René Revol: "Rentrée dure, réponse molle"
Avant de développer ma chronique politique de rentrée en cette fin d’août je voudrais répondre à plusieurs d’entre vous qui m’ont écrit pour regretter que je ne parle plus sur ce blog de mes lectures personnelles comme je le faisais encore il y a un an ou deux. Je m’excuse donc d’avoir laissé l’urgence politique et sociale envahir ce blog et je répare cet oubli à la fin de cette note en vous livrant mes réflexions sur mes lectures de l’été, avec une petite perle littéraire qui m’a enchanté.
Oui la rentrée est dure : j’ai repris mes rendez vous en mairie avec la population et je peux vous assurer que l’enthousiasme olympique n’a pas fait disparaître les angoisses. Il ya d’abord cette contraction du pouvoir d’achat avec d’un côté des salaires en berne (et c’est souvent par la suppression des primes que le revenu baisse) et de l’autre des prix qui montent : le prix de l’essence, celui de l’électricité, les quittances de charges arrivent avec toujours une hausse…certains ménages où il y a pourtant deux emplois ne voient pas comment ils vont pouvoir assurer les frais de rentrée. J’ai notamment rencontré un couple (infirmier et aide soignante) qui étaient tout fier que leur grand garçon ait réussi à rentrer dans une bonne filière professionnelle mais c’est loin et il y a beaucoup de frais. Ils voulaient renoncer. J’ai mobilisé tout ce que j’ai pu car je ne supportais pas que ce jeune voit son avenir bouché. Mais pour un cas résolu, combien de renoncements ailleurs ! Et puis la montée du chômage et de la précarité est très sensible cet été : il y a d’abord les licenciements. Quand on voit que dans le fleuron pharmaceutique de Montpellier SANOFI on programme 200 suppressions d’emplois alors que l’entreprise a fait des profits record on a de quoi enrager. Mais ce qui est surtout visible dans notre région ce sont les effets des fins de contrat d’intérim et les CDD non renouvelés. Dans beaucoup d’entreprises c’est la variable d’ajustement : fin d’intérim et fin de CDD ça ne se voit pas. Par contre cela gonfle la liste d’attente des chômeurs. Cela touche aussi l’éducation nationale où de nombreux emplois aidés n’ont pas été renouvelés en juin; des emplois hautement qualifiés sont également concernés comme on l’a vu au CNRS où après avoir multiplié les CDD de chercheurs ceux-ci ont été remerciés. Quant à la rentrée scolaire, il ne faut pas s’attendre à une baisse des effectifs dans les classes ; comment voulez vous que la petite bouée d’oxygène des 1000 postes puissent compenser les 70 000 postes supprimés par Sarkozy en 5 ans ? La situation va vite être tendue dans de nombreux établissements. Je pourrai continuer la liste avec la santé, le logement, la baisse des moyens dans le secteur culturel….bref la rentrée sera dure.
Réponse molle. Quant à la réponse de Hollande elle est bien molle. Si on regarde les salaires, la conférence sociale n’a rien donné et le coup de pouce au SMIC fut presque ridicule ; le lobbying patronal a joué à plein et il a porté ses fruits. Allocations familiales et minima sociaux ne bougeant pas, on aura finalement obtenu que la hausse de 25% de l’allocation de rentrée scolaire c’est-à-dire autour d’une trentaine d’Euros versés en une seule fois. Ce n’est pas comme ça qu’on redressera le pouvoir d’achat. D’autant que rien n’est fait pour bloquer les prix : la valse hésitation sur le prix de l’essence pour finir par une baisse des taxes sans toucher au prix pétrolier, la mesure va s’avérer cosmétique. Là aussi le lobby pétrolier a joué à fond et a gagné ; il est vrai que ce lobby était enhardi par ses succès précédents sur les forages en Guyane (où ils ont quand même eu la peau d’une ministre) ou sur les gaz de schiste où selon les ministres on ne sait plus quelle est la position du gouvernement. Quant au front de l’emploi ce n’est guère plus brillant. Depuis mai le patronat met en œuvre une vague de licenciements qu’il avait gardé sous le coude sous l’ère Sarkozy ; et face à cela les belles envolées lyriques de Montebourg n’ont guère d’effet. Une des lois prioritaires serait d’interdire les licenciements boursiers c’est-à-dire d’interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits et versent des dividendes à leurs actionnaires. Il faut donner le pouvoir aux salariés de se réapproprier leur outil de production de manière coopérative quand les patrons font défaut. Appuyé sur ces deux moyens on pourrait sauver des milliers d’emplois en les insérant dans une vraie stratégie publique de réinvestissement industriel. C’est ce que nous avions élaboré au front de gauche avec la mise en place d’une planification écologique. Un épisode de cet été montre l’absence de vision de ce gouvernement habitué qu’ils sont au bon vieux fonctionnement social libéral : pour aider le secteur automobile en crise on nous propose de subventionner prioritairement les voitures électriques. Très bien la voiture électrique mais les objectifs fixés nécessite l’augmentation de la capacité de production électrique et comme dans ce domaine le compromis PS-verts a fait l’impasse sur l’avenir du nucléaire, tout cela ne peut se faire qu’avec deux centrales nucléaires supplémentaires ….ce qui serait le comble pour celui qui voulait faire baisser le nucléaire de 25% ! Là aussi le lobby patronal a pesé de tout son poids pour qu’aucune mesure radicale soit prise et cela va se payer par une montée en flèche des licenciements dans la récession qui se met en place. Les 150 000 emplois d’avenir à mi chemin entre les emplois aidés précaires et les emplois jeunes Jospin ne joueront qu’à la marge.
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