Grand Marché Transatlantique : La négociation de tous les dangers

 

Sans aucune consultation des peuples et malgré la révélation de l’espionnage des institutions européennes par les États-Unis, les négociations sur le Grand Marché Transatlantique (dit Traité TTIP) ont débuté cet été dans le plus grand secret.

La transparence piétinée

On se souvient que le 14 juin dernier, les ministres du commerce des 27 États de l’UE ont accepté un mandat secret de négociation de la Commission européenne. En dehors d’une protection illusoire de l’exception culturelle, qui pourra être remise en cause en cours de négociation, le mandat de la Commission piétine les autres exigences qui avaient pu être formulées par les Parlements. Le Parlement français avait par exemple demandé à ce que les mécanismes d’arbitrage privé permettant aux entreprises de sous soustraire aux lois des États soient exclus du mandat. Il n’en est rien et ces mécanismes destructeurs sont toujours à l’ordre du jour des négociations, sans que le gouvernement français s’y soit opposé au Conseil européen.

Après le coup de force de l’adoption de ce mandat secret de négociation, la révélation de l’espionnage généralisé de l’UE par les USA au début de l’été a pu faire croire que les négociations allaient être reportées. C’est en tout cas ce qu’ont fait mine d’annoncer aussi bien le gouvernement français que la Commission européenne. La Vice-présidente de la Commission européenne Viviane Reding a ainsi affirmé début juillet qu’« on ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s’il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens ». Or comme le souligne Jean-Luc Mélenchon dans les deux questions à la Commission européenne qu’il a posées cet été en tant que député européen, aucune explication ou garantie des autorités états-uniennes n’ont été données par la Commission européenne depuis. Comme un rouleau compresseur, les négociations du traité de commerce transatlantique ont pourtant débuté du 8 au 12 juillet à Washington. Et elles doivent se poursuivre du 7 au 11 octobre à Bruxelles.

Des négociations secrètes

D’après les maigres informations communiquées par la Commission, la discussion a d’emblée porté sur un périmètre très large d’une vingtaine de domaines que devrait couvrir le Traité de commerce TTIP. Impossible de savoir exactement en quoi consistent ces négociations et les positions qu’y défend effectivement la Commission européenne. Les réunions de compte-rendu prévues par la Commission pour informer le Parlement européen sont des mascarades de démocratie comme l’a souligné Jean-Luc Mélenchon dans une nouvelle question posée à la Commission européenne le 26 septembre. Non seulement ces compte-rendu sont réservés aux seuls députés membres de la commission du commerce du Parlement européen mais ils se font à huis clos en anglais sans traduction dans les langues officielles de l’Union, ni même dans les langues de travail de la Commission que sont le français et l’allemand.

Les lobbies US à l’offensive

Pendant l’été, de multiples lobbies mercantiles états-uniens se sont mis en mouvement et ont confirmé les dangers que nous avions déjà pointés avant le début des négociations. Un dirigeant de la Chambre de commerce des USA a ainsi expliqué que « le côté américain devrait expliquer clairement les dangers d’une régulation sociale, environnementale non nécessaire et du ’droit à réguler’ souhaité par le parlement européen ». Cette position des milieux d’affaire correspond à celle défendue par le gouvernement états-unien, à travers son département du Commerce (USTR), grand ordonnateur des négociations. Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz a ainsi expliqué au début de l’été que « le bureau de l’USTR, qui représente les intérêts des entreprises, poussera presque sûrement pour le plus petit commun dénominateur, incitant un nivellement vers le bas plutôt que vers le haut. » Cela est attesté par les positions officielles du Département du Commerce dans de nombreux domaines comme l’agriculture. Un rapport de cet organisme affirme ainsi que « les mesures [européennes] relatives à l’importation et l’utilisation des produits génétiquement modifiés constituent des obstacles majeurs au commerce. » L’ONG les Amis de la Terre a aussi alerté sur l’activisme des lobbies de l’industrie chimique états-uniens : « L’accord de libre-échange transatlantique va donner aux industries de produits chimiques et autres firmes multinationales l’arme ultime pour détruire les progrès que nous avons réalisés dans l’UE et dans différents États des États-Unis pour protéger la santé humaine et l’environnement des produits toxiques. »

Renoncements

Face à cette puissante offensive du capitalisme états-unien, non seulement la Commission ne résiste pas mais elle a commencé à céder du terrain pendant l’été. Tout en faisant mine de résister sur l’interdiction du bœuf aux hormones en Europe, le Commissaire européen au Commerce Karel de Gucht a par exemple cédé dès la première session de négociation en juillet sur le poulet lavé au chlore. En parfait libéral, il a cyniquement expliqué sa position : « on pourrait laisser le choix aux Européens, via des systèmes d’étiquetage clair. Ne diabolisons pas [le poulet lavé à l’eau de javel]. Moi je fais confiance aux consommateurs. Par exemple, si j’achète un poulet, je prendrais évidemment un poulet de Bresse. » Grâce à la Commission européenne et si cet accord n’est pas stoppé, des poulets low cost à la javel déferleront donc demain sur les marchés européens en aggravant les difficultés de toute la filière européenne des volailles, déjà en crise aujourd’hui.

Résister au désastre

Ce renoncement n’est que le premier d’une longue liste qui suivra lors des prochaines sessions de négociation si la Commission européenne n’est pas arrêtée. Un mémo sur le site de la Commission explique ainsi que « dans les relations commerciales transatlantiques actuelles, l’obstacle au commerce le plus important n’est pas le droit acquitté en douane, mais bien les entraves au commerce «au-delà de la frontière», telles que, par exemple, les différentes normes de sécurité ou environnementales applicables aux voitures. » En application de cette logique, le bilan des négociations ne peut être que désastreux pour les peuples, comme l’a souligné au début de l’été le prix Nobel Joseph Stiglitz : « La probabilité que ce qui ressortira des discussions à venir puisse servir les intérêts des Américains ordinaires est faible ; les perspectives pour les citoyens ordinaires des autres pays sont encore plus sombres. »

La résistance des peuples est donc plus que jamais à l’ordre du jour pour empêcher ce désastre. Elle passe par l’information citoyenne active sur un projet que les médias dominants passent largement sous silence. Et par la sanction aux élections européennes des gouvernements et des partis, de droite comme sociaux-démocrates, qui ont construit ce monstre.

 

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