Retour sur l’allocution du Président sur la Défense • Hollande sacrifie la souveraineté de la France

François Hollande a confirmé le 24 mai les orientations du récent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. C’est bien une poursuite de l’abandon de la souveraineté française en matière de défense, largement entamée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, qui se dessine.

Defence-godasse En confirmant 24.000 nouvelles suppressions de postes dans les armées d’ici à 2019, en plus des 54 000 déjà décidées sous Sarkozy, et le gel d’un budget qui par le seul effet de l’inflation subira donc une forte baisse, le Président de la République sacrifie la défense nationale sur l’autel de l’austérité. Paul Quilès, Ancien ministre socialistes des Armées, peu suspect d’opposition radicale au gouvernement, ne s’y est pas trompé en déclarant que l’outil de défense sera « rogné jusqu’à l’os ».

De fait, les affirmations de François Hollande visant à rassurer ne sont que des formules creuses, voire mensongères. Que penser de l’annonce du maintien d’une capacité de projection de 66 000 soldats, alors même que la France ne dispose pas de moyens de transports en conséquence ? La promesse de relancer le programme d’avions de transport A 400 M, et plus largement de « protéger » l’industrie de Défense, peut-elle être prise au sérieux de la part d’un Président qui a laissé le gouvernement baisser la part de l’État français dans le capital d’EADS au profit des marchés financiers et de l’Allemagne, et abandonner son droit de veto dans cette entreprise stratégique ?

Et que dire de l’engagement à faire de la cyberdéfense une priorité de la part d’un Chef des armées qui a laissé le Ministère de la défense, sous la pression de l’OTAN, renouveler dans des conditions opaques le contrat qui le lie avec Microsoft, alors même que les programmes informatiques de cette firme sont truffés de dispositifs permettant aux services de renseignement étasuniens de s’y introduire sans la moindre difficulté ?

La seule chose à comprendre est que derrière ces effets d’annonce, c’est bien d’un approfondissement de la soumission de la France au dispositif atlantiste qu’il s’agit !

Déjà, en acceptant le bouclier-antimissile qui ouvrirait dans les faits la voie à un usage offensif de l’arme nucléaire sous l’égide des États-Unis, François Hollande avait porté atteinte à notre doctrine d’emploi de l’arme nucléaire, strictement dissuasive donc défensive, qui serait de fait rendue caduque. Que le bouclier anti-missile soit encore à l’état théorique change peu à l’affaire, car en matière nucléaire les mots comptent tout autant que les moyens.

En annonçant une « nouvelle étape de la défense européenne » qui mutualisera les moyens, au prétexte de contraintes budgétaires, le Président ne fait qu’appliquer la doctrine de Smart defence conçue par l’OTAN. Sous couvert de développer les capacités industrielles et militaires de l’Europe, ce programme tendra à enfermer chaque pays européens dans des capacités parcellaires, en sorte que seule l’OTAN, en tant que centre de commandement, disposera de capacités globales. Pire, au prétexte d’« interopérabilité » dans l’alliance atlantique, la smart defence programme la main-mise de l’industrie de défense étasunienne sur ce qu’il reste d’indépendant en Europe dans ce secteur.

La France, seul pays disposant encore (pour combien de temps ?) en Europe de capacités autonomes en matière terrestre, aérienne et maritime, a tout à y perdre. Les États-Unis, qui se redéploient en Asie-Pacifique tout en prônant de mutualiser pour mieux régner afin de maintenir l’Europe à l’état d’auxiliaire impérial, ont tout à y gagner.

Dès lors François Hollande n’avait pas besoin de préciser que « la défense européenne ne sera ni contre, ni sans les États-Unis » pour rassurer ces derniers. Par honnêteté il aurait néanmoins pu admettre qu’elle se fera largement « pour eux » !

Illustrations-accord-defense-france-uk La France est un pays qui « peut parler parce qu’il a les moyens aussi de se faire respecter », a précisé François Hollande. Cet « élément de langage » peut suffire à convaincre de dociles journalistes lors d’une conférence de presse officielle. Mais il ne trompera pas ceux qui attendent que la puissance militaire de la France, nation à vocation universaliste depuis trop longtemps enfermée dans un carcan occidentalo-atlantiste qui se ressert, soit mise au service d’un autre monde.

Puisque le Président de la République, à l’encontre des méthodes utilisée lors d’une intervention au Mali décidée en petit comité, mal pensée et promise à l’enlisement (voir notre communiqué sur les récents attentats au Niger), a également promis de renforcer le droit de regard du Parlement sur les questions de défense, le Parti de Gauche lui demande solennellement de rouvrir un large débat sur les orientations de notre pays en la matière. Il y va plus que jamais de la souveraineté de notre République ! Son abandon ne doit pas être décidé par quelques cénacles incapables de penser en dehors du cadre atlantiste.

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