Dépassements d’honoraires – Pas de blé pas de santé ?

Vitalegold

Les dépassements d’honoraires devaient être encadrés, ils sont finalement institutionnalisés. En effet, après plusieurs jours de négociations les représentants de l’assurance maladie, des médecins et des mutuelles ont signé un accord qui fait de la santé un produit de luxe.

L’accord stipule que les dépassements d’honoraires sont acceptables jusqu’à 2,5 fois le tarif de la sécurité sociale, soit 70 euros pour une consultation chez un spécialiste au lieu de 28, et 60 euros au lieu de 23 pour une visite chez un généraliste. L’obligation d’accueillir un pourcentage de patients au tarif de l’assurance maladie est l’excuse trouvée pour  la poursuite des dépassements. Quels seront les contrôles ? Par ailleurs, rien n’empêche les médecins qui le souhaitent de continuer à pratiquer des tarifs plus élevés. Il faut que tout change pour que rien ne change serait-il devenu la nouvelle maxime du gouvernement ?

Est-il normal de payer l’équivalent de 10 heures de travail au SMIC pour pouvoir consulter un dentiste ?

Oui, répondent l’assurance maladie et le gouvernement. Est-il normal que nos cotisations servent à payer des dépassements d’honoraires ? Le candidat Hollande s’était engagé à encadrer les dépassements d’honoraires des médecins afin de favoriser l’accès aux soins. Une nouvelle promesse qui partira en fumée si le gouvernement valide cet accord. Encadrer les dépassements d’honoraires, ce n’est pas les légitimer.

L’accès aux soins est un droit, pas un luxe !

Ici, retrouvez la vidéo de la distribution de Cartes Vitales Gold devant la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, organisée le lundi 22 octobre par le Parti de Gauche.

En pj : la Carte Vitale Gold, accessoire bientôt indispensable pour se soigner.

Martine Billard, co-présidente du Parti de Gauche
Leila Chaibi, Secrétaire nationale du Parti de Gauche à l’abolition du précariat

Les jeunes entrent en résistance !

Tractjeunesresistanceoctobre2012

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Le Parti de Gauche dénonce la ratification de l’ACAA UE-Israël par le Parlement européen

Quatre jours à peine après l’attaque de l’Estelle dans les eaux internationales par l’armée israélienne, le Parlement européen a décidé d’approuver le renforcement de l’accord de libre échange entre l’Union Européenne et Israël.

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Ce renforcement pose problème à plus d’un titre. D’abord parce qu’il comporte une clause permettant d’intégrer secteur par secteur Israël au marché unique européen sans que les parlementaires européens et israéliens aient leur mot à dire sur le sujet. Il est donc anti démocratique en plus d’être nuisible aux peuples concernés.
 
Ensuite parce qu’il ne contient aucun mécanisme de garantie permettant d’interdire l’importation de produits issus des colonies illégales du point de vue du droit international, alors même que le premier renforcement concerne les produits pharmaceutiques et que le premier producteur de médicaments d’Israël (TEVA) refuse de fournir la moindre information sur la localisation de ses fournisseurs.
 
Enfin et surtout parce qu’il envoie un signal terrible au monde en renforçant ses liens avec le gouvernement voyou de Netanyahou qui poursuit sa politique de colonisation agressive et maintient le blocus de Gaza en violation du droit international.
 
Le Parti de Gauche condamne ce signal néfaste donné à la communauté internationale et au gouvernement israélien quelques mois avant les prochaines élections locales. Il salue le vote des eurodéputés du Front de Gauche et du groupe GUE/NGL qui ont tous voté contre le renforcement de cet accord.
 
Le Parti de Gauche demande la suspension de cet accord et du protocole qui le renforce, tant que l’arrêt des colonisations, la levée du blocus de Gaza, la libération des prisonniers palestiniens et la mise en place de vraies négociations de paix prenant en compte le droit au retour des réfugiés ne seront pas garantis.

Révolution par les urnes – Pourquoi s’intéresser à l’Amérique latine ?

Depuis 1998 et la première élection de Hugo Chavez au Venezuela, un nouveau cycle politique s’est ouvert en Amérique latine qui a vu émerger, dans une majorité de pays1, une nouvelle gauche du progrès humain au pouvoir. Partout, elle s’est appuyée sur le développement d’un fort mouvement des idées et des luttes sociales contre les politiques néolibérales et les oligarchies inféodées à Washington. Elle a pour point commun, au-delà de la diversité de ses acteurs et des expériences en cours, d’avoir tiré le bilan de l’échec du communisme d’Etat, en même temps que celui de la conversion de la social-démocratie en un social-libéralisme d’accompagnement et de rafistolage du système capitaliste globalisé. En Amérique latine, la social-démocratie s’est dissoute comme projet théorique et comme stratégie. Ayant renoncé au dépassement du capitalisme, et au nom d’une ruineuse stratégie d’accompagnement et de « régulation » du système, elle a finalement permis et même organisé, le démantèlement de l’Etat social. Elle s’est effondrée électoralement. Enfin, elle s’est parfois retournée contre le peuple.

