour tous est important, mais n’a que peu d’impacts financiers sur le budget de la Justice. Des ministres, au PS comme à EELV, sont donc inquiets d’apparaître comme des ministres de la parole, avec de bons projets qu’ils seraient incapables de mettre en œuvre. Les annonces de Cécile Duflot sur la construction de logements ou l’isolation thermique ont besoin de moyens financiers, sinon quel bilan aura-t-elle à opposer ? Je crois qu’elle sent les limites de l’exercice à être dans un gouvernement qui s’engage dans l’austérité. De la même manière, pour Delphine Batho, sans moyens pour l’éolien ou le photovoltaïque, elle ne pourra présenter aucun projet concrétisé.

Pierre Moscovici, le ministre 
de l’Économie, tient au cap 
de réduction des dépenses 
en gardant comme ligne d’horizon zéro pour cent de déficit en 2017. Et n’exclut pas de fiscaliser les allocations familiales, par exemple.

Martine Billard. Que les étapes annoncées soient éventuellement différées ne change rien, l’hypothèse de croissance de 
0,8 % pour 2013 n’est pas tenable. Même François Hollande 
a expliqué, en Inde, qu’il lutte « pour qu’elle ne soit pas en dessous de zéro ». Concept intéressant qu’une croissance en dessous de zéro… La réalité est qu’ils se savent pris entre le marteau et l’enclume, la Commission européenne et 
la réalité économique. Et que 
la première n’a pas l’air prête à faire de cadeau à la France, c’est-à-dire accepter de remettre en cause les objectifs poursuivis. Voilà pourquoi Jean-Marc Ayrault coupe 3 milliards d’euros dans les budgets des collectivités locales, pour financer une partie des 20 milliards de cadeaux aux entreprises.

N’y a-t-il pas un paradoxe à fustiger, comme le fait François Hollande, 
un budget européen d’austérité, 
mais faire de même en France ?

Martine Billard. Qu’il se souvienne que les peuples ne sont pas prêts 
à tout accepter : la Grèce, l’Espagne, d’autres pays encore 
en témoignent. En France, 
outre les luttes contre les fermetures d’entreprises, il y a maintenant 
les enseignants, la santé… Tous 
ces électeurs qui n’ont pas voulu 
la réélection de Sarkozy s’aperçoivent que la différence, pour ce qui est des politiques économiques et sociales – il suffit de voir l’accord Medef sur 
l’emploi – est plus que minime.

71% des Français, selon un récent sondage, estiment vivre « en pleine crise ». Cette intériorisation de la crise ne facilite pas l’émergence d’une alternative.

Martine Billard. Le discours dominant est d’expliquer qu’il faut être responsable, que les sacrifices sont momentanés. Les entreprises vont bénéficier de cadeaux sans aucune contrepartie, sans aucun engagement – quand bien même ces entreprises ne peuvent pas délocaliser leurs emplois tels Vinci, qui gère des parkings, ou la grande distribution – et se mettre dans la poche des milliards qui auront été, pour trois milliards d’entre eux, retirés de l’investissement productif des collectivités locales. Il est de la responsabilité du Front de gauche de dénoncer que, contrairement à la « guerre à la finance » annoncée durant la campagne, François Hollande se couche devant la finance. La loi bancaire en discussion fait pschitt ; les banques ont expliqué, ce week-end, que si l’on manifestait le souhait de plafonner les frais bancaires que paient les particuliers, l’emploi des salariés des banques serait en cause, ce qui est proprement scandaleux car cela n’a rien à voir. Or, aussitôt, Bercy a reculé ; ce gouvernement recule devant les banques, les grandes entreprises, le patronat… La droite n’a même pas à monter au créneau, le Medef le fait pour elle. En face, nous devons montrer qu’il n’y a pas de fatalité, que les 25 propositions du Front de gauche contre l’austérité sont sur la table, et que c’est un choix politique.

Entretien réalisé par Lionel Venturini

Crédit photo photosdegauche.fr (stef.burlot)

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