Affaire Kerviel, David contre Goliath

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L’affaire Kerviel se poursuit devant le Conseil des Prud’hommes. L’ancien trader demande la requalification du motif de son licenciement par la Société générale. Les Prud’hommes ont rejeté sa demande d’expertise des dommages subis par la Société générale. Retour sur une affaire hautement politique.

« Merci pour l’espoir que vous me donnez. Maintenant, on repart au feu. » Jérôme Kerviel a la voix chargée d’émotions. Ce 4 juillet, il ressort de l’audience du Conseil des prud’hommes de Paris « dégoûté » après avoir vécu un moment d’espoir. Les Prud’hommes ont rejeté la demande de renvoi de la Société générale, ex employeur du plus médiatique des traders français. Ils ont également refusé la demande d’expertise des pertes subies par la banque française, pertes qu’elle estime à 4,9 milliards d’euros. Le jugement sur la requalification du motif de licenciement de Kerviel devrait être prononcé le 24 janvier 2014.

Dès 8h30, plusieurs dizaines de citoyens et de militants se rassemblent, sans drapeaux, devant le Conseil des Prud’hommes de Paris. A côté de son pourvoi en cassation, Jérôme Kerviel y poursuit son combat de David contre le Goliath Société Générale. L’ancien trader veut défendre ses droits de salarié, droits qu’il estime bafoués. Il réfute toujours la faute que lui impute son ex employeur, répétant que sa hiérarchie, non contente d’être informée de ses pratiques, le « couvrait ».

Claudio Calfuquir est venu de Montreuil « apporter le soutien d’un salarié à un autre salarié ». Militant CGT dans le groupe aéronautique Dassault, le jeune homme a été récemment licencié pour « faits de syndicalisme », assure-t-il. Pour lui, il s’agit de faire face à l’injustice : « Ce n’est pas une fonction que nous sommes venus défendre mais des faits que nous dénonçons. Personne ne peut croire qu’un homme seul ait failli détruire une banque telle que la Société Générale ».

Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche, plaide lui aussi « l’innocence ». « Son métier est immoral c’est un fait. Mais ce dont nous parlons aujourd’hui est un point de droit », estime le député européen. Il rappelle aussi que le cas Kerviel cache un autre scandale : une déduction fiscale à hauteur de 1,7 milliards d’euros accordée par Bercy à la « SocGen », dans le cadre d’un processus d’assurance à hauteur du tiers des pertes subies – s’il n’y a pas eu de défaillances de la part de la banque. Pourtant, quelques mois plus tard, la justice a mis en lumière les défauts de contrôle de la part de la Société générale. Normalement, ces faits auraient dû empêcher la « SocGen » d’empocher une somme abondée par l’argent public.

C’est ce point précis qui motive la présence de Julien Bayou, conseiller régional Europe Ecologie-les Verts (EELV) d’Île-de-France et un des animateurs du collectif « Sauvons les riches ». Le jeune élu dénonce le versement d’une somme – « 4 fois celle versée à Bernard Tapie » ; « sans contrôle » de la part du ministère des Finances, dirigé à l’époque par Christine Lagarde et son directeur de cabinet Stéphane Richard. Qui précise encore : « Cela représente 25 euros par Français ». Ce 1,7 milliard d’euros aurait été reversé aux actionnaires de la Société Générale.

Cela illustre la complicité de l’Etat dans une affaire met en lumière la réalité du capitalisme financier. Lequel bénéficie de solides relais dans l’appareil d’Etat, nourris par les allers et retours de hauts fonctionnaires du public vers le privé et vice-versa. Ainsi, Stéphane Richard, directeur de cabinet à Bercy à l’époque des faits, est aujourd’hui PDG de France Télécom. « En ce sens, c’est une affaire très politique », explique Clémentine Autain, une des porte-paroles du Front de Gauche. Elle entend en profiter pour « mettre à jour la folie de ce capitalisme de casino, un système totalement déshumanisé ».

Lors d’une rencontre organisée par les Amis de l’usine, dimanche 30 juin, Jérôme Kerviel a expliqué avoir misé sur des opérations à la baisse après les attentats meurtriers à Londres en 2005. Ces opérations ont fait gagner des sommes astronomiques à la Société Générale. Quand le trader a vu les images de l’attentat, il raconte être allé vomir dans les toilettes où son chef est venu le chercher pour lui dire : « On ne doit jamais arrêter de trader ».

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