Manipulation journalistique pour la Collectivité Territoriale d’Alsace

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Hier, un journaliste de France Inter, Nasser Madji, m’appelle pour me faire réagir sur le projet de Collectivité Territoriale d’Alsace qui a fait l’objet d’un récent billet sur ce blog. Je le félicite de s’intéresser à ce sujet, seul de son espèce au milieu du silence sans failles des médias. Ne vous inquiétez pas, ça va venir dans l’actualité, nuance-t-il. Je comprends vite pourquoi. Après quelques questions sur ce que nous pensons de la Collectivité Territoriale d’Alsace, il m’apprend que Marine Le Pen lance le lendemain une campagne pour le « non » à Mulhouse. Tout s’explique ! C’est reparti comme en 2005… Il me demande ce que cela me fait d’être sur la même position que Le Pen. Vous l’auriez parié ? Mon billet de blog s’intitulait l’Alsace doit rester française, la campagne du FN dit je veux l’Alsace française. C’est la même chose a-t-il établi au terme d’une enquête impartiale et fouillée ! Je constate qu’il a au moins lu le titre de mon papier. Le reste lui est passé au-dessus la tête. Eh ça fait tout de même plus de 8000 signes, coco ! Après lui avoir fait remarquer que sans ce titre il ne se serait pas intéressé à ma note, ce qu’il admet volontiers, je lui explique patiemment en quoi notre vision de la France est en tout point opposée à celle du Front national. J’espère naïvement que l’oral suppléera l’écrit. La conversation dure une dizaine de minutes. Dix minutes que j’aurais mieux fait de consacrer à autre chose. Car son papier est déjà tout rédigé dans sa tête : le non, c’est le FN et le FdG est sur la même ligne que le FN. C’est ce qu’il expliquera dans le journal de 13h de France Inter. Nous utilisons les mêmes mots, les mêmes arguments, assène-t-il. Madji cite même le FN Alliot qui aurait admis son jacobinisme pour dire que nous reconnaissons la similitude de nos points de vue. Nasser Madji ne fait pas du journalisme, il agite un épouvantail au service du « oui », il récite les mantras d’Ayrault et du PS, « après nous Le Pen ». Il lui faut pour cela évacuer du tableau tout ce qui ne colle pas avec sa thèse, sans crainte de cacher les faits et déformer les propos. Jugez-en. Toutes les informations qui vont suivre sont accessibles sans sortir de son fauteuil, par Internet. Elles sont donc à la disposition des journalistes assis comme couchés. Et j’ai signalé chacun de ses points à Nasser Madji pour alléger son harassant travail.

D’abord, les auditeurs d’Inter n’auront pas le droit de savoir que les élus FN se sont prononcés à l’unanimité pour le « oui » lors du Congrès d’Alsace qui décida le referendum le 24 novembre 2012. Pas une voix d’extrême-droite n’a alors manqué pour la Collectivité Territoriale d’Alsace. Un détail ! C’est ensuite que la direction nationale du FN a exigé qu’ils reviennent sur leur vote et se prononcent pour le « non ». Cela mériterait une enquête pour en savoir plus. C’est ce qu’a fait un journaliste authentique pour La Croix. Quoi qu’il en soit, ce virage sur l’aile se fait dans la plus grande confusion et on ne sait pas dans quel mesure le FN alsacien suivra sur le terrain la consigne de Le Pen. Le site Rue 89 écrivait ceci en janvier : « Les élus du Front National n’ont pas non plus trouvé de position commune. Les militants seront interrogés afin de savoir dans quel camp fera campagne le FN alsacien. Trois élus FN ont voté contre, deux se sont abstenus vendredi. Leur chef de file, Patrick Binder, a envoyé cinq lettres remplies de suggestions à Philippe Richert : « Nous ne pouvons pas choisir en l’état. Il fallait, comme je vous l’avais écrit, commander un audit des services publics des collectivités, afin de mieux connaître ce que pourrait être la future collectivité. On aurait pu aussi créer un site web, doté d’un forum, où les Alsaciens auraient pu débattre, poser des questions et soumettre des idées. » » Il manquait un audit et un site web… admirez ces opposants en peau de lapin ! Quant au prétendu jacobinisme du FN, Madji se moque du monde. Binder déclare par exemple pour justifier son passage du « oui » à l’abstention puis au « non » : « C’est dommage, parce que je suis favorable à une province d’Alsace, mais sur des bases saines. Or là, ça s’est fait sans consulter le peuple alsacien dans une incohérence totale. » (à lire ici). Pour Binder il y a un « peuple alsacien » qui devrait disposer d’une « province d’Alsace ». Un minimum de bonne foi suffit pour comprendre qu’il s’agit d’une divergence fondamentale avec nous. Le FN est un parti ethniciste. C’est précisément ce qui permet de comprendre ses volte-faces et ses divisions internes. Les ethnicistes alsaciens se sont prononcés pour le « oui » parce qu’ils sont favorables à l’affirmation d’un peuple alsacien. Les ethnicistes français cherchent depuis à imposer le « non ». Quand ils parlent de l’Alsace française, c’est au nom d’un peuple français vu comme une unité ethnique. Pour nous, à l’inverse, la France n’est pas une nation ethnique. Le peuple français est un peuple politique. Ceux qui le composent sont venus de partout. La France est une construction politique : c’est l’espace où se définit et où s’applique une même loi, décidée par tous et qui s’applique à tous. C’est pourquoi le peuple français comme la République elle-même sont indivisibles. Et c’est pourquoi nous nous opposons depuis la première heure au projet de Collectivité Territoriale d’Alsace, à la différence du FN.

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