Vote du SDRIF 2013 • Explication de vote
Le Conseil régional a adopté vendredi 18 octobre, en séance plénière, le nouveau Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF). Pour les non initiés, ce schéma acte le projet/la vision de la collectivité régionale pour l’aménagement du territoire à l’échelle régionale à l’horizon 2030.
C’est l’aboutissement de 10 ans de labeur. Pour les groupes politiques qui ont voté « pour », c’est l’impression d’un travail enfin achevé. En effet, le précédent projet de Schéma directeur, voté en 2008, avait subit le « veto » gouvernemental d’une droite décomplexée, alors au pouvoir. Nicolas Sarkozy avait fait, en imposant sa loi du Grand Paris, main basse sur l’aménagement de la Région au service d’une vision libérale !
Ainsi le SDRIF, voté ce 18 octobre 2013, résulte donc d’un blocage du projet voté en 2008, mais aussi des choix assumés par Jean-Paul Huchon. Celui-ci partage en grande partie cette vision de l’aménagement si chère au Président des riches, centré sur les « pôles de compétitivité » censés être les « moteurs du développement économique ». Ainsi la concurrence entre les territoires est devenu un des trois piliers du SDRIF alors que l’urgence sociale et écologique devait nous amener à repenser les solidarités sociales et territoriales, à repenser l’aménagement en partant des besoins des franciliens.
Reconnaissons aussi que le projet porté par le Président de Région, qui vise à faire de notre collectivité un instrument au service de la valorisation du capital, est largement partagé par le gouvernement. En atteste la future loi de décentralisation qui va parachever le projet du Grand Paris avec la création d’une métropole comprenant Paris, les départements de la petite couronne (92, 93 et 94), leurs 125 communes et leurs 6 millions d’habitants. Que va faire la métropole de Paris (c’est son nom) de ses nouvelles prérogatives ? Comment le SDRIF sera-t-il exécuté par cette structure qui aura le loisir de faire ce qu’elle veut et ce d’autant plus facilement que le mode de désignation de ses membres et son mode de fonctionnement empêche tout contrôle citoyen ?
Quand au SDRIF lui-même, si nous pouvons approuver deux des principes énoncés : « agir pour une Île-de-France plus solidaire », et « la nécessaire transition écologique », le fait d’introduire comme pilier « la compétitivité internationale » et, dans la mise en œuvre, de tout centrer sur « les territoires d’excellence», revient à faire le contraire de ce qui est énoncé.
En fait le nouveau SDRIF, risque, s’il est appliqué en l’état, d’approfondir les déséquilibres territoriaux entre les territoires d’excellences et les autres ; entre zone dense et zones rurales et périurbaines ; entre les territoires qui auront droits aux financements publics et les autres. De plus en validant les grands projets d’aménagements de l’ère Sarkozy, cela aura pour conséquence la disparition des terres agricoles les plus fertiles de l’Ile de France. Sans compter que le SDRIF semble s’être contenté d’empiler l’ensemble des projets des collectivités territoriales sans interroger ni leur utilité sociale, ni leur utilité écologique. Bref alors que depuis près de 30 ans l’évolution du capitalisme a provoqué une considérable augmentation des inégalités – tout particulièrement marqués dans notre région pourtant la plus « riche de France » – le SDRIF ratifie des choix qui ont été déterminés PAR et POUR les acteurs économiques, bancaires et financiers, et non pour le bien-être de la population francilienne !
Pour preuve l’expression « relocalisation des activités », terme central de la lutte contre les délocalisations et au service d’un rééquilibrage territorial, n’apparaît que rarement dans un SDRIF vantant, lui très largement la compétitivité. Pire lors de la séance, le nombre de ces occurrences a encore été réduit. Comme s’il s’agissait d’enterrer au plus vite les quelques notions proposant un « mieux-vivre » et un aménagement durable à la fois soutenable économiquement, socialement. Confirmation que le SDRIF n’ose aucune rupture franche et concrète avec le capitalisme néolibéral et son mode de développement d’accumulation illimitée des marchandises qui auront parcourues des milliers de kilomètres. Le texte du SDRIF dissimule encore moins dans sa version finale son incapacité à répondre à la crise sociale.
Pour preuve, encore, l’objectif de réduction de gaz à effet de serre, un des engagements majeurs du SDRIF, a été modifié dans le flot des « améliorations » soumises au vote pour rien de moins qu’exonérer le trafic aérien d’obligation de réduction des émissions de GES. Décidément les habits verts du SDRIF ne répondent pas à l’urgence écologique.
