Pour le 1er mai, les medias veulent brûler les œillets à coups de flamme
Le traitement médiatique du 1er mai est un formidable révélateur. Non seulement les mediacrates ont choisi leur camp, mais ils pratiquent désormais l’effet ciseau sans se cacher. Devant l’agonie d’un monde dont ils sont les chevilles ouvrières, ils sont passés d’un côté de la dédiabolisation de Madame Le Pen à sa légitimation, et contrebalancent dans un même mouvement leur servitude à l’égard du Front national par des attaques de voyous à l’égard de Jean-Luc Mélenchon et du Front de Gauche.
Ce 1er mai, journée internationale de revendication des travailleuses et des travailleurs, et désormais rassemblement annuel du Front national, éclaire par son traitement la collusion oligarchique et les intérêts communs de classe du FN et de la presse des belles personnes qui préfèrent la langue de Chateaubriand à celle de Rabelais.
Le tir de barrage avait légitimement commencé dans le Figaro. Commentant un sondage qui place Jean-Luc Mélenchon comme deuxième « premier ministrable » préféré des françaises et des français, la journaliste Chloé Woitier livre cette parodie d’analyse en s’appuyant sur l’un des prétendus experts aux ordres du système : « Quant aux électeurs FN, ils sont 30 % à souhaiter voir Manuel Valls à Matignon, tandis que 20 % optent pour Jean-Luc Mélenchon. Un résultat pas si étonnant pour l’institut CSA. ‘Les électorats du Front de Gauche et du Front National se rejoignent sur un certain nombre d’éléments, comme le rejet de l’Europe et de la mondialisation et la dimension protestataire de leur vote’ souligne Yves-Marie Cann». Autrement dit, l’adhésion qui se ferait derrière Jean-Luc Mélenchon reposerait sur la porosité entre le FN et le FDG. Il n’est pas venu à l’esprit de la journaliste de nous dire combien de sympathisants FN se reportent sur le chasseur de Roms Manuel Valls ? Non, le message est clair : le FDG et le FN, c’est du pareil au même. Tout juste doit-elle concéder à la fin de l’article que : « la deuxième place de Jean-Luc Mélenchon comme ‘premier ministrable’ s’explique aussi par le bon score qu’il fait chez les sympathisants du PS (28%) et chez ceux du Front de Gauche (80%)». « S’explique aussi » : chacun-e aura noté l’ordre de construction et de représentation de cette médaille Fields des chiffres. Que près d’un tiers des sympathisants PS propose un premier ministre du FDG, cela n’est pas pour elle un évènement politique. Un aigle que cette jeune femme. Ou un valet…
Mais elle n’était que le chef de meute. A 13h, sur France-Inter, Nasser Majid, qui commentait le rassemblement du Front national en direct de la statue de Jeanne d’Arc (un journaliste de terrain quoi…), nous livrait ces propos irréels : « un regroupement donc sage un peu comme le FN ». A ce stade, ce n’est plus de la dédiabolisation, c’est du prosélytisme ! Le même enfonçait le clou pour décrire le cortège : «un rassemblement plutôt sage sans dérapages verbaux ». Pour Monsieur Majid, des slogans comme « La France aux français » ou « On est chez nous » pourtant largement audibles dans la manifestation, ce ne sont pas des dérapages. Que n’entend-on pas quand c’est la bande des puissants, des oligarques et des financiers qui est montrée du doigt. Par contre, quand le FN et ses sbires crachent sur les arabes, c’est « sage et sans dérapages verbaux ». Honteuse surdité, terribles œillères.
La palme revient enfin comme toujours au « journal de référence », le quotidien Le Monde qui dans sa version électronique, à la suite d’un article sur le rassemblement du Fn le 1er mai, fait un encart sur le Front de Gauche qui commence par ce mensonge éhonté, tellement gros qu’il ne peut s’agir d’une erreur mais bien d’une tentative minable de manipulation de l’opinion : « Jean-Luc Mélenchon préfère de son côté passer son tour ce 1er mai, appelant la gauche alternative à manifester dimanche 5 mai et à réclamer un « grand coup de balai ». » Sauf que bien évidemment, Jean-Luc Mélenchon était présent dans le cortège parisien ce 1er mai et que toutes les rédactions ont reçu un communiqué de presse mardi 30 avril qui l’annonçait et qui rappelait que le Parti de gauche appelait à participer aux manifestations du 1er mai partout en France. Décidément, rien ne les arrête dans leur course éperdue pour recoller le papier peint sur des murs qui s’effondrent…
Arrivé à ce stade et même pour celles et ceux qui pouvaient encore en douter, la stratégie des médiacrates est donc éventée. Elle n’appelle qu’une seule réponse. Un grand coup de balai s’impose aussi dans la profession pour que tous les journalistes consciencieux et professionnels, aujourd’hui bâillonnés par la survisibilité accordée à leurs pathétiques confrères, puissent enfin faire leur devoir d’information et d’éclairement des consciences pour permettre aux citoyennes et aux citoyens de se forger leur propre opinion en toute connaissance de cause. Acrimed, l’observatoire des médias, ne s’y est pas trompé en appelant à la marche citoyenne du 5 mai.
La caste des médiacrates cherche donc à museler le Front de Gauche avant le 5 mai et à laisser aboyer Madame Le Pen en croyant préserver le système. La réponse à leur entre-soi sera apportée par « des citoyens qui ne s’en laissent pas conter mais qui entendent qu’on leur rende des comptes » selon la formule de Condorcet.
Tel est le peuple qui déferlera sur eux sous la forme d’une marée citoyenne dimanche entre Bastille et Nation.