Résolution politique (15 et 16 février 2014)

CN des 15 et 16 février 2014

Le début de l’année aura été marqué par la conférence de presse du 14 janvier de François Hollande. Contrairement à certaines analyses, ce discours ne marque, en réalité, aucun changement idéologique. En assumant publiquement l’entièreté de sa ligne libérale jusqu’à en accélérer le cours à travers le pacte de responsabilité, il a voulu envoyer un signal fort au pays en se débarrassant de tout enrobage « social ». Il y a bien en cela un nouvel affichage politique avec des gages donnés à la Commission Européenne, aux agences de notation et au Medef. L’objectif est aussi de déstabiliser la droite en dessinant en filigrane une alliance politique possible avec le centre. L’opération est réussie. A l’annonce du pacte de responsabilité, la CDU de Angela Merkel a applaudi, tout comme la Commission et le patronat européen, l’UMP s’est divisée, le centre s’est empressé de soutenir et le Medef n’a pu s’empêcher de faire remarquer qu’il s’agissait d’un copier-coller de son pacte de confiance.

Avec le pacte de responsabilité, Hollande ose enfin afficher ouvertement ses choix politiques

François Hollande a donc répété son slogan : la politique de l’offre. Ce choix du capital contre le travail est une politique de droite. Elle est absurde économiquement, dangereuse socialement et écologiquement. Son seul résultat sera d’enfoncer un peu plus la France dans la crise et le peuple dans la pauvreté. Cela se traduit par de nouveaux cadeaux au patronat (10 milliards de plus), en particulier aux grandes entreprises, sans aucune contrepartie précise exigée. Le gouvernement s’attaque ainsi à notre modèle social issu du Conseil National de la Résistance et en premier lieu à notre protection sociale financée par les cotisations. Il réaffirme l’idéologie libérale de la baisse des dépenses publiques allant jusqu’à envisager le gel de l’avancement des fonctionnaires ainsi que la désindexation des prestations sociales. Il n’hésite pas à utiliser un discours faisant appel à une soi-disant modernité pour justifier des réformes qui n’ont qu’un objectif : réduire la place de l’intervention publique, faire plus d’espace à la logique de profit en baissant toujours plus le mal nommé « coût du travail ». Cela vaut dans l’enseignement supérieur comme pour les collectivités locales. La profonde remise en cause de la structuration administrative de notre pays n’a qu’un objectif : accroître la concurrence entre territoires, ce qui favorise l’application des politiques libérales européennes. La métropolisation vise à faire disparaître les conseils généraux et à remettre en cause la démocratie communale. Nous en connaissons les conséquences : fermetures des services publics, aménagement du territoire contraire à toute conception écologique minimum, renforcement des inégalités, et de fait, abandon d’une large part de la population. La traduction électorale est connue : montée de l’abstention et du vote FN. Le transfert du pouvoir normatif ne peut que renforcer les pouvoirs des notables locaux et accentuer la corruption. Il va rompre avec l’unité et l’indivisibilité de la République.

Si nous n’attendions rien de François Hollande, son discours a été vécu comme étant d’une particulière brutalité : pas un mot pour les travailleurs, pour les salariés. Que des cadeaux pour les patrons et actionnaires. Du côté des syndicats, des mots forts ont certes été prononcés, mais reconnaissons que ce n’est pas à la hauteur de l’attaque.

Du côté politique, la droite s’est divisée, JL Borloo s’est réjoui et a annoncé que ses élus étaient prêts à voter pour les mesures du pacte « si elles sont claires, précises et identifiées » tandis que la majorité du PS se félicitait immédiatement de ces annonces. Pour ceux qui se disent la gauche du PS, les réactions ont été plus que timides, malgré l’annonce de l’utilisation de l’article 49-3 de la constitution pour obliger à l’adoption du pacte de responsabilité sans amendement et donc sans bataille parlementaire possible sur les contreparties. Pour EELV, qui aurait dû pourtant hurler en entendant le président proposer comme axe central la politique de l’offre et la relance de la croissance, ses dirigeants, se sont livrés à de nombreuses contorsions pour justifier leur alignement, allant jusqu’à expliquer que la présence au gouvernement ne dépendait pas d’un discours. Il reste bien sûr en son sein davantage de voix contestatrices qu’au PS mais au fil des mois, tout se passe comme si le maintien des deux ministres devenait une fin en soi pour la direction. Pourtant même la loi logement a été vidée de la quasi-totalité de son contenu de rupture.

