Snowden : l’exemplaire refus d’un monde

Snowden

Hollywood raffole de ces histoires dans lesquelles un héros solitaire sauve le monde. Le succès planétaire sera sans doute assuré quand Johnny Depp ou un autre acteur « bankable » endossera le rôle d’Edward Snowden. Mais dans la réalité vraie, le jeune informaticien vit quelque part en Russie où il a trouvé un accueil provisoire, à la merci d’un Poutine qui le sacrifiera s’il y voit l’intérêt national. En France, malgré la protestation du Front de Gauche par la voix de Jean-Luc Mélenchon, personne ne s’est vraiment ému de la situation. Les « experts » médiatiques ont plutôt tenté de déminer la situation en prétextant que « tout le monde faisait pareil ».

Pareil ? La réalité sidérante révélée au début de l’été par Edward Snowden fait pourtant paraître comme aimables les cauchemars du 1984 d’Orwell mais l’occasion est belle de rajouter une couche au fatalisme démobilisateur. Il faut laisser ce jeune Américain rêveur à ses utopies. « Je ne peux pas en mon âme et conscience laisser le gouvernement américain détruire la vie privée, la liberté d’Internet et les libertés essentielles des gens du monde », a dit le naïf, pour justifier son action.

L’espionnage et le profilage des citoyens de la planète, des militants aux industriels, l’interception et le stockage des communications téléphoniques et des mails (97 milliards de données collectées pour le seul mois de mars 2013), y compris ceux des dirigeants d’Etats pourtant alliés semblent compter pour rien. L’administration Obama poursuit la ligne Bush et aurait tort de se gêner. Hollande a fini par la jouer martial : « Nous demandons que cela cesse immédiatement. » Merkel tergiverse avec la proposition de Snowden de témoigner en détail sur la surveillance dont son portable personnel a fait l’objet. Mais tout ceci reste dans la posture et aucun gouvernement européen ne veut se compromettre avec l’homme traqué et l’accueillir. Il y va entre autres des négociations du grand marché transatlantique qui se poursuivent dans le plus grand secret… pour les peuples.

Si le président social-démocrate allemand du parlement de Strasbourg, Martin Schulz, n’a pu que plaider pour une suspension temporaire des négociations à la suite de ces révélations, Hollande en a écarté la menace : « Nous n’en sommes pas là. » Le commissaire européen au commerce, le Belge Karel de Gucht, le Cahuzac européen qui risque par ailleurs d’être suspendu pour fraude fiscale, a résumé la situation: « Il s’agit ici d’intérêts économiques. » On avait compris… Le sort de la démocratie, des libertés fondamentales, celui-là même d’Edward Snowden sont liés au nôtre et restent entre nos mains.

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