Chavez brûle encore

Plus d’une semaine après sa mort, les cendres d’Hugo Chavez sont encore assez chaudes pour que les belles personnes continuent à cracher dessus.

Cela ne leur suffit pas de l’avoir si souvent calomnié de son vivant. Il leur faut piétiner sa dépouille, comme pour empêcher la créature démoniaque de revenir à la vie. Rien n’aura calmé leur haine ni leur peur.
Ni sa mort qui n’en fait plus un protagoniste des luttes politiques au Venezuela et lui interdit de se présenter à la prochaine présidentielle. Ni leur ignorance crasse, si manifeste dans le flot de contre-vérités délivré par les nécrologies officielles des médias dominants.

Leurs diatribes ne nous apprennent rien sur Chavez. Mais elles nous en disent tellement sur les antichavistes ! Chaque vision du monde désigne des ennemis. Après le décès de Stéphane Hessel, on nous demandait souvent : et vous, qu’est-ce qui vous indigne ? Certains d’entre nous répondaient la misère, d’autres l’arrogance de l’oligarchie. Cela nous décrivait assez bien. Eux répondent une semaine plus tard : Chavez. Cela les décrit parfaitement.

Ecoutons par exemple ce qu’en dit Parisot. Certains de ses reproches peuvent être écartés. Ils sont là pour compléter le décor. Cet « homme était un dictateur » assène-t-elle. Cette accusation commença lorsque Chavez fut accusé de vouloir devenir président à vie pour avoir proposé de supprimer la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels dans la Constitution. Un mensonge répété en boucle. Mais je ne peux croire que cela indigne Parisot qui est en train de faire changer les statuts du MEDEF pour pouvoir briguer un troisième mandat. « Ce pays importe tout, il ne fabrique rien » déclare-t-elle aussi contre le Venezuela bolivarien. Il n’y pas là non plus matière à indignation pour une dévote du libre-échange qui ne s’émeut guère de la dépendance croissante de la France aux industries étrangères. Qu’elle se rassure, le Venezuela produit au moins des sondages, en grande quantité puisque le pays a voté 16 fois sous le « dictateur » Chavez. Certes leur utilité productive est nulle. Cela n’a pas empêché le MEDEF de placer à sa tête une représentante de ce secteur, la patronne de l’IFOP, Laurence Parisot. En revanche, nous touchons du doigt sa haine et sa peur, presque palpables, lorsque, parlant de Chavez au présent, Parisot s’exclame : il « incarne le populisme dans toute son horreur ».

Le peuple, voilà l’horreur ! Voilà l’objet de l’indignation sans cesse renouvelée des puissants. Le peuple est le trait d’union répulsif des belles personnes. Commissaires européens, journalistes, sondeurs, experts de la caste, tous ont en commun le mépris de ce peuple qu’ils se font profession de rééduquer, de manipuler, d’anesthésier, de contourner. Populiste est logiquement leur suprême injure. Ils ont dansé après la chute du Mur de Berlin. Mais la fin de l’histoire n’a pas eu lieu. Les voilà qui regrettent presque les froides bureaucraties qui gouvernaient sans le peuple puis contre lui. Les repentis qui abondent dans leurs rangs renouent sans même s’en rendre compte avec leurs idoles staliniennes. Elles au moins réalisaient l’industrialisation du pays, ne parlaient pas la langue drue d’un Chavez et surtout n’incarnaient rien d’autre qu’un appareil dominant la société.

Chavez les horrifie car il est une image de ce surgissement populaire dans un monde où tout a été conçu pour le tenir à l’écart. Il incarne la hantise des oligarques : ce feu populaire qui jamais complètement ne s’éteint.

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