Rythmes scolaires : L’école que nous voulons
Le Ministre de l’Education Nationale se heurte aujourd’hui à un rejet massif (enseignants, directeurs d’écoles, parents d’élèves, personnels territoriaux, maires) de son décret sur l’organisation du temps scolaires dans les écoles primaires. Organisant la territorialisation de l’Education, il s’attaque aux statuts de la fonction publique et accroit la précarité chez les professeurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Ministre explique à présent que son nouveau chantier est « la remise à plat » des missions et des statuts des enseignants. Au fond, sa réforme s’en prend à l’ensemble des fondements de l’école républicaine.
« L’instruction publique des enfants sera-t-elle d’obligation pour les parents ou les parents auront-ils seulement la faculté de profiter de ce bienfait national ? « A cette question posée en 1793 à la Convention, les représentants du peuple français avaient répondu : l’obligation scolaire. Elle fut rendue véritable par l’application des principes de gratuité, de laïcité et d’égalité. C’est à ces piliers de l’école de la République que le Ministre Vincent Peillon s’attaque aujourd’hui. Le décret sur les rythmes scolaires introduit en effet des ruptures majeures qui font voler en éclat le cadre républicain.
Rupture de l’égalité territoriale d’abord. Le décret Peillon est l’une des déclinaisons de la politique d’austérité mise en œuvre par le gouvernement Ayrault. Déchargeant l’Etat de missions qu’il devrait assumer en transférant son cout aux communes, la réforme des rythmes scolaires aggrave les inégalités entre les élèves des communes « riches » et des communes « pauvres ».
Rupture de l’égalité des contenus d’enseignements aussi. Au nom de l’aménagement du temps scolaire, la réforme Peillon organise la confusion entre le temps scolaires et le temps périscolaire. Elle instaure une éducation à géométrie variable. Ici des activités culturelles, là sportives, ailleurs des enfants laissés dans la cour, faute de moyen. Pourtant, l’ambition émancipatrice de l’école ne peut se résumer au triptyque « lire-écrire-compter ». L’éducation, c’est aussi l’accès à la culture et aux arts, qui doit être garanti à tous les enfants de la République. Ce décret entérine la réduction de la place de l’école dans l’éducation des enfants et la vision utilitariste de l’enseignement qui l’accompagne.
Le décret sur les rythmes scolaire met également à mal la laïcité. Car il ne suffit pas de proclamer dans une charte son attachement à ce principe. C’est concrètement que la laïcité doit être mise en œuvre dans toute son acception. La laïcité tient en effet à distance de l’école toute forme de prosélytisme, y compris le prosélytisme marchand. Or la loi Peillon organise l’irruption des firmes multinationales dans l’enceinte scolaire et par exemple Total prévoit déjà de débloquer un fonds de 16 millions d’euros pour « aider » à la mise en place du périscolaire. Dans le même temps, les établissements privés sont exonérés d’application de la réforme de par leur caractère propre.
Enfin, c’est le fondement même de l’école publique, la gratuité, qui est attaquée. Le décret Peillon autorise en effet les municipalités à rendre payant le périscolaire effectué sur les heures « libérées ». Le Ministre confronte les familles à un choix cornélien : soit vous payez, soit votre enfant est dans les rues une heure plus tôt.
En France, le lien entre école et République, entre école et droits sociaux, est indéfectible. Le Ministre Peillon poursuit dans le domaine scolaire ce que le gouvernement met en œuvre dans le pays avec l’ANI qui substitue le contrat à la loi, comme avec l’acte III de la décentralisation qui désorganise la République.
Car l’école n’est pas déconnectée du reste de la société. Et le rythme de l’enfant, celui de l’élève, ne peut se concevoir en dehors d’une étroite interaction avec les rythmes sociaux. Les enfants pâtissent d’abord des conditions de vie matérielle de leurs parents. C’est en luttant contre le chômage et la précarité, pour la relocalisation de l’activité, pour la diminution de la distance entre lieu de travail et lieu de domicile, que nous œuvrerons véritablement au bien-être des enfants.
Au Parti de gauche, nous défendons une réforme des rythmes scolaires dans le cadre d’une école de la 6e République qui articule école et société, et fixe à l’Education nationale des missions claires – l’instruction, l’émancipation, la qualification – mais aussi les moyens de les atteindre.
Dans un premier temps la demi-journée d’enseignement volée aux élèves par Darcos est récupérée. Pour un cursus scolaire de l’entrée à la maternelle à l’entrée au collège il s’agit de près de deux ans d’enseignement perdu ! Ensuite il s’agit de garantir la gratuité réelle de l’école, en faisant par exemple prendre en charge, par l’Etat, le financement des activités culturelles et sportives dans le cadre scolaire. Enfin, l’école de la 6e République donne un enseignement de qualité en recrutant des enseignants formés, protégés par un statut, et suffisamment nombreux. Elle place à leurs côtés des médecins scolaires, des psychologues, des RASED… Tout cela nécessite de rompre avec la logique managériale introduite dans l’éducation nationale par Nicolas Sarkozy et de permettre aux enseignants de retrouver leur liberté pédagogique et d’exercer leur métier dans des conditions optimales pour la réussite et le bien-être des élèves.
Asphyxie des collectivités territoriales
Le communiqué du ministre Peillon en date du 15 novembre, rappelant les compétences respectives de l’Etat et des communes en matière d’organisation des temps éducatifs, est une provocation supplémentaire alors que l’opposition à sa politique ne cesse de grandir. Comment peut-il rejeter sur les maires l’impossibilité d’appliquer son décret ? Comment peut-il se défausser sur eux de sa responsabilité qui est de prendre soin de tous les enfants que la République confie à son école ? En recourant au chantage et à l’autorité, le Ministre témoigne du fait qu’il ne parvient plus à convaincre et qu’il a renoncé à la concertation.
Car en effet de quoi s’agit-il sinon d’un chantage ? Les parlementaires viennent, dans le cadre du projet de loi de finance, de voter une baisse des dotations aux collectivités de 1,5 milliard d’euros. Par ce fait, les équipes municipales, pour financer la mise en œuvre de son décret (à titre d’exemple 300 000 euros pour une ville moyenne, 15 millions d’euros pour la 2ème ville de France) devront faire des choix. Aujourd’hui, les communes organisent déjà le temps hors scolaire des enfants : les garderies, les activités, les centres aérés, les cantines, les politiques culturelles et sportives, les lieux de vie et d’épanouissement des plus jeunes… Aux maires, Monsieur Peillon demande: Financerez-vous les centres aérés, les rénovations d’école, les garderies pour les enfants de votre commune ou la gestion du temps laissé libre par ma réforme ? Au final c’est aux familles qu’il reviendra de payer soit directement, soit en augmentant les taxes locales !