La retraite de Hollande est une Bérézina sociale
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Les salariés payent le prix fort : Hollande obéit à l’Europe libérale, dans la droite ligne de Sarkozy
La réforme des retraites d’Hollande en 2013 ressemble à s’y méprendre à celle de Sarkozy en 2010. Elle est d’ailleurs fondée sur les mêmes arguments fallacieux selon lesquels « comme on vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps ».
Rappelons ici que la retraite à 60 ans en 1981 se fait alors même que l’espérance de vie augmente. Rappelons également que d’après l’INSEE, l’espérance de vie en bonne santé en France est de 61,9 ans pour les hommes et de 63,5 ans pour les femmes, et qu’elle est en recul depuis 2010.
Le gouvernement Ayrault a donc choisi de faire payer les salariés, en augmentant les cotisations retraites et en allongeant la durée de cotisation à 43 ans en 2035. Par cette réforme, il entérine les souhaits des libéraux à la tête de l’Union européenne, qui ont conditionné le « sursis » pour revenir aux 3% de déficit à une réforme des retraites.
Au passage, le gouvernement se contredit lui même : en effet il annonce un déficit du régime des retraites de 16 milliards en 2040 avec une croissance aussi faible qu’aujourd’hui. C’est donc qu’il ne croit pas à sa propre politique !
Le capital, lui ne va rien payer : l’augmentation des cotisations patronales pour les retraites va être compensée par une exonération sur les cotisations famille. Le MEDEF a donc encore une fois gagné, après avoir baissé les salaires avec l’ANI, le gouvernement poursuit la politique de l’offre et grève encore le pouvoir d’achat des Français.
Pourtant, le gouvernement a déjà accordé 20 milliards d’euros de crédit impôt compétitivité au capital (c’est à dire davantage que le déficit des retraites prévu en 2040 !) et les exonérations de cotisations patronales pour les retraites atteignaient déjà 30 milliards d’euros en 2010.
Enfin, cette réforme témoigne d’une réflexion à courte vue. Aujourd’hui, plus d’un tiers des personnes qui prennent leur retraite sont au chômage. Cela signifie que l’augmentation de la durée de cotisations va augmenter les dépenses de l’assurance chômage : un trou est bouché mais un autre est creusé !
La retraite par capitalisation qui ne dit pas son nom
Le gouvernement renie les engagements du PS qui, en 2003 avait voté en Congrès que la durée de cotisation n’excèderait pas plus de 40 ans. Il accepte l’âge légal de la retraite à 62 ans, adoptée sous Sarkozy, et ment lorsqu’il affirme que l’âge légal ne sera pas reculé.
Pour les jeunes, nés après 1973, il faudra cotiser, avec la réforme Hollande, pendant 43 ans. Cela signifie par exemple qu’en entrant dans la vie active à 24 ans, et en supposant qu’on ne compte aucune période de chômage, la retraite à taux plein ne pourra être atteinte qu’à 67 ans ! Pour un Président de la République qui faisait des jeunes sa priorité pendant la campagne, Hollande leur inflige à la fois le chômage par sa politique d’austérité, et une retraite repoussée de plusieurs années.
Depuis 1993, chaque réforme des retraites a repoussé l’âge réel de départ, à taux plein, par le système de répartition. Cela s’explique par le travail en sous-main du patronat pour le système par capitalisation. Gattaz, président actuel du MEDEF l’a redit récemment, il est favorable à ce qu’une « dose de capitalisation » soit introduite pour financer le système des retraites.
Au fond, en promettant aux jeunes une retraite à 67 ans dans le meilleur des cas, le gouvernement Ayrault ne fait rien d’autre que d’encourager ceux qui le peuvent à épargner dès maintenant pour pouvoir partir plus tôt, et donc à capitaliser pour leurs retraites.
Bien entendu, contrairement aux mensonges débités par les solfériniens, c’est une mesure très injuste, qui pénalise les plus petits salaires et les carrières interrompues, qui rompt avec la logique de solidarité et ouvre la porte aux marchés financiers pour le financement de la protection sociale. L’exemple de la faillite des fonds de pension aux Etats-Unis ou la politique mortifère de l’Allemagne liée à son besoin de maintenir le niveau des placements des retraités allemands ne servent donc pas de leçon à Hollande.
Mais pire, la réforme des retraites présentée par Ayrault, sous couvert de prendre en compte la question de la pénibilité au travail, introduit directement une dose de capitalisation, par l’intermédiaire du « compte pénibilité ». Alors que le système par répartition repose sur le principe de solidarité entre générations, que les cotisations retraites payées par les salariés financent les pensions des retraités, le « compte pénibilité » individualise le financement des retraites, puisque chaque salarié disposera de son propre « compte », qui financera sa propre retraite.
C’est ouvrir la boite de pandore du système de retraite individualisé par capitalisation, des assurances privées pour la protection sociale, en rupture avec le principe de solidarité et d’égalité républicaine.
En somme, non content de porter un coup au pouvoir d’achat et d’infliger une régression sociale aux citoyens, chose inédite pour un gouvernement se disant de gauche, les solfériniens au pouvoir mettent en péril et détricotent un droit social majeur acquis de haute lutte, défendu et mis en place par le Conseil National de la Résistance.
La solution : emploi et taxation du capital
Aucune fatalité pourtant, à ce déficit dans le régime des retraites. Il est en effet conjoncturel. Déjà en 2010, 66% du déficit annoncé était lié à la crise et aux mesures d’austérité mises en place, qui augmentent le nombre de chômeurs chaque jour.
Pour augmenter le financement des régimes de retraite, rien de mieux que la création d’emplois et l’augmentation des salaires. Par exemple, si 3 millions d’emplois étaient créés en 10 ans (2 millions d’emplois ont été créés en 5 ans sous le gouvernement Jospin), cela rapporterait 24 milliards d’euros pour les retraites, bien au delà de ce qu’il est nécessaire pour boucher le déficit.
Alors que les femmes, les plus nombreuses parmi les salariés précaires et davantage confrontées aux carrières interrompues seront durement touchées par la réforme annoncée par Hollande, l’application réelle de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes rapporteraient 5 milliards d’euros aux caisses de retraites dès 2015 !
Ce sont donc bien la création d’emplois et une politique d’augmentation des salaires, pour tous, qui sont les principales solutions pour équilibrer les régimes de retraite.
Mais à très court terme, il est également nécessaire de prélever le capital pour financer les retraites. 8 points de richesse nationale sont passés du travail au capital depuis 1982, soit une perte pour les cotisations retraite de 11 milliards. Enfin, la mise à contribution des revenus financiers, à un taux égal à la cotisation d’assurance vieillesse à la charge des employeurs du privé (8 %), rapporterait 30 milliards d’euros.
Claire Mazin