L’heure est à la gravity
Il y a celles et ceux qui ont vu ou iront voir le film « Gravity ». Et il y a celles et ceux qui n’iront pas. A gauche pour de vrai !, nous faisons partis de cette première catégorie de personnes. D’une part parce que nous ne manquons jamais un « Sapce Opera », même le pire. Même un nanar spatial et on plonge. Ensuite parce que le bouche à oreille d’un ami est magnifiquement sorti de sa bouche, profondément entré dans notre oreille. Alors nous y sommes allés, alors nous avons vu un grand film. Et parce que nous sommes A gauche pour de vrai !, parce que nous sommes convaincus que le fait politique est partout, de la plus petite des décisions à la plus grande, nous y avons vu un film d’une rare intensité politique
.Nous avons vu un film farouchement écologique. Ces plans de la terre vue de l’espace font comprendre quelle est la chance de voir rassemblées sur une même petite sphère les conditions qui permettent la vie. L’espace lui, est froid ou horriblement chaud, plein de vide, plein de rien, plein d’hostilité à la vie. Nous avons vu comment les centaines, les milliers de satellites envoyés en l’air pour satisfaire notre consommation, notre soif toujours plus grande de consumérisme, s’agglutinent à 300 kms au dessus de nos têtes. Nous avons vu comment ils deviennent obsolètes, comment on les abandonne, en faisant des déchets en errance. Tout comme nous avons vu ce tir de missile abattre l’un deux pour qu’il ne tombe pas au mains d’une nation concurrente. Nous avons vu comment d’un déchet de plus transformé en centaines, puis en milliers, à la faveurs d’une réaction en chaîne incontrôlée, la catastrophe se produit, une catastrophe qui détruit aussi bien les matériels que les hommes et les femmes.
Alors nous avons vu comment l’absence de lois, l’absence de contrainte, l’absence de gravité empêchent des êtres, petits, fragiles, dans un espace si vaste et antagoniste à l’humain de vivre, comment ces absences conduisent à la mort devant une crise catastrophique. Les milliers de débris « déchets » fracassent une navette comme des milliers de spéculateurs fracassent une économie, et voilà des femmes et des hommes qui meurent parce qu’il ne peuvent rien, individuellement, face à l’ampleur d’une telle catastrophe, d’une telle crise. Ils explosent littéralement ou se font transpercer par ces débris devenus projectiles. Et les deux survivants non transpercés par la menace déchaînée dérivent sans pouvoir trouver la moindre prise à laquelle se raccrocher, se stabiliser et souffler un peu. Car dans leur dérive folle, dans leur chute sans fin, ils s’affolent, brûlent leur oxygène, comme des millions d’autres brûlent leurs économies sans pouvoir s’accrocher à un emploi qu’ils perdent, à un code du travail qui les protège, une retraite qui les sécurise.
Et puis nous avons vu la solidarité se mettre à l’œuvre. L’un est mieux équipé que l’autre. Sa chance d’une richesse supérieure il ne l’a conserve pas pour lui même. Il a pourtant tellement plus d’expérience de l’espace froid et hostile. Sa richesse, son expérience, il décide de les partager et d’aller sauver celle moins équipées, moins expérimentée. Il rejoint donc l’autre rescapé, s’y attache et ensemble, à deux, et non dans l’individualisme, ils vont chercher à comprendre, à s’adapter et à survivre. Seuls, ils le savent en vérité, ils n’ont aucune chance.
Nous avons vu l’internationalisme s’activer et devenir le radeau de sauvetage de cette solidarité. La navette américaine est détruite. Qu’importe, ils iront, ensemble, sur la station internationale s’abriter dans un module Soyouz russe. Puis, de là, après avoir repris des forces et se nourrir de l’expérience de l’autre, ils gagneront la station chinoise qui les ramènera à la maison sains et saufs. Mais l’espace résiste et persiste dans son hostilité, comme les marchés résistent et persistent dans leur hostilité. L’un d’eux meurent, l’un d’eux survit à force de chercher et trouver cette accroche, cette loi qui contraint et qui lui permet de s’arrimer, de ne plus dériver sans loi et sans pesanteur.
Le film féministe s’est alors révélé. Le survivant, celui qui deviendra le héros de cette saga n’est pas l’homme mais la femme survivante. La voilà faire aussi bien souvent, aussi mal parfois, que les hommes. Dans cette jungle hostile qu’est l’espace, elle n’est pas moins armée, elle n’est pas moins utile, elle n’est pas moins forte. Face à la mort, comme face à la vie, elle se comportera en être humain, sans distinction de sexe, aucune.
Sa lutte contre un univers rendu encore plus hostile par l’action mercantile de l’homme, son union avec un partageur de richesses et d’expériences, son recours à la création de l’autre même étranger, finiront par la ramener à la maison, sur la terre. Dans un dernier effort, elle sortira de l’eau, rampera sur la berge d’une mer tiède, fera tellement d’efforts pour se redresser, gravité retrouvée plutôt qu’une course au vide, oblige. Mais elle sera fière de sa lutte. Elle sera debout!