Austérité, saudade et révolution citoyenne dans un stade… (Retour de PGE à Porto)
Porto. En quittant Paris il faisait gris. Ici pas de doute, l’été est bien là. Deux jours à hésiter à rester enfermés dans la moquette d’un stade (sic) ou à se retrouver écrasés de chaleur dehors. A débattre de la situation politique en Europe, des ravages des politiques d’austérité d’Athènes à Lisbonne, des mouvements au Brésil et du futur traité transatlantique entre les États Unis et l’Union européenne. A réfléchir à la stratégie à adopter et à défendre l’écosocialisme, notre projet.A Orly je retrouve Jean Luc Mélenchon, notre vol aller sera consacré à plancher sur la réunion du bureau exécutif du PGE, le parti de la gauche européenne aka european left, qui tient donc son université d’été ce week end au Portugal. Au programme par exemple, une motion sur le GMT, le grand marché transatlantique, dans laquelle nous faisons, avec mon camarade Hadrien Clouet, intégrer la question des gaz de schiste et les associations environnementales qui prennent part au combat. Car ce traité, s’il est adopté, favorisera le recours par droit privé de multinationales qui s’estimeraient lésées par des réglementations nationales dans leurs investissements et leurs intérêts. Exemple, tous les pétroliers à qui la France interdit aujourd’hui la fracturation hydraulique en vertu de la loi de juillet 2011…
Mais je brûle les étapes. Avant cela, notre arrivée. Direction le stade du Futebol Clube do Porto où ont donc lieu ces journées d’été du PGE. Quelle drôle d’idée. Apparemment pour certains c’est un frisson d’excitation de se retrouver dans ce haut lieu du ballon rond, dont un photographe portugais m’explique qu’il reste un sport populaire à Porto. L’occasion je l’avoue d’en remettre quand même une couche auprès de mon interlocuteur sur le foot-business, le Qatar et le PSG. Pas pu m’en empêcher… Mais malgré les frissons qui me viennent de repenser à d’autres stades en d’autres temps et d’autres lieux, sombres lieux de répression… J’apprécie l’expérience totalement surréaliste de sortir fumer sa clope dans un immense stade vide. De se retrouver dans les gradins en fin de soirée pour boire un dernier verre de Porto… Un moment décalé de plus, un instantané d’ailleurs, glané sur place puisque cette fois il n’y aura pas moyen de tout le week end de s’échapper pour aller se perdre dans les rues.
Nous y retrouvons, grâce à l’entremise précieuse de notre camarade du Bureau National François Ralle-Andreoli déjà présent, les représentants du journal portugais « I ». S’ensuit un long entretien où ça discute de Gramsci, Marx et Borges, de déterminisme probabiliste, de vision non linéaire du temps et d’emballement climatique, de niveau des océans et des différents déclencheurs de la révolution citoyenne. Du ticket de bus au Vénézuela ou au Brésil, à la taxe de stand sur un marché de Tunisie, jusqu’aux situations subies comme en Argentine pendant la crise où, les petits patrons partis, les salariés ont bien du s’autogérer sans qu’au départ ce soit franchement leur souci premier que de jouer aux soviets…
« La politique est un art de réalisation, attention à ne pas croire qu’une situation objective crée la conscientisation ». Jean Luc rappelle cependant au cours de l’entretien que souvent, comme au Brésil, l’insurrection populaire est aussi le fruit de bifurcations : l’accès à l’éducation, à la contraception, l’urbanisation qui crée de nouveaux types de liens sociaux, et de mesures de gauche qui portent paradoxalement leurs fruits en donnant plus de pouvoir et d’émancipation au peuple et permettent à des citoyens plus éduqués, souvent urbains, d’élever la voix et parfois de se retourner contre ceux-là même qui se sont efforcés d’améliorer le quotidien.
