Où marchons-nous?

Manifrev

Crédit photo : Stéphane Burlot

En convoquant cette marche pour la révolution fiscale en trois semaines, nous n’étions pas sûrs de notre succès. Nous étions en revanche certains qu’une éventuelle réussite serait immédiatement contestée. J’invite ceux qui chipotent sur les 100 000 marcheurs du 1er décembre à organiser une manifestation en faveur de la politique fiscale du gouvernement. Qu’ils mettent sur leur banderole les slogans de Hollande : « le travail coûte trop cher », « 20 milliards pour le patronat, ça créera des emplois », « une seule solution, la compétitivité » ou un slogan plus direct, « cajolons les actionnaires, pas les salaires ». Nous comparerons ensuite les cortèges. Ce serait d’autant plus utile que la hausse de la TVA ne faisait pas partie des engagements de Hollande. Le candidat du PS avait promis-juré-craché le contraire. Que le pouvoir vérifie donc dans la rue si le peuple a changé d’avis, lui ! Hollande n’en fera rien bien sûr. Il s’en fiche. Peut-être tire-t-il même quelque vanité devant la commission de Bruxelles ou les agences de notation à mépriser ouvertement la volonté populaire. C’était déjà un symptôme du viol quotidien de la démocratie qu’il n’ait même pas cherché à nous faire les poches par un autre moyen qu’un flagrant parjure.

Les jours d’un pouvoir réduit à de tels coups de force sont plus sûrement comptés que les marcheurs ne l’ont été dimanche par le ministre de l’Intérieur. Sous l’apparente stabilité qu’impose la Cinquième République, l’édifice se désagrège. Nous connaissons notre histoire de France et de ses nombreuses révolutions. Les formes varient, mais les déclencheurs sont toujours les mêmes. Contrainte extérieure sur le pays, institutions paralysées, injustice fiscale : voilà ce qui en France précipita plusieurs régimes dans le fossé. L’actualité nous y renvoie à nouveau. Le reniement de Hollande sur la TVA est à la fois le signal que les désidératas de la Commission européenne l’emportent sur la volonté exprimée dans les urnes par le peuple français, la marque du pouvoir personnel arbitraire du président de la République, et le symbole de l’injustice d’un système fiscal devenu, comme la TVA, inversement progressif. C’est pourquoi il était si décisif que le Front de Gauche ouvre une large brèche vers la révolution fiscale, empêchant que ce triple scandale soit occulté par la taxation des patrons routiers.

Que veut le Front de Gauche ? Chacune de nos initiatives cherche à ouvrir une issue positive à la lente nécrose de notre République. Le 5 mai dernier, nous avons mobilisé pour la Sixième République, armés d’une stratégie éprouvée pour refonder les institutions, l’Assemblée Constituante. Le 30 septembre précédent, nous avons défilé contre le Traité budgétaire européen, dotés là encore d’une stratégie concrète, la désobéissance européenne pour sortir de l’Europe austéritaire. Dimanche dernier, nous avons porté nos propositions pour une révolution fiscale rétablissant un impôt progressif qui instaurera la justice fiscale et comblera les déficits publics. A chaque fois, il ne s’agit pas seulement de formuler des propositions mais de forger le front du peuple pour les porter. Chacune de nos marches est donc une marche vers le pouvoir. Car nous savons que ces objectifs passent par une révolution citoyenne. Ayrault cherche à la conjurer en promettant qu’il fera lui-même la remise à plat fiscale que nous réclamons. Il ne lui aura fallu que quelques jours pour qu’elle prenne le contenu d’une nouvelle série de cadeaux au patronat. Coup double : il admet la nécessité d’une révolution fiscale tout en montrant son incapacité à la réaliser. Ayrault ferait un bon Necker ! Décidément nous sommes en 1788.

François Delapierre
Secrétaire national du Parti de Gauche

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