Paris Match • Jean-Luc Mélenchon à la conquête des océans
Depuis plus d’un an, Jean-Luc Mélenchon a le regard tourné vers le large. Energies marines, avenir de la pêche, mariculture, exploitation des ressources minières, tous ces thèmes prennent une part de plus en plus importante dans ses propos. La France a le deuxième territoire maritime au monde et c’est en mer que se trouve son avenir, martèle-t-il à longueur de discours. Le patron du Parti de gauche multiplie les rencontres avec les professionnels du secteur, pêcheurs, ingénieurs ou scientifiques.
Pour sa conquête des océans, le député européen est conseillé par Nicolas Mayer, un Aquitain qui dirige le syndicat national des personnels de l’administration de la mer, rattaché à la CGT. L’homme est un fin connaisseur des dossiers maritimes, qui s’évertue à conjuguer les exigences de l’«écosocialisme», nouvelle doctrine de Mélenchon, aux perspectives offertes par l’expansion en mer. Jean-Luc Mélenchon, lui, est convaincu que le sujet est porteur d’une espérance qui a déserté la politique française. Pour Paris Match, le tribun a développé sa vision.
Paris Match. Pourquoi l’économie de la mer prend-t-elle désormais tant de place dans vos discours politiques?
Jean-Luc Mélenchon. Au départ, j’étais à la recherche d’un horizon. De quelque chose qui soit susceptible d’enthousiasmer, de donner du sens à l’action économique et à l’action sociale. Un responsable politique, ça ne peut pas être simplement quelqu’un qui dit: «Moi, je vais vous expliquer comment réduire les dettes de telle sous-administration». Les français marchent à l’enthousiasme et aux défis! Je me suis aperçu en travaillant, en mettant les choses bout à bout, que je venais de mettre la main sur une politique globale qui donnait un point d’appui à un «keynésianisme» moderne.
Et pourtant, alors que vous en parlez très régulièrement aujourd’hui, ça ne figurait pas dans votre programme présidentiel.
Dans la campagne présidentielle, j’ai aussi découvert tout un monde. C’est le contact avec les professionnels de la mer qui m’a mis en jambes, en quelque sorte. Ça m’a confronté à un milieu que je ne connaissais que de loin. Et à mesure que la campagne se déroulait, les défauts que contenait le programme -on peut trouver qu’il est davantage compilatoire que visionnaire à certains moments- m’ont paru insupportables. Je me suis dit: non, je ne peux pas continuer comme ça. Et puis, l’idée de l’expansion humaine en mer s’est présentée à moi comme une espèce d’antidote à la déprime générale. Et comme un fait d’évidence totalement occulté!
Vous dressez souvent un parallèle avec la conquête spatiale. D’où vous vient cette fascination pour le progrès scientifique?
L’utopie d’un humanisme radical. On peut tout avec nos cerveaux à condition qu’ils ne soient pas encombrés de préjugés. Chaque fois qu’on fait la démonstration que c’est vrai, je hurle de joie. Et puis c’est très profond en moi et très ancré. Quand j’étais gamin, je découpais et je collectionnais les articles sur la conquête de l’espace. Je crois que j’ai encore dans ma cave un cahier où j’avais collé fiévreusement les exploits de la chienne Laïka et de Youri Gagarine.
« LE TRAVAIL QU’AVAIT FAIT ROCARD POUR
L’ANTARCTIQUE, C’ÉTAIT TOUT À FAIT ADMIRABLE »
L’économie de la mer, c’est aussi du pétrole, du gaz, des terres rares dans les profondeurs des océans. Vous vous dites partisan de l’écosocialisme: quelle place y tiennent ces ressources?
Nous avons pour l’essentiel une page neuve, même si l’expansion humaine en mer a commencé sur le mode néo-libéral. Il est temps de dire que certaines choses ne seront pas faites en mer. Il y a eu des moments de sagesse humaine, par exemple quand on a décidé que l’Antarctique serait un endroit préservé où l’on n’aurait pas le droit d’avoir certaines activités. On se rappelle du travail qu’avait fait Rocard pour ça, c’était tout à fait admirable.
Donc il ne s’agit pas d’exploiter par tous les moyens les fonds marins.
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