Sociaux-libéraux, droite européenne : Alliés permanents
Le Parti social-démocrate allemand (SPD) s’apprête à gouverner de nouveau avec la CDU d’Angela Merkel. Le 20 octobre dernier, la direction nationale du SPD a officiellement accepté le principe d’un tel gouvernement à une majorité écrasante : 85%. Jusqu’ici, le SPD n’avait officiellement ouvert que des « discussions » générales avec la CDU. Un pas a donc été franchi avec l’ouverture de « négociations » portant aussi bien sur le programme de la coalition que sur le partage des ministères. Le président du SPD Sigmar Gabriel a promis un référendum militant pour approuver le résultat des négociations avec Angela Merkel mais l’orientation est claire. Il a ainsi déclaré : « Nous voulons commencer des négociations en vue d’une coalition et nous accrocher à l’objectif de les mener à bien». Il a même précisé que son objectif est de « de rendre possible la formation du gouvernement avant Noël».
Cette attitude est la conséquence logique de l’orientation politique du SPD. Au Bundestag, le parlement allemand, il existe potentiellement une autre majorité que l’alliance avec Merkel. En effet, le SPD, les Verts et Die Linke détiennent 320 sièges sur les 630 que compte la chambre basse. Bien sûr, cette majorité est faible et elle supposerait que le SPD renonce à son orientation sociale-libérale. Mais elle existe. Si Angela Merkel est donc réélue chancelière d’Allemagne d’ici Noël, ce sera la responsabilité pleine et entière du SPD, allié de François Hollande.
Sur le fond, la future coalition SPD-CDU est un secret de polichinelle. Le SPD a toujours exclu de gouverner avec Die Linke et même avec son seul appui au moment de la formation du gouvernement. Le SPD partage la même orientation que la droite allemande. C’est vrai depuis plus d’une décennie et les réformes néolibérales de Gerhard Schröder au début des années 2000.
Malgré la défaite électorale et la percée de Die Linke en 2005, le SPD a poursuivi dans la même voie. En 2005, il a préféré s’allier avec la droite, portant Angela Merkel au pouvoir, qu’avec les Verts et Die Linke alors qu’une telle majorité existait déjà. Les quatre années de cette première grande coalition se sont soldées par une politique libérale d’une rare violence : report de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans, hausse de la TVA de 16% à 19%, poursuite de l’Agenda 2010 de Schröder, nouvelle baisse de l’impôt sur les sociétés etc. Le SPD a été lourdement sanctionné en 2009, en obtenant seulement 23% des voix, son plus mauvais score depuis 1945.
Il n’a retenu aucune leçon. Cette année, après quatre ans dans « l’opposition », son candidat à la chancellerie Peer Steinbrück, était l’ancien ministre des finances d’Angela Merkel, celui-là même qui avait augmenté la TVA. Les électeurs ne sont s’y sont pas trompés en lui donnant en 2013, un score sensiblement identique à celui de 2009 (25,7% contre 23%, deuxième plus mauvais score depuis 1945).
Alliés dans 13 pays sur 28
L’alliance du SPD avec Merkel est donc logique. Elle est à l’image de l’alliance de toute la social-démocratie européenne avec la droite en Europe. En France comme en Allemagne les traités européens sont votés en chœur par les sociaux-libéraux et la droite. L’alliance de la droite et des sociaux-libéraux est une des manières qu’a trouvées l’oligarchie pour continuer à dominer les peuples européens, et poursuivre à marche forcée l’austérité. C’est la roue de secours quand l’escroquerie des soi-disant gouvernements « techniques » comme en Italie autour de Mario Monti ne prend plus et quand la fausse alternance cachant la vraie continuité, comme en France, Espagne ou au Portugal, ne suffit plus. Quand ce n’est pas suffisant, les deux camps s’allient pour appliquer ensemble l’austérité en contournant le jugement du peuple. C’est le cas en Grèce où depuis juin dernier le parti socialiste PASOK gouverne avec le parti de droite Nouvelle Démocratie, après l’avoir soutenu depuis deux ans et même longtemps gouverné avec le Laos, parti d’extrême-droite. C’est aussi le cas en Italie ou depuis la défaite de Mario Monti, le Parti Démocrate de centre-gauche gouverne avec le Peuple de la Liberté berlusconien.