Le 22 janvier, Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, annonçait un vote de confiance après les municipales et les européennes et l’abandon de la procédure du 49-3 pour celle de l’article 49- 1 de la constitution prévoyant le vote d’une résolution générale, justifiant ainsi le changement d’option : « C’est (le vote) de la confiance qui a été décidé (…). Nous, on veut une majorité pour ». Le contraire apparaîtrait comme une rupture avec la majorité gouvernementale, ce que ne peuvent faire ni les députés de la gauche du PS, qui se sont d’ailleurs empressés d’annoncer qu’ils voteraient la confiance, ni EELV qui serait alors obligée de quitter le gouvernement. Les députés du PCF et de la FASE n’ont pas ce problème : ils ont voté contre le budget, ils doivent de même voter contre la confiance à ce gouvernement dont toute l’action est contraire aux intérêts des classes populaires. Les dispositions du pacte de responsabilité, seront reprises dans un projet de loi pour lequel le gouvernement va chercher à obtenir le soutien des centristes, ou à défaut une neutralité bienveillante.

Dans ce contexte Valérie Pécresse, ancienne ministre du Budget de Sarkozy, a beau jeu d’affirmer : « La droite a gagné la bataille des idées. Parce que la notion de compétitivité, le fait que l’emploi se crée en entreprise, le fait qu’il faille baisser le coût du travail, le fait qu’il faille baisser la dépense publique se sont désormais imposés comme les thèmes prioritaires de la politique de notre pays ».

Chômage : l’échec de Hollande

François Hollande a perdu son pari d’inversion de la courbe du chômage. Non seulement ce dernier n’a pas reculé mais il a continué à augmenter (10 200 chômeurs de plus en décembre, 5,7% de plus sur l’année 2013) pour atteindre un niveau historique (5.5 millions inscrits à Pôle Emploi). Cela n’a pas empêché Jean-Marc Ayrault de se vanter d’une stabilisation. Le chômage des jeunes a peu augmenté du fait des emplois d’avenir (100 000) mais 86,8% des embauches, particulièrement pour les jeunes, s’effectuent dorénavant en CDD y compris de moins d’un mois. Le chômage des plus de 50 ans connaît une très forte hausse (+12,3%) du fait des licenciements, de l’explosion du nombre de ruptures conventionnelles (25% de plus pour les salariés de 58 à, 60 ans) et du report de l’âge de départ en retraite. La réponse de l’OCDE et du Medef, dans le cadre de la renégociation de la convention Unedic, est un appel à remettre en cause l’indemnisation des salariés âgés car jugée peu incitatrice à la recherche d’emploi ! Le cynisme des libéraux n’a jamais de limites. Les fermetures d’établissements et d’entreprises se poursuivent avec un secteur industriel qui continue à voir fondre ses effectifs et ses savoir-faire disparaître ou se délocaliser.

Les inégalités continuent à s’aggraver avec 2,2 millions de millionnaires pendant que 8,7 millions de personnes, soit 14,3 % de la population, vivent sous le seuil de pauvreté, taux le plus haut depuis 1997. Le SMIC français est aujourd’hui inférieur à celui de la Belgique, des Pays-Bas ou de l’Irlande. Dans la fonction publique, le gel du point d’indice depuis 2010, amène un agent sur cinq à percevoir une rémunération proche de ce seuil. Avec l’inflation et la hausse de la TVA, la capacité de pouvoir d’achat des salariés payés à ce niveau a baissé. Pendant ce temps, les dividendes ont atteint 210 milliards en 2013, 7 fois plus qu’il y a 20 ans. La richesse des 500 plus gros actionnaires représente 15% du PIB contre 6% il y a 10 ans. Le problème est donc bien le coût du capital et non le « coût du travail » comme le répètent comme des perroquets tous les libéraux qu’ils se disent de droite, du centre ou de gauche.

Hollande et Jean-Marc Ayrault menant une politique qui répond parfaitement aux attentes de la finance (jusqu’à sortir Jersey et les Bermudes de la liste des paradis fiscaux), la droite est obligée de chercher un autre terrain d’opposition. Elle est tentée par la radicalisation sur les terrains sociétaux.

Une droite ultra qui se sent pousser des ailes

La politique libérale menée depuis bientôt deux ans a comme conséquence de démobiliser et d’écœurer celles et ceux qui ont voté pour F. Hollande au second tour de l’élection présidentielle pour chasser Sarkozy et qui se retrouvent avec des politiques similaires hormis quelques légers progrès sur des questions de société.

