Le système pourri de la Cour des comptes
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Son dernier rapport sur l’éducation a fait encore parler de la Cour des Comptes. Elle est un cas d’école du système mis en place par les institutions de la Vème République.
Mercredi 22 mai, le président PS de l’institution Didier Migaud a ainsi pu tout tranquillement affirmer que « La Cour n’a aucun parti pris dogmatique. C’est une juridiction indépendante des pouvoirs exécutifs, législatifs et locaux. Elle n’est là ni pour plaire ni pour déplaire. » En effet, par un effet de système, les rapports n’ont même pas besoin d’être téléguidés car c’est un tout petit monde que celui qui va des hautes fonctions gouvernementales à celles de l’appareil d’Etat tout en passant par les sommets de la finance. François Hollande connaît ainsi bien la Cour : il y a fait ses classes de haut fonctionnaire à sa sortie de l’ENA. M. Migaud, lui, connaît par cœur le PS, et les magistrats financiers sont en relation permanente avec les équipes ministérielles. La Cour sait donc, sans qu’on ait besoin de le lui dire, sur quels points elle peut insister pour éclairer l’exécutif sur de possibles économies. Mais les apparences d’indépendance sont là !
Ainsi derrière le récent rapport sur l’éducation, on trouve le discret Patrick Lefas, président de la 3ème chambre de la Cour des Comptes, chargée de ce sujet parmi quelques autres. Cet homme « indépendant » a effectué son unique incursion hors de la machine étatique depuis sa sortie de l’ENA à la Fédération française des sociétés d’assurance alors présidée par Denis Kessler, ex numéro 2 du Medef, pour y suivre les questions internationales et notamment les directives bruxelloises. De retour dans les arcanes de l’Etat en 1998, il traite les dossiers de la privatisation du Crédit lyonnais et le rapport sur la santé financière de la banque de France, ce qui lui permettra de recroiser son collègue de la promotion Guernica de l’ENA Christian Noyer, devenu gouverneur de la banque de France ! Patrick Lefas peut donc écrire les yeux fermés des rapports soumettant la France aux directives européennes pour libéraliser notre éducation nationale à coup d’autonomie et de destruction du cadre républicain. Mécaniquement, il répond aux injonctions financières pour faire de son propre pays le prochain sur la liste des réformes structurelles toujours plus libérales. Il le fait naturellement, confondant sans s’en apercevoir les intérêts du pays avec les intérêts de la clique qui le domine.
L’oligarchie a corrompu l’idée même du rôle de la Cour des comptes dans la République française. Aujourd’hui la gestion rigoureuse des deniers publics, fruit des impôts du peuple souverain, est confondue avec le redressement des comptes publics imposé à un peuple infantilisé. La transparence a été remplacée par l’austérité. Le peuple a été effacé au profit d’un petit groupe s’arrogeant tout pouvoir.