« Surmenage sur le ménage ! »

C’est ainsi que des salariés de la société Isor, chargés du nettoyage à l’hôpital Saint-Jean de Perpignan, justifient la grève entamée lundi matin. Un acte courageux qui doit faire écho tant la situation est lourde de sens tant sur le plan social qu’humain.

PG66_menage-1.jpg A l’hôpital Saint-Jean de Perpignan, ils sont une vingtaine de salariés à former l’équipe du matin, en grande majorité des femmes, chargée du nettoyage des bureaux de consultation, chambres et lieux communs de l’hôpital. Depuis lundi matin, ils sont 16 à avoir entamé une grève qui sera reconduite tant que leurs revendications n’auront pas été satisfaites. Revalorisation des salaires pour respecter le code du travail et la convention collective, amélioration des conditions de travail, formation : rien d’exagéré, loin de là, juste le strict minimum. En fait, cela fait longtemps qu’elles auraient pu se mettre en lutte. Mais quand on n’a qu’un contrat précaire, une petite paye, on a peur de perdre le peu qu’on a. Aujourd’hui, devant l’intensification des pressions qu’elles subissent de la part de leur direction, elles ont décidé de réagir.

Soutenus au départ par l’UD CGT 66 et les UL CGT de Toulouse Sud et de Perpignan Nord, les salariés d’Isor sont bien décidés à se faire entendre. Dès le début de la grève, Yves Gauby, secrétaire général de l’Union locale CGT Perpignan Nord, est venu pour les aider dans le processus de négociation. Très vite, des militants de la CGT Santé de l’hôpital Saint-Jean, Emmanuel Caron en tête, se sont investis aussi. Des infirmières, conscientes de la situation, sont également venues les encourager car, comme elles l’affirment fort justement, le rôle du personnel de ménage en milieu hospitalier est crucial en termes de santé publique. Le combat de ces salariés est bien sûr le combat de tous les travailleurs précaires, mais il est renforcé par le danger sanitaire que provoque l’attitude de la direction d’Isor à l’égard de ses salariés : pressions insupportables, harcèlement moral, mépris des droits des travailleurs et des normes d’hygiène… Nous, le Parti de Gauche, devions absolument tenter de les aider. Nous sommes donc allés à leur rencontre, pour les écouter, comprendre et relayer leur lutte.

L’équipe du matin embauche à 5h. Avant de commencer le ménage, il faut enfiler la tenue règlementaire et préparer le chariot. Des tâches qui prennent déjà près de 25 minutes. 25 minutes qui ne sont pas comptées dans le temps de travail, donc pas rémunérées. En fin de service, c’est la même chose. Près de 20 minutes pour se changer et ranger, toujours non rémunérées. Ce qui est compté, c’est donc uniquement le ménage : 3 minutes 30 pour nettoyer un bureau de consultation, 10 minutes pour une chambre, voilà les cadences infernales auxquelles les salariés d’Isor sont soumis. Et si jamais tout n’est pas nickel ou que l’une ou l’un ose parler, alors les lettres d’avertissement pleuvent, promettant de lourdes sanctions disciplinaires.
Dans les dizaines de lettres qui nous ont été montrées figure toujours la même rengaine : « nous constatons malheureusement un grand laxisme de votre part et un réel manque de respect des consignes ». Peu importe à la direction de ne pas respecter le droit du travail. Les salariés d’Isor sont engagés au plus bas des échelons (AS1), à 9,61 euros de l’heure, en très grande majorité à temps partiel, entre 3 et 5 heures par jour. Trois mois après l’embauche, la convention collective prévoit une première promotion (AS2). Une deuxième (AS3) devrait aussi être accordée du fait que le travail s’effectue en milieu sensible (milieu hospitalier). Passer de AS1 à AS3, personne n’en a bénéficié. Pourtant, cela ne coûterait pas cher à la direction d’Isor, seulement 9 centimes de l’heure !

PG66_menage-2.jpg Non, la direction d’Isor préfère au contraire accélérer toujours les cadences. Il y a 4 ans, il fallait nettoyer 7 bureaux par heure, aujourd’hui c’est 14 !!! Et si une salariée se plaint, alors on lui envoie l’une de ces fameuses lettres. « Si tu n’es pas contente, dégage ! Il y a des tas de chômeurs qui peuvent prendre ta place… », voilà le discours qu’on leur fait entendre, voilà pourquoi certaines ont attendu des années pour se mettre en grève, par peur de perdre leur emploi. La plus ancienne des salariées est en poste depuis 7 ans. Il y a quelques semaines, la direction lui a proposé un licenciement dans le cadre d’une procédure si fumeuse qu’elle n’aurait pas reçu d’indemnités. Tout était magouillé d’avance pour que son départ passe pour un abandon de poste… Insupportable. Si insupportable qu’elle est tombée en dépression.

En plus du scandale social se noue un scandale sanitaire. Quand on laisse si peu de temps pour nettoyer un bureau ou une chambre, comment assurer l’hygiène indispensable que nécessite un hôpital ? Et ce n’est pas tout ! Les tenues devraient être lavées par Isor, afin d’assurer qu’elles soient stériles. Ce point n’est pas respecté par la direction qui impose à ses salariés de les laver eux-mêmes chez eux, au risque de transférer les microbes entre le domicile et l’hôpital. Qu’on se rassure, les salariés bénéficient ainsi d’une indemnité royale de 23 centimes par mois ! Isor ne fait donc pas qu’exploiter ses salariés, elle met également en danger les patients. Isor prend tout de même en charge le nettoyage des chiffons et autres serpillères. Mais là encore, le mépris des normes d’hygiène est révoltant : le lavage s’effectue à 30°, très loin des 95° qu’il faudrait pour stériliser ce linge.

On pourrait encore ajouter que les remplaçants ne bénéficient d’aucune formation alors, on le rappelle, qu’ils évoluent en milieu sensible, souvent pour la première fois. Ajouter aussi que les heures de travail de nuit (avant 6 heures du matin) ne sont pas rémunérées comme telles.

Hier matin, donc, commençait la grève. Avant de démarrer les discussions, la direction a appelé des salariés de l’équipe de l’après-midi, afin qu’ils remplacent les grévistes. Là encore, Isor a enfreint le cadre légal car ce type de pratique constitue une entrave au droit de grève. Mépris de ses salariés, mépris de la santé publique, mépris de la Loi : la direction d’Isor est dans l’épouvantable air du temps, celui qui considère que le bénéfice net est plus important que l’Humain. Nous, Parti de Gauche, lui adressons ce message : nous constatons malheureusement un grand laxisme de votre part et un réel manque de respect de la condition humaine.

Commentaires

Les Commentaires sont clos.