24 février 1382
Le 24 février 1382, le peuple de Rouen se lève aux cris de « haro » contre le rétablissement des contributions indirectes sur les marchandises décidé par une ordonnance royale du 15 janvier. Cette nouvelle taxe frappe principalement les denrées de base, le sel et le vin, et donc en premier lieu les pauvres.
Ce sont les ouvriers des draperies qui entament le mouvement. Ils sont 300 rassemblés devant l’Hôtel de Ville au matin. La révolte prend d’abord la forme d’un carnaval : les émeutiers se choisissent un roi qu’ils promènent dans toute la ville, accordant ici et là l’abolition des impôts. Mais assez vite l’émeute se retourne contre les bourgeois. Pris de panique, les notables tentent d’organiser des milices armées tandis que les moins téméraires et les plus nombreux trouvent un refuge précaire dans les couvents de la ville, encore épargnés. Au soir, l’émeute antifiscale se mue en « chasse aux riches ». Le lendemain la bourgeoisie rouennaise, qui a elle aussi, tout à perdre du rétablissement des impôts tente d’apaiser la situation en dépêchant auprès du roi plusieurs ambassadeurs pour solliciter son pardon et la confirmation de la « charte aux Normands », accordée par Louis X en 1315, qui l’exempte d’impôts. Mais au même moment le peuple se soulève également à Paris, c’est « la révolte des Maillotins », et dans le Languedoc avec les « Tuchins ». La répression doit être sévère pour servir d’exemple. Les meneurs de la révolte sont arrêtés, six d’entres-eux décapités et même les cloches du beffroi qui avaient sonné le tocsin, sont démontées. Le 29 mars Charles VI fait une entrée triomphale dans la cité normande et rétabli l’autorité royale par sa sentence : confiscation de la municipalité dont les attributions sont confiées au bailli royal, amende de 150 marcs d’or et rétablissement des impôts.
Si cette insurrection populaire est un échec, elle témoigne néanmoins de la capacité de soulèvement du peuple alors méprisé et tenu à l’écart de la chose publique. Elle préfigure également un rapport de classe dont les insurgés prennent doucement conscience puisque après les représentants du pouvoir étatique (les collecteurs d’impôts), ce sont rapidement les riches qui sont visés.