Il sera d’ailleurs beaucoup question ce week-end de constituante, de revendications démocratiques, de l’évolution des forces de gauche en Europe, de la genèse du Front de Gauche, du prochain Congrès de Syriza en Grèce, et de la responsabilité de tous ceux qui, de Clinton à Hollande en passant par Blair et Schroeder, ont volé les partis socialistes aux ouvriers. De ceux-là qui se plient aujourd’hui à l’austérité et trahissent la gauche historique en en faisant l’alliée de l’oligarchie et des politiques libérales… Mais aussi de la valse des ministres : quand nous expliquons l’éviction de Delphine Batho à nos amis portugais, ceux-ci sourient… Après la démission en début de semaine du libéral Ministre des finances Vitor Gaspar, les frasques au sein du gouvernement, comment dire… Ils voient bien.
Le Portugal est un pays aussi durement touché que la Grèce, dont on parle paradoxalement moins. Le chômage frôle les 20% de la population active, et les manifestations se multiplient : plus d’un million de personnes dans les rues le 15 septembre, une grève générale le 14 novembre, une immense mobilisation le 2 mars puis de nouveau grève générale le 27 juin… Pour dénoncer la Troika et le nouveau plan d’austérité annoncé en mai qui vise à une nouvelle coupe de 4,8 milliards d’euros d’ici 2015. Dans un pays déjà exsangue, cela signifierait concrètement 30.000 postes en moins dans l’administration publique, le report d’un an de l’âge de la retraite, ou encore le retour de la durée de travail des fonctionnaires à 40 heures au lieu de 35 actuellement. La mobilisation monstre qui a suivi ces annonces a donc entraîné le départ du Ministre des Finances Vitor Gaspar, dont le budget a par ailleurs été retoqué deux fois au Conseil constitutionnel suite aux interventions des députés de gauche du PS et du Bloco, et ouvert une situation de crise au gouvernement. Preuve que les luttes peuvent ouvrir des brèches dans le dogme de l’austérité.
« On ne fait pas un parti révolutionnaire avec une tête de premier communiant ». Nous aurons de longs échanges également sur la fonction tribunicienne, le fameux parler « cru et dru » qui nous est parfois reproché et résonne pourtant dans un nombre d’esprits grandissant. Mais aussi et surtout des principaux axes de notre programme : la répartition des richesses, la planification écologique, la refondation des institutions avec une assemblée constituante, la paix et la sortie de l’Otan… Et les trois points qui ont marqué la campagne du Front de Gauche à la présidentielle et continuent de guider notre action politique. Un, s’adresser à la raison et non à la peur comme le fait l’extrême droite, en expliquant nos mesures : l’écart maximum de salaires de 1 à 20 ou le revenu maximum autorisé avec une tranche d’impôt à 100% au-delà de 360.000 euros, des mesures radicales et concrètes qui permettent une discussion rationnelle, ce que nous appelons le débat argumenté. Deux, proposer une culture de référence : le capitalisme a su esthétiser ses valeurs de réactivité, de compétitivité et de flexibilité… Nous c’est le ralentissement, la gratuité, l’amour, le partage et les jours heureux. D’où : trois, une identité de référence, héritée des Lumières et de l’humanisme. Quand la droite impose une identité de blancs chrétiens à l’instar des WASP anglosaxons (white anglo-saxon protestant), nous disons nous que la France n’est pas une nation occidentale mais une nation universaliste. Car non, la politique ne se réduit pas à des chiffres et analyses macro-économiques déshumanisées. « Nous ne sommes pas des bêtes », nous sommes des êtres humains faits de culture, pour qui lire un poème de Victor Hugo sur une tribune de meeting en pleine campagne présidentielle fait sens.
Et bien sûr, durant la réunion du bureau de l’exécutif du PGE, où sont discutés différentes motions et où j’interviens avec mon camarade Hadrien Clouet sur la plateforme commune en vue des élections européennes, il est question de combattre, par l’espoir de l’alternative, l’abstention et l’extrême droite, deux grands risques du scrutin des européennes. De l’euro, monnaie unique en voie d’implosion, qui comme l’a rappelé Jean Luc.………..Lire la suite sur le blog de Corinne Morel-Darleux