Aujourd’hui dans l’Union européenne, on compte pas moins de 11 gouvernements alliant sociaux-libéraux et droite. Dans cinq pays, le PS dirige le gouvernement avec l’aide de la droite : Italie, Belgique, Danemark, Bulgarie, Croatie. Dans six autres pays, les sociaux-libéraux aident un premier ministre de droite à gouverner : Grèce, Irlande, Finlande, Pays-Bas, Slovénie, Luxembourg. Le total devrait monter à 13 pays sur 28 puisque des grandes coalitions de ce type doivent être finalisées dans les prochaines semaines en Allemagne et en Autriche. A la fin de l’année, c’est donc la moitié des pays de l’Union européenne qui sera gouvernée par une alliance de la prétendue gauche et de la vraie droite.
Si on ajoute les cinq pays où les sociaux-libéraux dirigent un gouvernement seuls ou avec des alliés de gauche, comme en France, François Hollande et ses alliés sont donc au pouvoir dans 16 pays sur 28 et demain dans 18 pays sur 28 ! Qu’attendent-ils pour « réorienter l’Europe » comme ils le promettent ? En fait, ils ne servent à rien de bon. Juste à être la roue de secours de la droite européenne.
Encadré 1 : Schulz : la capitulation de Hollande
Mardi 8 octobre, le Bureau national du PS français, « sur proposition du premier secrétaire Harlem Désir », a apporté en catimini son soutien au social-démocrate allemand Martin Schulz pour être le candidat du Parti Socialiste Européen à la présidence de la Commission européenne dans le cadre des élections de 2014. Ce vote en dit long. Le PS français ne présente aucun candidat. Et le candidat qu’il soutient est le symbole de la cogestion de l’UE avec la droite. Premièrement, Martin Schulz est président du Parlement européen depuis 2012 en vertu d’un accord de partage des postes à mi-mandat passé en 2009 avec la droite (le Parti populaire européen). Deuxièmement, le PS français soutient un dirigeant du SPD allemand au moment où celui-ci va s’allier avec Merkel !
Encadré 2 : « Stop Barroso », l’arnaque
Le PS veut aussi faire croire qu’il s’oppose à la droite européenne. Il multiplie les critiques contre José Manuel Barroso. Quelle hypocrisie ! Il cherche à masquer sa complaisance à l’égard de Barroso depuis dix ans. Déjà lors des européennes de 2009, le PS faisait campagne avec le slogan « Stop Barroso ». Pourtant, en 2004 et en 2009, Barroso n’a pu être désigné qu’avec l’aval des gouvernements sociaux-libéraux puisque c’est le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement qui propose le nom du président de la Commission. Ainsi, en 2009, pas moins de sept gouvernements sociaux-libéraux – alliés du PS – ont donné leur accord à la reconduction de Barroso ! La Commission Barroso 1 et la Commission Barroso 2 n’ont pu être constituées que grâce à l’accord entre le Parti Populaire Européen (droite) et le PSE. Entre 2004 et 2009, la Commission Barroso 1 comptait six commissaires membres du PSE. Depuis 2009, la Commission Barroso compte encore trois commissaires du PSE. Le 9 février 2010, les députés européens du PSE ont voté pour l’investiture de la Commission à la quasi-unanimité, avec la droite européenne ! Certes, les 13 députés européens du PS français ont voté contre cette investiture. Mais que vaut leur parole au milieu d’un groupe de près de 200 députés qui ont tous voté pour ? Rien.