Le SDRIF affiche sa volonté de lutter contre la crise du logement. Et la critique de la spécialisation des territoires et de la spéculation foncière donne lieu à l’annonce d’objectif ambitieux : construction de 70.000 logements et 25% de logements sociaux. Le problème, c’est que ces objectifs ne seront pas efficaces pour lutter contre l’éviction des ouvriers et des employés des centres urbains. D’abord parce que 25 % de logements sociaux ne suffissent pas quand on sait que les classes populaires représentent 40 % de la population des ménages dans notre région. Ensuite parce que dans les centres urbains notamment, mais pas seulement, on construit surtout des logements PLS alors que seuls 5 % des demandeurs répondent aux plafonds de ressources demandés. Ainsi le SDRIF ne rompt pas mais « accompagne » la contrainte qui est faite à de plus en plus de ménages d’accepter de se loger de plus en plus loin, jusqu’aux franges de l’île de France. En définitif, le SDRIF permet surtout de sécuriser les futurs aménageurs qui alimenteront la spéculation immobilière.
La solution à l’éloignement domicile/travail consiste, dans le SDRIF, à promouvoir les nouvelles lignes du métro automatique, variante du projet du grand Paris-express. Et effectivement les besoins en transports en commun sont réels vu l’état de saturation du réseau existant. Mais cette réponse, le nouveau métro automatique, sonne un peu comme une réponse miracle (vous arriverez enfin à l’heure) alors qu’il faudrait, selon nous interroger le modèle qui contraint des millions de personnes à passer des heures, chaque jours soit dans les bouchons, soit dans les transports en commun, ou les deux… Le nouveau métro automatique ne réduira pas le temps passé dans les transports, car rien n’est dit de la question centrale des distances : en ne faisant pas de la relocalisation des activités par bassins de vie, le point central du futur aménagement de notre région, le nouveau SDRIF ne propose pas autre chose que « d’accompagner » là encore la logique libérale, qui trouve normal d’organiser chaque jour une véritable transhumance de plusieurs millions de salariés, d’un bout à l’autre de l’île de France.
En définitive, l’« équilibre » entre principes affichés et acceptations de grands projets inutiles socialement et dangereux écologiquement font du SDRIF 2013 d’abord un projet en deçà de celui de 2008 ; ensuite en intégrant les objectifs du Grand Paris, projet Sarkozyste, projet libéral, c’est le projet initial qui affirmait quelques ruptures qui a été dénaturé. C’est la raison de notre opposition à ce SDRIF version 2013.
C’est pourquoi notre groupe a déposé de nombreux amendements dont ceux pour demander de remettre en cause les Grands projets inutiles et imposés que sont l’aménagement du plateau de Saclay et du triangle de Gonesse. Sur ces territoires, le SDRIF prévoit d’urbaniser les meilleures terres agricoles de la Région pour construire un centre de recherche de niveau mondial (en déplaçant au milieu de nul part des structures universitaires et de recherche qui existent déjà) et l’un des plus grand centre de consommation et de loisir d’Europe. Nous ne pouvons que regretter que ces amendements aient été rejetés par l’ensemble des groupes de l’Assemblée, alors que certains sont à nos côtés localement pour dénoncer leur absurdité.
Nous avons au moins obtenus que les élus, les associations et les citoyens soient associés aux évaluations de la mise en œuvre du SDRIF. Reste un vrai regret qui sonne aussi comme un signal, c’est la faiblesse de la participation citoyenne à l’enquête publique. Si nous souhaitons remercier l’ensemble des associations et citoyens qui se sont investis dans ce débat, nous ne pouvons que constater que les conditions (réduction très importante des lieux d’enquêtes, peu de réunions publiques, etc. ) n’ont pas été réunies pour créer un véritable débat avec les Franciliens, un moment d’implication citoyenne à la hauteur des enjeux du SDRIF.
Comme élu-e-s, comme citoyens, nous avons utilisés tous les temps du débat pour aborder des sujets qui ne font pas « consensus », pour proposer d’engager quelques ruptures. A l’heure des votes, certains nous ont expliqué qu’il faut savoir se satisfaire ce compromis vu les rapports de force, qu’ils ont obtenu gains de cause sur tel ou tel point. Nous aurions sans doute pu croire à cette version optimiste si avait été soumis au vote l’esprit et la lettre du projet de SDRIF de 2008 parce qu’il osait quelques ruptures. Nous aurions sans doute pu croire à cette version optimiste si ces « arbitrages » n’avaient eu lieu loin des regards des citoyens… Nous aurions pu… mais justement parce que nous ne nous résignons pas au fatalisme de l’ordre néolibéral le groupe Front de gauche – Parti de Gauche et Alternatifs a voté contre le SDRIF.