Face à ces politiques, si le Front de gauche a réussi à organiser la résistance dans un premier temps marche du 30 septembre 2012, du 5 mai 2013, présence massive et permanente aux cotés des salariés en lutte, le fait de ne pas remporter de victoire significative, notamment sur la question de l’amnistie ou des retraites, a amoindri sa capacité à apparaître comme une alternative crédible.

Le désarroi et la confusion ont atteint leur paroxysme avec le mouvement des bonnets rouges. Face à une crise sociale de grande envergure, conséquence d’un modèle productiviste à bout de souffle dans le secteur agroalimentaire, les réseaux patronaux (industriels avec Medef et CGPME, routiers avec la FNTR, agricoles avec la FNSEA) ont enfourché la revendication identitaire bretonne pour mobiliser derrière eux contre l’écotaxe et la fiscalité. Leur tentative de faire croire à des intérêts communs entre patrons et salariés a pu être démasquée grâce notamment à l’appel de la CGT à un rassemblement à Carhaix le même jour que la manifestation de Quimper. Cela a permis de rétablir une lecture de classe à la crise subie en Bretagne face à ceux qui voulaient en faire un affrontement entre Bretagne et Paris. Depuis, le mouvement a beaucoup perdu de capacités de mobilisation avec le retrait notamment de FO et la radicalisation d’une partie de la base. Car là aussi, les réseaux d’extrême-droite sont à l’action.

Les «Manif pour tous» ont dessiné un camp de la réaction avec des capacités d’organisation indépendante des partis politiques de la droite. Le FN, tout à sa volonté d’apparaître comme un parti respectable, a laissé un espace à divers groupuscules encore plus ultra. La nouveauté de ces derniers mois est la capacité de convergence entre les milieux réactionnaires, notamment liés à tous les courants religieux intégristes. Après les mobilisations contre le mariage pour tous, la manipulation autour de l’ABCD de l’égalité prend toute son ampleur dans une alliance invraisemblable entre une ancienne activiste de la marche pour l’égalité de 1984 et le mouvement fasciste d’Egalité et Réconciliation d’Alain Soral, repris ensuite par la « Manif pour tous ». Pour la première fois depuis la Libération, une manifestation a rassemblé plusieurs milliers de personnes dans les rues de Paris autour de slogans homophobes, racistes et antisémites. Des menaces sont proférées contre la FCPE et le Planning familial. Un climat nauséabond s’installe dans notre pays. Dans ce cadre, le retrait du projet de loi famille suite à la « Manif pour tous » du 2 février est une grave erreur politique. Pour la seconde fois après l’écotaxe, le gouvernement recule donc face à des mouvements de droite alors même qu’il se révèle intraitable face aux mobilisations sociales animées par ceux-là mêmes qui ont battu Sarkozy. Il s’agit d’un formidable encouragement pour la droite au risque de cautionner les attaques contre les mouvements féministes et LGBT. Nous ne pourrons pas continuer à laisser la rue à la droite et l’extrême-droite. Il nous faudra donc prendre, après les municipales, l’initiative d’une marche de masse contre la politique d’austérité menée dans toute l’Europe, contre les licenciements et les fermetures d’entreprises, contre la réaction. Si, comme c’est vraisemblable, le FN veut surfer sur cette vague pour er er mai une démonstration de force, nous devrons travailler à un grand 1er mai des travailleurs faire du 1er et de leurs organisations contre l’austérité et le danger de l’extrême droite.

Municipales : en faire un moment de regroupement contre les politiques d’austérité

Les élections en cours de mandat voient en général le parti au pouvoir en sortir affaibli. Si on ajoute le désaveu massif de ce gouvernement, le PS devrait subir des pertes massives de mairies. En même temps la droite n’apparaît pas au mieux. Le FN ne pourra pas présenter des listes dans toutes les villes où il le souhaiterait, faute de réunir le nombre de volontaires nécessaires. Les élections présentent donc une bonne part d’inconnues. Avec le FDG nous aurions dû aborder cette échéance en position de force depuis des mois. Au lieu de cela, la stratégie à géométrie variable de notre principal partenaire dans le Front de Gauche a affaibli notre dynamique. En ralliant les listes gouvernementales du PS dans la moitié des villes de plus de 20 000 habitants dont Paris et Nantes, le PCF a non seulement entraîné un différend stratégique sans précédent dans le FDG mais il a surtout contribué à l’illisibilité de celui-ci à un moment où Hollande accentuait sa politique de droite. Malgré tout nous avons atteint notre objectif. Le PG, lors de son congrès de mars 2013, avait annoncé sa volonté de travailler à des listes autonomes dans le maximum de villes de plus de 20 000 habitants. Ce sera quasiment le cas et nous avons réussi à élargir ce front anti austérité à EELV (autour de 80 listes communes moitié en tant que FDG moitié en tant que PG), parfois même à des socialistes dissidents comme à Lyon, mettant ainsi des coins prometteurs dans la majorité gouvernementale. Dans certains cas des victoires paraissent possibles. Les municipales vont ainsi constituer la première élection de la mandature où une opposition de gauche au gouvernement sera présente. Nous menons campagne pour que les citoyens sanctionnent massivement les listes gouvernementales aux élections prochaines et votent pour les listes autonomes que nous présentons au premier tour. Au second tour, nos candidats, avec les participants aux listes et les militants, choisiront de se maintenir ou envisageront de discuter avec les listes se réclamant de la gauche et sans alliance avec les partis de droite, et les ayant devancés sur la base du respect des résultats du premier tour avec application de la proportionnelle intégrale et sans engagement de solidarité budgétaire ni programmatique afin que les électeurs qui auront voté pour nos listes aient une représentation dans les conseils municipaux. Nous considérons que la souveraineté des électeurs et leurs exigences politiques du premier tour doivent être respectées au deuxième tour pour être représentées dans les conseils municipaux.

