L’inquiétante résurgence des lois homophobes en Russie et dans l’Est de l’Europe
Le 30 juin dernier, le président russe Vladimir Poutine promulguait deux lois fédérales homophobes. La première loi fédérale interdit la «propagande des relations sexuelles non traditionnelles» auprès des mineurs (ce qui inclut de facto toute visibilité publique de l’homosexualité) sur le modèle de lois régionales similaires déjà adoptées (région de Riazan en 2006, Saint-Pétersbourg en 2011, suivis par d’autres parlements régionaux ensuite). La seconde loi fédérale interdit l’adoption d’enfants russes par des couples homosexuels ou des célibataires dans les pays ayant autorisé le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe. Ces lois fédérales complètent les interdictions systématiques des marches de visibilité LGBT (« gayprides ») ou les moindres manifestations revendicatives contre l’homophobie ou pour l’égalité des droits, à Moscou comme dans le reste des villes du pays. Elles ont donné pour ainsi dire un signal d’impunité pour les groupes extrémistes qui ont entrepris une vague d’agressions physiques homophobes particulièrement violentes, dans tout le pays. Les mobilisations des militants LGBT russes attaquées par des contremanifestants homophobes ne sont pas protégées par les forces de l’ordre. C’est un recul depuis la dépénalisation de l’homosexualité en Russie acquise en 1993.
Des responsables français de la droite et l’extrême-droite, animateurs de ladite « Manif pour tous » et du « Printemps français », qui se sont mobilisés ici pendant 7 mois contre l’égalité des droits et ont été médiatisés dans toute l’Europe, ont apporté publiquement, à Paris ou en visite à Moscou, leur soutien à la politique homophobe de la Russie qu’ils présentent comme un modèle de défense de la famille. Ces lois homophobes qui montrent le poids accru des valeurs religieuses familiales et de l’Eglise orthodoxe dans la politique russe (voir le procès des « Pussy Riot ») renvoient au contexte général des atteintes aux droits humains en Russie qui se sont amplifiés dernièrement avec des lois de criminalisation des ONG et une répression systématique contre des opposants au gouvernement Poutine-Medvedev, notamment contre les forces de gauche qui s’opposent aux réformes libérales et aux mesures antidémocratiques du gouvernement, comme le « Levyi Front » (le « Front de gauche » russe).
Plus globalement, les lois russes en question s’inscrivent dans un climat européen de résurgence de lois homophobes dans plusieurs pays, y compris au sein de l’Union européenne : en Lituanie, les parlementaires ont adopté une loi « contre la propagande homosexuelle » dès 2010. Fin 2012, l’Ukraine adoptait en dernière lecture une loi similaire. Dernièrement, emboîtant le pas à la Russie, la Moldavie adoptait également une telle loi nationale mi-juillet, après avoir laissé plusieurs municipalités prendre des dispositifs « anti-propagande » localement. Dans une résolution contre l’homophobie en Europe de mai 2012, le Parlement européen pointait des projets de textes municipaux de prohibition de la visibilité homosexuelle locale, également en Lettonie et en Hongrie. Dans le même temps, la Hongrie a constitutionalisé le caractère hétérosexuel du mariage et nous assistons à un mouvement analogue dans la très catholique Croatie, nouveau membre de l’UE. Du reste, les animateurs français des manifestations anti-égalité se sont employés durant l’été à nouer des contacts avec les forces réactionnaires de Croatie mais aussi en Slovénie, en Italie et en Bavière.
Les lois « contre la propagande homosexuelle » qui essaiment sur le continent européen, prétendent ne s’attaquer qu’à la visibilité publique de l’homosexualité, à la différence des lois de pénalisation pure et simple de l’homosexualité dans le cadre privé qui sévissent encore dans plus de 70 pays dont 7 qui la condamnent par la peine de mort. Par ailleurs, une dizaine des Etats les plus conservateurs des Etats-Unis maintient encore des lois anti-sodomie (ou « contre les crimes contre-nature »), pourtant déclarées anticonstitutionnelles par la Cour suprême en 2003. Nous ne pouvons toutefois pas admettre, au sein des pays européens membres du Conseil de l’Europe, de voir réapparaître des lois d’homophobie d’Etat et de laisser se construire « de l’Atlantique à l’Oural » une solidarité entre les forces réactionnaires autour d’une vision traditionnaliste et rétrograde de la famille, sur fond de recul de la laïcité.
Le Parti de Gauche soutient les manifestations contre les lois homophobes en Russie qui se tiennent en France, au mois de septembre (notamment le 8 septembre : Kiss-in devant l’Ambassade de Russie à Paris ; et le 13 septembre : rassemblement sur l’esplanade du Trocadéro à Paris et devant le Consulat de Russie à Marseille. Il appelle plus globalement à la mobilisation du gouvernement français et des instances de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe pour condamner de telles lois qui ressurgissent dans tout l’Est de l’Europe (dans et hors UE) sur fond de crise économique et d’austérité. Le gouvernement doit prévoir dans l’immédiat les dispositifs adéquats pour garantir l’asile et l’accueil des personnes LGBT qui quittent leur pays, de l’Est de l’Europe, pour motifs d’homophobie ou de transphobie.