Logement • Des mesurettes

Batiments L’arrivée au pouvoir du gouvernement PS-EELV devait être l’occasion d’un changement de cap de la politique du logement que la droite avait offert à la logique du tout marché et de la spéculation. Force est de constater que depuis l’été dernier on se paye de mots, on huile une communication par la production de mesurettes, on nous promet une grande loi au printemps puis à l’automne. Mais les engagements financiers fermes et trébuchants sont rabotés sur l’autel de la sacro-sainte austérité !

Passons en revue la production réglementaire et législative de ce gouvernement sur la question du logement.

– Le 27 juillet 2012, est édicté le décret relatif à « l’évolution de certains loyers » qui concerne l’encadrement des loyers uniquement à la relocation. Cette annonce avait reçu à l’époque un accueil très mitigé de la part des associations de lutte et de défense pour le logement jusqu’à ce que l’ensemble des acteurs reconnaissent que ce décret était finalement sans aucun effet sur le marché locatif. Il est en effet inapplicable dans les faits. Imaginons qu’un locataire demande à son nouveau propriétaire des comptes sur le niveau de loyers antérieur à son bail : dans un contexte de pénurie d’offres locatives, où le rapport de force sur le marché locatif lui est défavorable, il y a peu de chance que le propriétaire accepte de lui louer le logement. Celui-ci sait qu’une armée de locataires en recherche de logement acceptera le montant du loyer aussi exorbitant soit-il. Que le gouvernement cesse de parler de politique de régulation des loyers quand dans le même temps ce même décret à très faible portée ne concerne pas la production de logements neufs. Le programme du Front de Gauche lui, à l’avantage de la clarté et de l’efficacité : la baisse des loyers immédiate de tous les logements du parc privé dans les zones géographiques tendues.

– Le 26 août une circulaire interministérielle relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites est bafouée dans les jours qui suivent par Valls soulevant un tonnerre de protestation sur la manière dont les Roms sont à nouveau traités sans aucune dignité.

– Le 20 septembre le gouvernement annonce une « Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » des 10 et 11 décembre. L’un des sept groupes de travail préparatoires concerne l’hébergement et l’accès au logement. Une enveloppe de 50 M€ est alors redéployée sur l’hébergement d’urgence. Une goute d’eau dans un océan de pauvreté.

– Pendant la même période à l’Assemblée, lors des discussions concernant la loi de finance 2013, la faible augmentation de 47 millions (+10%) d’euros du budget de l’aide à la pierre (pour un budget global de 505 millions) masque la diminution des subventions à l’unité pour la construction de logement. L’Etat financera à hauteur de 400 euros pour un logement conventionné en PLUS (600 en 2012 soit -33%) et à hauteur de 7500 euros pour les PLAI (9600 en 2012 soit -21%). Lorsque l’on sait qu’en moyenne un logement social coûte 180 000 euros à construire. Ceci contribue à maintenir pour les bailleurs sociaux la logique de production de logement cher. Ce qu’ils perdent du côté de l’Etat, ils le cherchent ensuite dans les poches des locataires soutenus par les aides aux logements. Ces mêmes aides sont principalement financées par la collecte auprès des entreprises qui à l’origine devait servir à construire des logements avec le 1% (on dit Action Logement à présent). Donc loin de changer de cap en termes de financement, on continue à marcher sur la tête. Mais Cécile Duflot, nous promet qu’en 2014 l’Etat cessera de maintenir le holdup organisé par la droite sur les fonds des bailleurs et d’action logement…

– Le 10 octobre : entrée en vigueur du relèvement du plafond du Livret A porté à 19 125 euros contre 15 300 auparavant. Mais il n’y a aucun recentrage de la collecte au profit d’une banque publique pour tourner le dos aux cadeaux fait par la droite aux banques privées qui récupèrent désormais une partie de cette manne.

– A cette même date est adoptée à l’Assemblée Nationale le projet de loi « relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ». Outre le fait que la liste peine à être réellement opérationnelle, il est clair que ces cessions serviront à camoufler la politique d’austérité du gouvernement qui calculera son « effort » à la hauteur de la valeur du terrain cédé dans une période de forte tension spéculative…

– Le 26 octobre une circulaire relative aux modalités de mise en œuvre du Droit au logement opposable et à la gestion des expulsions locatives par les préfets est enfin parue à 4 jours de la trêve hivernale. Les mots manquent pour exprimer l’indignation lorsque l’on sait ce que cela représente comme angoisse pour les personnes confrontées à une procédure d’expulsion. Suites aux zèles de certains Préfets qui ont autorisé l’expulsion de ménages reconnus prioritaires par la loi Dalo, la Ministre du logement Cécile Duflot déclarait le 1er février à la remise du rapport sur le mal logement de la Fondation de l’Abbé Pierre, qu’elle avait renvoyé une énième circulaire afin que les préfets suspendent les procédures envers les ménages reconnus prioritaires Dalo. Le mouvement social et le Parti de Gauche resteront extrêmement vigilants sur ce point.

– Le 18 novembre, le Parlement adopte le projet de loi « relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social » La loi SRU est passé de 20 à 25% et les contraintes légèrement relevées. Si le cap est bon, l’intensité reste faible : les logiques sont les mêmes lorsque le 29 décembre la Loi de finances pour 2013 contient des mesures concernant notamment la taxation de la vacance (très légère et toujours aucune réquisition de logement) et la production d’une offre locative intermédiaire dans le cadre d’un nouveau dispositif d’investissement locatif. On est passé du Cellier au Duflot, il paraît plus juste parce qu’il est réduit à des plafonds de ressources plus sociaux et fiscalement plus intéressant pour les propriétaires … mais on parle bien d’une offre de loyers intermédiaires, donc du logement cher !

Alors que le logement était un axe prioritaire et d’urgence de la campagne de François Hollande, 9 mois se sont écoulés et son gouvernement n’a visiblement pas une grande volonté pour sortir de cette crise du logement qui touche une grande majorité de nos concitoyens. Nous ne lâcherons rien, et nous ne manquerons pas de faire entendre la voix des sans logis et des mal logés lors des manifestations organisées par les associations dans toute la France le 16 mars 2013 contre les expulsions et pour la baisse immédiate des loyers.

Romain Biessy
Maël Goepfert

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