Après Villeneuve
Quel est le carburant du Front national, pour reprendre l’expression d’Arnaud Montebourg ? Force est de constater que la première année du mandat de François Hollande a donné à ce parti un coup de fouet sans précédent. Á la dernière présidentielle, le parti des Le Pen avait retrouvé son ancien niveau à la faveur de l’affaissement du sarkozysme. La poursuite et l’aggravation de la crise de la droite sur fond d’affaires à répétition continue de rabattre vers lui des électeurs traditionnellement acquis à la droite. Mais le FN n’atteindrait pas le score de Villeneuve-sur-Lot sans la désorientation des électeurs de gauche. Ceux qui ont voulu le changement en 2012, déçus voire furieux de la politique du gouvernement, se retrouvent massivement dans l’abstention. Au premier tour, le candidat PS chute de 15 000 voix. Au second, le calamiteux Front Républicain achève le désastre.
Et pourtant le Parti Solférinien ne veut rien entendre. Cet aveuglement doit être pris au sérieux. Tout indique que rien n’en viendra à bout. Déjà Hollande avait considéré l’élimination du PS du second tour de la présidentielle de 2002 comme un simple accident électoral et n’en avait tiré aucune conséquence. Cette fois encore, alors que le PS détient presque tous les leviers politiques du pays, les dirigeants solfériniens ont rejeté la responsabilité du naufrage sur les autres partis de gauche qui ont eu l’outrecuidance de se présenter aux suffrages. On doit donc en déduire que la stratégie du PS est incompatible avec l’existence de formations de gauche indépendantes de lui. La thèse n’est pas nouvelle : c’est celle des partis uniques qui se disaient, comme lui, socialistes. Le PS est plus moderne. Il en fait donc une théorie européenne. L’absence de changement en Europe découlerait également du fait que les sociaux-démocrates n’y contrôlent pas tous les gouvernements.
Ce refus de se remettre en cause a éclaté aux yeux de tous lors de l’affaire Cahuzac. C’est le problème d’un homme proclamait Hollande. Ni ma politique ni mon parti ne sont en cause. Quelques coups de mentons et la publication du patrimoine des ministres suffiraient à tourner la page. Le résultat de la partielle le désavoue. L’incendie n’est pas « circonscrit » comme le disaient les médias soucieux d’éviter que le mensonge de Cahuzac ne mette en lumière les mœurs inciviques de l’oligarchie. Au contraire, le feu couve toujours et nombreux sont ceux qui apportent leur lot de bûches. Barroso parle à la France comme à une colonie rebelle. Hollande annonce sur les retraites le contraire de ce qu’il avait dit dans sa campagne. Les médias proclament plusieurs semaines à l’avance que le FN sera au second tour. Sans parler de la « bande organisée » de l’affaire Tapie qui a coûté un demi-milliard d’euros à l’État… C’est le trop plein de carburant pour le FN !
Le Front de Gauche pour sa part ne connaît pas l’effondrement du PS. Mais pour la première fois nous marquons le pas et nous reculons même légèrement en voix. Parce que nous respectons les urnes, c’est pour nous un signal d’alerte sérieux. L’état d’urgence politique vomit les tièdes. Nous ne sommes pas en compétition avec le FN pour obtenir un siège de plus. Nous le sommes pour offrir une issue à la crise politique par le passage à une Sixième république. Chaque confrontation électorale doit être l’occasion de faire avancer la révolution citoyenne : renforcer la conscience qu’il faut renverser l’oligarchie et montrer, dans notre programme mais aussi par nos actes, le mode opératoire par lequel le peuple reprendra le pouvoir.