Vinci, SNCM : le double jeu de la Commission européenne

2009_NGV_SNCM_1.jpg
Crédit photo photosdegauche.fr (michel_soudais)

Marie Batoux et Corinne Morel Darleux, du Parti de gauche, soulignent l’incohérence, selon elles, des décisions prises à Bruxelles, qui autorise l’Etat français à aider la filiale du groupe Vinci en charge de Notre-Dame-des Landes, mais pas la SNCM, qui assure le service public de transport entre la Corse et le continent.

A Bruxelles, la concurrence est libre et non faussée… Enfin, ça dépend des fois. C’est ainsi qu’on apprend que la Commission européenne vient d’autoriser l’État français à verser 150 millions d’euros à la filiale de Vinci en charge de la réalisation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et dans le même temps qu’elle réclame en tout 440 millions d’euros à la SNCM pour remboursement d’aides du même État.

Voilà qui a de quoi étonner. D’un côté, le groupe Vinci, qui en 2011 affichait 1,9 milliard de résultat net. De l’autre, la SNCM, compagnie d’utilité publique, dont le chiffre d’affaires annuel n’atteint pas le seuil des 440 millions que lui réclame aujourd’hui la Commission européenne !

Pour que la SNCM redevienne un service public, il faut désobéir à l’Union

Celle-ci s’appuie, pour réclamer cette somme à la SNCM, sur la requalification en aides d’État de la recapitalisation au moment de la vente. La Commission européenne justifie ainsi la décision : « Les interventions des pouvoirs publics en faveur d’entreprises peuvent être considérées comme ne constituant pas des aides d’État au sens des règles de l’UE dès lors qu’elles sont effectuées à des conditions qu’un opérateur privé guidé par les critères du marché aurait acceptées (principe dit de l’investisseur en économie de marché) ». Mais quel opérateur privé dans un système capitaliste privilégie la continuité de service public plutôt que ses profits ? Les salariés en lutte, qui se font traiter de « mafieux » pour vouloir maintenir les traversées et l’emploi, le savent : la Corse n’est pas qu’une destination touristique ! 300 000 personnes y vivent, et plus du quart des natifs corses vivent sur le continent. Tous se déplacent toute l’année entre PACA et la Corse. Toutes et tous sont nos concitoyens et vivent sur le territoire de la République française. Ils ont droit à la mobilité et à la continuité d’un service public des transports ! Seulement voilà, en période « basse », cela est bien moins lucratif. Alors qui va prendre en charge des traversées nécessaires mais peu, voire pas rentables ? Pas le concurrent direct Corsica ferries, c’est certain. Il serait plus que temps de revenir à un véritable service public de transport entre la Corse et le continent.

Ce qui de fait n’est pas tout à fait le cas : l’attaque de la Commission européenne s’inscrit en réalité dans un contexte de délégation de service public attribuée en septembre à la SNCM. Rappelons que le capital de la SNCM a été ouvert au privé par le gouvernement de Villepin, permettant ainsi à Veolia, numéro un mondial de l’eau et des déchets de devenir actionnaire indirect de la SNCM par l’intermédiaire de Transdev, sa co-entreprise avec la Caisse des Dépôts, qui détient 66 % du capital. On est donc loin d’un monopole de service public. Pourtant, la Commission européenne se montre beaucoup moins sourcilleuse quand il s’agit des 150 millions d’euros perçus par Corsica ferries de la part de l’Etat français par le biais de l’aide au passager. C’est d’ailleurs ce groupe, écarté de la délégation de service public, qui avait déjà saisi la justice européenne en 2007.

Corsica Ferries bénéficie pourtant déjà d’un « avantage concurrentiel » grâce à la mise en concurrence entre travailleurs organisée par l’Union européenne, qui permet aux compagnies low-cost de faire du dumping social. Quand une compagnie maritime peut choisir le registre de son pavillon, la Commission lui permet en réalité de respecter ou non le droit du travail français. Démarche singulière qui permet à des opérateurs privés de contourner les lois françaises pour assurer une traversée d’un port français à un autre port français. En choisissant un pavillon de régime international, une compagnie peut ainsi recruter un personnel qui ne parle pas la même langue, ne pas respecter le salaire minimum défini par la loi française et les droits des travailleurs.

Il faut donc changer ces règles européennes, ou leur désobéir. Le ministre Cuvillier l’avait promis à sa dernière visite à Marseille, il ne laisserait pas couler la SNCM. Il est temps de passer du double discours aux actes clairs. … lire la suite sur Mediapart

Commentaires

Les Commentaires sont clos.