C’est là le premier enseignement que nous offre le scénario latino-américain. Il nous montre que des peuples écrasés par le rouleau compresseur néolibéral (démantèlement de l’Etat et des services publics, libéralisations et privatisations, austérité généralisée, etc.) peuvent renverser l’ordre établi qu’ils ne sont pas condamnés à subir. Il nous indique également comment des systèmes politiques et institutionnels installés depuis des décennies peuvent, dans certaines conditions historiques, s’effondrer rapidement en emmenant dans leur chute fulgurante des partis (conservateurs et socio-démocrates) incapables de résoudre les problèmes concrets des populations.

Les processus de transformation sociale et démocratique en Amérique latine nous montrent que pour construire un rapport de forces durable dans la société contre les pouvoirs économiques et financiers et leurs représentants et divers relais – qui subsistent en dehors du pouvoir d’Etat -, il faut poursuivre des objectifs qui s’inscrivent dans une radicalité concrète2, elle-même rendue possible par la mise en place d’une méthode permanente : l’implication populaire.

Celle-ci passe en premier lieu par l’organisation de processus constituants pour refonder le système politique et le jeu démocratique, le développement et la multiplication des formes de consultation des populations (élections, référendum, référendums révocatoires, etc.), la démocratisation du spectre médiatique (soutien à la création de médias communautaires, renforcement de services publics de l’information, lois anti-concentration, etc.), le développement de l’éducation, le renforcement de la démocratie participative (« protagonique » disent les latino-américains) à tous les échelons, etc.

De ce point de vue, l’Amérique latine est loin des clichés médiatiques qui abondent sur les supposées dérives « autoritaires » des expériences en cours. Elles inventent au contraire de nouveaux processus politiques historiques dans lesquels les forces populaires – et en particulier les pauvres comme sujet politico-social – construisent leur émancipation à travers la mise en place de politiques concrètes qui, progressivement, ouvrent la voie à une transformation plus profonde des structures de la société. Et ce, dans le cadre d’un vif conflit démocratique assumé dans lequel les forces associées aux régimes antérieurs continuent – avec de nombreux soutiens extérieurs et médiatiques – d’agir dans les sphères politiques, institutionnelles, médiatiques et économiques.

Dans tous les pays où elle agit, la gauche latino-américaine construit l’Etat social lorsque celui-ci disparaît progressivement dans nos sociétés sous la pression de la globalisation. Elle affirme – et c’est aussi un enseignement – que l’investissement dans des politiques de justice sociale et environnementale constitue un facteur de progrès et de prospérité pour la société.

L’Amérique latine est la seule région du monde dans laquelle une fissure s’est produite dans l’hégémonie du néolibéralisme. L’ « autre gauche » latino-américaine fait la démonstration qu’il est possible de faire autrement lorsque la volonté politique s’installe, face aux marchés, au poste de commandement.

Et cette région n’est pas n’importe laquelle. Elle concentre en effet de formidables richesses convoitées dans le nouveau jeu géopolitique mondial à l’heure de la crise systémique du capitalisme. L’Amérique latine rassemble 1/3 des ressources mondiales d’eau potable, d’immenses réserves en hydrocarbure, en gaz, en minerais divers, en métaux rares, la plus grande biodiversité au monde, le plus important potentiel agricole, etc.

Dans ce contexte, elle est le laboratoire de nouvelles formes d’intégration régionale qui cherchent à bâtir la souveraineté et l’indépendance du sous-continent et de ses peuples face aux prétentions hégémoniques des puissances tutélaires traditionnelles de la région (Etats-Unis et pays européens). Qu’il s’agisse de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) crée en 2004, de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) fondée en 2008 ou de la Communauté des Etats de l’Amérique latine et de la Caraïbe (Celac) lancée en 2011, toutes ces initiatives et regroupement de pays conçoivent les voies de l’intégration régionale par des mécanismes qui ne placent pas le marché et le libre-échange au cœur des processus, mais les principes de coopération, de solidarité et de complémentarité.

Ce sont notamment pour toutes ces raisons que l’autre gauche française et européenne doit s’intéresser à l’Amérique latine. Celle-ci est une source d’inspiration en ce sens qu’elle offre un terrain d’élaboration et d’expérimentation unique pour certaines politiques que nous voulons promouvoir et mettre en place. Elle permet aussi d’en observer les contradictions, les limites et les réussites. Elle permet enfin de comprendre comment les acteurs se mobilisent et se mettent en mouvement pour faire bouger les lignes dans des sociétés meurtries par les oligarchies et le néolibéralisme. Et ce, tandis que notre continent s’enfonce dans une crise économique, sociale et démocratique d’une ampleur jamais connue depuis les années 1930 et dont les principaux responsables sont les mêmes (Fonds monétaire international, marchés financiers, auxquels s’ajoutent ici la Commission européenne et la Banque centrale européenne) qui ont saccagé les sociétés latino-américaines avant que celles-ci ne se rebellent.