Soutenir les convergences de luttes sociales, occuper le terrain des luttes environnementales, construire l’opposition de gauche

Le 18 janvier, la CGT de Marseille appelait l’ensemble des syndicats mais aussi les associations et les partis politiques à participer à une marche contre les licenciements, les bas salaires et l’austérité. Dix- sept entreprises en lutte sont regroupées dans une coordination pour organiser des actions communes. er La CGT de Haute-Garonne vient de suivre l’exemple en appelant à une marche similaire le 1 mars autour de sept entreprises en lutte. Dans les deux cas le PG y est présent, tout comme ses militants le sont très souvent auprès des salariés en lutte. De telles constructions, qui permettent la jonction entre les revendications syndicales et politiques, sont indispensables et doivent être appuyées et encouragées car elles préfigurent le front du peuple que nous voulons construire. Il serait souhaitable de faire de ce er 1 mars une étape dans la mobilisation en « dupliquant » ce type de manifestation unitaire dans plusieurs départements. Le 18 mars, journée d’action et de grève appelée par FO, FSU et Solidaires, peut être une autre étape pour la mobilisation syndicale sur le pacte de responsabilité. Enfin, nous devons faire du 8 mars journée internationale sur le droit des femmes, une grande journée de mobilisation contre la réaction. Le Parti de Gauche sera aussi présent massivement le 22 février à Nantes pour dire clairement qu’il n’est pas question que les travaux pour construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes reprennent. Le Parti de Gauche soutient la rencontre euro-méditerranéenne des 7, 8 et 9 mars organisée à Saint-Christol-les-Alès à l’initiative des collectifs anti gaz de schiste.

En juin 2012, le Front de Gauche avait refusé d’entrer au gouvernement par refus de la politique d’austérité. Il n’appartient donc pas à la majorité gouvernementale et les parlementaires du Front de Gauche votent les lois selon leur contenu. Face à l’aggravation des politiques d’austérité, le PG a appelé au rejet du budget 2014, position assumée par les parlementaires du Front de Gauche. Aujourd’hui, nous appelons à voter contre la motion de confiance car comment pourrions-nous faire confiance à un gouvernement qui ne gouverne qu’au profit du capital ? Nous assumons parfaitement ce que cela signifie : aujourd’hui la question n’est plus de servir d’aiguillon à un gouvernement trop mou, ou de faire pression pour le faire changer de cap. Il s’agit bien de s’opposer à un projet de société libérale et productiviste avec lequel nous sommes en total désaccord. C’est pourquoi, le temps est venu de ne pas laisser le monopole de l’opposition à la droite et à l’extrême-droite, il faut construire une opposition de gauche à ce gouvernement avec l’objectif de créer les conditions d’une majorité de gauche alternative. Nous nous adressons donc à tous ceux qui aujourd’hui contestent cette politique au sein de la gauche. C’est le sens de de nos propositions de listes communes aux municipales avec EELV ou encore avec des militants PS qui acceptent de travailler avec nous au regroupement de toutes celles et tous ceux qui refusent l’austérité. Nous allons amplifier dans les mois à venir ces appels car François Hollande délaissant les valeurs de la gauche, il nous appartient de regrouper le maximum d’énergie autour de cette démarche à commencer avec le Front de Gauche. Dans ce contexte les élections européennes restent le grand rendez-vous où nous ambitionnons de passer devant les listes gouvernementales.

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