Déshonneur et discrédit
Sarkozy ne l’avait utilisée que trois fois. La dernière, au Sénat, sur les retraites. Aubry déclarait alors : « Cette décision déshonore et discrédite le gouvernement et le Président ». (http://www.parti-socialiste.fr/communiques/le-vote-bloque-deshonore-et-discredite-le-gouvernement-et-le-president).
Le gouvernement Ayrault a utilisé samedi dernier la procédure du vote bloqué contre la discussion parlementaire en cours au Sénat. Cette disposition prévue à l’article 44-3 de la Constitution de la Ve République fait partie de l’abondant arsenal qu’elle offre à l’exécutif pour soumettre le législatif. Elle suspend le droit d’amendement puisque seuls ceux acceptés par le gouvernement sont soumis au vote. Il ne s’est pourtant trouvé samedi qu’une unique sénatrice sur les bancs du PS pour protester, Marie-Noëlle Lienemann. Mais quel était le texte en débat ? Le mariage pour tous ? Non. Qui le gouvernement voulait-il bâillonner ? La droite ? Non plus. Cette arme a été utilisée pour empêcher le groupe des sénateurs communistes d’amender le texte découlant de l’accord Made in MEDEF, un texte selon Sapin « comme il n’y en a que trois ou quatre par siècle » !
Ce coup de force de l’exécutif confirme la soumission enthousiaste de François Hollande aux mœurs détestables de la Ve République. Nous avions déjà la mise en scène du recours permanent et infantilisant au président de la République, le tripatouillage des modes de scrutin (notamment européen et départemental), le couple président-premier ministre désavoué par l’opinion mais frappé par la maladie du « droit dans ses bottes », l’humiliation des ministres dont Hollande a fait savoir que c’est lui qui les a contraints à révéler leur patrimoine après la malhonnêteté de son ami Cahuzac. Cet acte s’inscrit dans la continuité des déclarations enjoignant aux parlementaires de ne pas modifier le texte, du droit de veto reconnu à Parisot, chargée de valider a priori tout amendement du législateur, de la procédure d’urgence réclamée par le gouvernement. Même s’il trahit l’engagement d’Alain Vidalies, le ministre chargé des relations avec le Parlement : « Ceux qui ne veulent pas respecter l’accord peuvent continuer à exercer leur droit d’amendement. Il n’existe aucune contrainte, aucune règle qui limite juridiquement le droit d’amender un texte. » C’est enfin un signe politique donné aux sénateurs communistes, pour partie élus sur les mêmes listes que les solfériniens, et qui se considèraient membres de la majorité sénatoriale. Vidalies avait pourtant prévenu à l’ouverture du débat : « Le gouvernement n’a pas de majorité au Sénat. Le Front de gauche ne participe pas au gouvernement et n’a donc pris aucun engagement de solidarité gouvernementale ». Le vote bloqué met les points sur les « i » : pour le pouvoir, nos sénateurs sont dans l’opposition.
L’accord Made in MEDEF a finalement été voté par les seuls élus PS (les Verts se sont abstenus), Modem et UDI, avec l’abstention de l’UMP. En fracturant le côté gauche de l’hémicycle, le vote bloqué cherche aussi à faire émerger une majorité alternative PS-droite. Comme sur le TSCG. C’est l’une des raisons pour lesquelles Hollande était si pressé d’en finir avec le mariage pour tous qui contrarie son rapprochement avec la droite sur les grands dossiers économiques et sociaux. Cette collusion des partis officiels se fait contre les droits des salariés, contre le peuple et contre la démocratie. Ca suffit ! C’est pour sortir de cette Ve République déshonorée et discréditée que nous marcherons le 5 mai.