Notes :

1. Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Nicaragua, Paraguay (avant le coup d’Etat de 2012), Pérou, Uruguay, Venezuela.

2. Il s’agit de politiques visant à organiser une réappropriation par la puissance publique des ressources nationales et des sphères économiques et financières abandonnées à la finance, à élargir le périmètre de la propriété sociale, à consolider l’accès des populations – notamment pauvres et indigènes – aux droits fondamentaux et à développer de nouveaux droits sociaux et environnementaux, etc.

Le Parti de Gauche soutient le processus de paix en Colombie

Le Parti de Gauche salue l’ouverture, jeudi 18 octobre à Oslo, des négociations officielles « pour une paix juste et durable » entre les Forces Armées Révolutionnaire de Colombie – Armée Populaire (FARC-EP) et le gouvernement Colombien.

La première phase du processus vient ainsi d’aboutir à l’installation publique de la « table de discussions chargée de développer l’accord général pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable ».

La deuxième phase aura lieu le 15 novembre à la Havane, Cuba, où sera abordé le premier point de l’agenda des discussions: la question du développement agricole.

La perspective de la paix doit bénéficier de toutes les garanties possibles, sociales, politiques et juridiques, pour avoir une chance de voir le jour et proposer enfin au peuple colombien un autre horizon que ce conflit armé vieux d’un demi-siècle qui a fait, rappelons-le, plus de 600 000 morts et a conduit au déplacement forcé de plus de 3 millions de personnes.

En ce sens, pour que le processus puisse aboutir à une paix juste et démocratique, il faudra aborder des sujet essentiels tels que la la réintégration des FARC-EP dans la vie civile, économique, sociale et politique du pays, l’indemnisation des victimes, et la la lutte pour éliminer les organisations criminelles, telles que les organisations paramilitaires et leurs réseaux d’appui. Cela devra inclure la lutte contre la corruption et l’impunité, et la recherche de la vérité sur tous les crimes contre l’Humanité commis durant toutes ces années de confrontation armée.

Il s’agit là d’une grande opportunité pour le peuple colombien pour s’attaquer aux racines profondes qui ont engendré le conflit armé : les énormes inégalités sociales, économiques, et environnementales qui gangrènent le pays.

C’est en ce sens que le Parti de Gauche soutient les revendications des très nombreux mouvements sociaux colombiens qui manifestent depuis plusieurs des semaines, en ce moment historique pour la Colombie, pour que ces négociations de paix permettent d’ouvrir une voie vers la construction d’une société basée sur une véritable justice sociale.

Dépassements d’honoraires – Distribution de « Cartes Vitales Gold »

Suite au communiqué de Leila Chaibi, distribution de « Cartes Vitales Gold » par des militant-e-s du Front de Gauche le 22 octobre 2012.

Projets décentralisation – Le règne des barons

Il l’avait promis pendant la campagne présidentielle, il proposerait rapidement un acte III de la décentralisation. François Hollande l’a confirmé, il en a une vision libérale, fustigeant les « contraintes » de la loi, et optant pour une République à géométrie variable.
Lors de la conclusion des Etats généraux de la démocratie territoriale les 4 et 5 octobre derniers, le président de la République a précisé son projet de nouvelle loi sur la décentralisation lancée et pilotée par Jean-Pierre Bel depuis décembre 2011. Les Etats généraux ont consisté en une large consultation des élus locaux, d’abord sous forme de questionnaires, puis lors de réunions locales organisées par les sénateurs.
Le point de départ de l’analyse de François Hollande est double : d’une part les collectivités territoriales ont de multiples compétences, redondantes et couteuses autant qu’illisibles. Il faut donc clarifier et surtout simplifier. D’autre part, la loi est un poids, et la diversité des territoires demande qu’elle soit adaptée : il faut donc laisser aux élus de chaque région le soin de définir les compétences qu’ils prennent en charge, et la manière dont ils le font.

