Ce qu’est Chavez ne meurt pas, le peuple l’a voulu ainsi
Eric Coquerel et Christophe Ventura, deux membres de la direction nationale du Parti de Gauche,sont présents, du 11 au 16 avril, au Venezuela pour l’élection présidentielle. Eric revient dans son blog sur l’élection de Nicolas Maduro.
Un résultat « irréversible »
Caracas s’est réveillée ce matin avec un nouveau président de la Prépublique : Nicolas Maduro a succédé dimanche à Hugo Chavez. Sa victoire à l’élection présidentielle du Venezuela aura été plus courte que ne le prévoyaient les sondages. Elle n’en reste pas moins une victoire et elle est essentielle. Les urnes confirment ainsi que « ce qu’est Chavez ne meurt pas ».
Le score de 50,66 % des voix obtenu par Nicolas Maduro, soit 1,5% de plus que son rival de droite Henrique Capriles, indique un résultat serré mais « irréversible » pour reprendre les termes de la présidente du CNE (conseil national exécutif) la nuit dernière. Comme en octobre dernier les accompagnateurs internationaux sur place ont d’ailleurs témoigné d’un scrutin exemplaire effectué dans une atmosphère tranquille. En tant qu’accompagnateur, j’ai ainsi visité dimanche huit bureaux de vote très différents : quartiers des classes moyennes gagnés à Capriles, quartiers populaires tel le 23 Enero pro Maduro. J’ai pris soin, avec mon collègue PS de la région Ile de France, Roberto Romero, de poser des questions avec mon Smartphone (les vidéos sont donc disponibles) à beaucoup des « témoins » du candidat de l’opposition (dans chaque bureau de vote se trouvent un « témoin » de Maduro et un de Capriles) : toutes (ce sont souvent des femmes) ont dit leur satisfaction sur l’exemplarité du scrutin. Leurs propos démentaient ainsi les tentatives de déstabilisation de leur candidat débutées bien avant ce dimanche (voir ma précédente note de blog). Hier soir, comme cela a été le cas dans 52 % des bureaux de vote, j’ai assisté à une vérification du vote électronique. Le principe est simple : lors du vote, un récépissé sort et est à son tour déposé par l’électeur, cette fois dans une urne. Ce système propre au Venezuela (à titre d’exemple le vote électronique au Brésil ne le permet pas) permet de vérifier que le décompte manuel des récépissés correspond au vote électronique. Vu d’ici, les propos de Caprilès remettant le résultat en cause paraissent donc surréalistes. Son exigence de vérifier manuellement les 100 % des bureaux m’apparaît comme une manœuvre supplémentaire, prévue de longue date, visant à ouvrir une période d’instabilité. Il y a donc la volonté politique claire de la droite de plonger le pays dans le désordre en niant la légitimité de l’élection de Nicolas Maduro.
Ce que j’affirme là est le sentiment général des accompagnateurs internationaux réunis ce lundi matin pour faire un premier bilan. J’en ai d’ailleurs profité pour proposer une déclaration officielle de soutien au processus électoral et à la légitimité de l’élection de Maduro qui a été acceptée par mes collègues. Elle devrait être publiée dans la journée.
François Hollande doit reconnaître l’élection de Maduro sans tarder
A ce sujet, je ne comprends pas que François Hollande n’ait pas déjà reconnu l’élection de Maduro. Ce matin encore il disait attendre le résultat définitif qui a pourtant été annoncé dès hier soir par le CNE. C’est un peu comme si un chef d’état étranger n’avait pas considéré la déclaration du ministère de l’intérieur le 6 mai dernier comme valant annonce officielle de la victoire de François Hollande ! A ceci près que le CNE est lui un pouvoir autonome de l’exécutif. Ce type de déclaration est évidemment décisif car Caprilès maintient sa propagande qui est relayée et légitimée par les plus grands médias privés du pays dont l’appui à l’opposition ne s’est jamais relâché.
Le résultat serré on l’a dit mais quel parti, dans l’Union Européenne et ailleurs, ne rêverait pas d’une victoire même étroite après 15 ans au pouvoir ! Cette marge s’explique par plusieurs phénomènes. La disparition de Hugo Chavez et la difficulté de lui succéder n’est pas la moindre. L’élection de Nicolas Maduro est d’autant plus méritoire. Elle démontre que la révolution bolivienne est solidement ancrée dans la réalité du pays. Capriles a d’ailleurs veillé pendant la campagne à ne pas se dissocier de l’héritage politique de Chavez, bien au contraire, ce qui a certainement provoqué de la confusion. Enfin les difficultés sont réelles dans un pays où malgré l’œuvre déjà accomplie, l’Etat social et l’Etat tout court est largement à construire. Nicolas Maduro en est parfaitement conscient puisqu’il a inscrit de nouvelles « missions » pour son mandat comme je le décrivais déjà vendredi : l’investissement, c’est à dire la nécessité pour le Venezuela, pays dont l’économie est dépendant de sa rente pétrolière, de diversifier rapidement sa production industrielle et agricole pour gagner en souveraineté notamment alimentaire limitant ainsi de coûteuses importations ; la lutte contre la corruption ; la sécurité. La tâche sera difficile. Là encore une volonté de coopération accrue de la France avec le Venezuela devrait être une évidence pour un gouvernement d’une gauche digne de ce nom. Et même pour des intérêts geo-stratégiques bien compris avec l’un des rares grands pays producteurs de pétrole à être une démocratie irréprochable.
Chavez a permis la naissance d’un peuple politique
Ce scrutin marqué par une participation de près de 79 %, soit seulement 3 points de moins qu’en octobre dernier, est également une grande victoire pour la démocratie participative voulue et installée par Chavez. Même sans sa présence, les Vénézuéliens se sont déplacés en masse pour voter contrairement à ce qui se passait avant la révolution bolivarienne. La courbe de l’abstention est de ce point de vue particulièrement éclairante. Les vénézuéliens sont ainsi devenus un grand peuple politique où l’engagement et l’implication citoyenne sont quotidiens et marqués par une très forte implication des femmes. Hier j’ai pu constater que quasiment tous les centres de vote étaient tenus par des femmes. C’est là aussi une source d’inspiration pour nos démocraties et nos partis.
Enfin la victoire de Maduro est évidemment essentielle pour le processus de révolution citoyenne en cours en Amérique latine. Les très nombreuses délégations des partis de la gauche sud-américaine l’ont prouvé tout au long de la semaine. Chavez vit sur tout le continent, sa lutte continue. Il nous appartient, à nous Front de Gauche, de continuer à apporter notre soutien à ses successeurs.
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