16 juillet 1951
Le 16 juillet 1951, Avignon s’était donné un Prince. Un jeune homme flamboyant prenait possession de la Cour du Palais des Papes en donnant pour toujours son visage au Prince de Homburg et à Rodrigue. Acteur lumineux, magique, Gérard Philipe venait d’entrer dans la légende. Il n’en est jamais sorti.
Acteur inspiré, fidèle à Vilar et au TNP, il est un des premiers à mettre sa notoriété au service de ses idées, en endossant le costume d’artiste engagé.
De l’Appel de Stockholm au compagnonnage avec le Parti communiste, en passant par le Mouvement pour la Paix et ses voyages en URSS, en Chine, à Cuba où il rencontre Castro, il s’installe dans une vraie conscience politique et syndicale. Il unifie le Syndicat des acteurs et en devient le président. Un président sérieux, lucide, qui dès les années 50 dans un manifeste (Les acteurs ne sont pas des chiens) se soucie de la précarité du métier, des bas salaires, des retraites. Un président attaché à la décentralisation du théâtre en particulier et de la Culture en général, et qui, obstinément, veut diffuser l’esprit de Vilar à toute la France tout en combattant pour un monde de générosité et de justice. Aventure audacieuse, dans un pays à peine remis des années de guerre dans lequel le spectacle vivant pouvait passer pour une fantaisie superflue…
L’élégance et la passion sont des mots inventés pour lui, semble-t-il. Le choix de ses rôles au cinéma n’est pas en reste. De l’Idiot aux Orgueilleux, les personnages graves et profonds se succèdent. Même Fanfan la Tulipe qui cache un esprit frondeur, insoumis, un brin réfractaire sous un vernis de cape et d’épée, de guerre en dentelles !
Un homme, voilà ce qu’il voulait être. Pas un héros, pas une idole. Un homme vulnérable, qui disparaît à 36 ans, en plein vol, en pleine gloire. Ne laissant au monde que le souvenir d’un talent évanoui. À jamais, le Cid garde ce regard juvénile, cette fougue enthousiaste, cette silhouette fine et presque fragile. Et les Stances pour toujours vibrent de la grâce de sa voix ardente. Corneille avait-il écrit le rôle pour lui seul, par-dessus les siècles ?
Gérard Philipe, un homme qui selon Aragon « demeure éternellement la preuve de la jeunesse du monde ».
Brigitte Blang