La loi territorialisée

Ont été évoquées « 400 000 normes », qui seraient autant de « contraintes » qui s’imposent aux collectivités territoriales, et qui expliqueraient la lenteur de leurs actions, ou encore la complexité de leurs interventions. Or les normes sont issues des lois, et décidées par les représentants du peuple souverain. Elles ont pour objectif la sécurité, la qualité, le respect de l’environnement ou encore la transparence des achats financés par l’argent public.
Les normes, sources de perte d’efficacité selon François Hollande, visent pourtant à assurer par exemple un nombre suffisant d’auxiliaire de puériculture présentes dans les crèches pour s’occuper des enfants, ou encore à prévoir les conditions dans lesquelles doivent être triés les déchets par les communes ou les intercommunalités. Surtout, elles garantissent l’égalité de traitement des usagers et des citoyens sur le territoire.
François Hollande se propose de réduire l’importance des normes nationales, soit en supprimant certaines d’entre elles, soit en adaptant la loi en fonction des territoires. Cette « loi territorialisée » prendrait deux formes.
Premièrement, le transfert aux régions d’une grande partie des compétences en termes d’économie et d’emplois permettra, selon le président, « qu’il y ait [un] meilleur lien entre les qualifications qui sont proposées et les besoins des entreprises ». Les régions pourront donc librement définir les formations des demandeurs d’emplois en fonction de l’activité économique de leur territoire.
C’est une orientation dangereuse, qui rompt avec l’égalité d’accès à la formation sur le territoire. En effet, selon cette logique, le lieu où l’on se trouve déterminera alors les qualifications auxquelles il est possible d’avoir accès. Par ailleurs lier les formations à l’activité économique présente ne tient compte que des exigences immédiates des entreprises, et ni de la pérennité pour la personne de sa qualification, ni des besoins à moyen terme de la société, par exemple pour mener à bien la planification écologique. Jean-Claude Mailly a d’ailleurs parlé de « balkanisation » de la République le 10 octobre, pour qualifier cette proposition. En second lieu, François Hollande souhaite que les collectivités territoriales disposent d’un droit élargi à l’expérimentation. Sous couvert d’une nécessité d’innover et de prendre en compte les spécificités du territoire, l’absence de cadrage de ce droit, en termes de durée ou de territoires concernés ouvre la porte à la possibilité d’une loi différente selon les lieux. Cela constitue, là encore, une rupture avec le principe républicain d’égalité de traitement sur le territoire.

Des compétences à géométrie variable

Les précédentes lois de décentralisation ont consisté en un transfert de compétences depuis l’Etat vers différents niveaux de collectivités territoriales. François Hollande considère cette répartition à la fois illisible et trop rigide. En effet, les régions et les intercommunalités ont des compétences en matière d’aménagement du territoire. Les départements et les communes ont la responsabilité de l’action sociale, mais sur des dispositifs et des périmètres territoriaux différents.
Sur chaque domaine, il est question d’introduire un « chef de file », qui pourra imposer des orientations aux autres collectivités : « A chaque grande politique correspondrait une seule autorité qui fixerait les modalités et l’action qui peut être déléguée à d’autres collectivités ».
L’objectif est la lisibilité pour le citoyen des politiques menées. Mais dans cette hypothèse, quel sens donner au vote, si les élus n’ont pas la possibilité de choisir les politiques qu’ils mènent ? Quel visage de la République, si ces mêmes élus ne sont pas soumis uniquement à la loi nationale mais aussi aux décisions d’autres entités territoriales ?
C’est bel et bien la République à géométrie variable, à plusieurs vitesses que cette orientation donnée par le président, qui concorde avec les conclusions des sénateurs, institutionnalise.
Mais ce n’est pas tout. En plus de l’introduction de la collectivité « chef de file », François Hollande a évoqué, tout comme l’avaient fait Marylise Lebranchu et Jean-Pierre Bel dans les jours précédents, la possibilité pour les collectivités de « décider en commun [d’] un pacte de gouvernance territoriale ». A l’échelle de chaque région, les élus, rassemblés en « conférences territoriales » auraient toute latitude pour décider quel niveau de collectivité prend en charge quel compétence.
Derrière cette proposition, l’idée que les territoires n’ont pas les mêmes objectifs. François Hollande a parlé de « compétition mondiale » et notamment de la création « d’un statut de métropole », collectivité qui pourra se voir transférer des compétences des régions et de l’Etat.

C’est donc clairement la fracture entre les territoires qui se profile, entre ceux qui doivent s’inscrire dans la fameuse compétition mondiale, qui n’intéresse pourtant que les financiers et les importants, et ceux qui sont laissés de côté, en proie à la fermeture incessante des services publics, et au manque de moyens structurels. Ce système de configuration variable de la répartition des compétences renforce aussi le rôle des barons locaux, qui selon leur bon vouloir décideront de l’avenir du territoire, au détriment de la souveraineté populaire.

L’orientation donnée par le président est inquiétante. Sa conception libérale de la décentralisation met en péril les principes d’unité de la République et d’égalité de traitement sur le territoire. C’est au contraire d’une refondation complète des institutions dont nous avons besoin, non pas en laissant les mains libres aux barons, mais par une implication populaire qui élaborera et contrôlera démocratiquement, la nouvelle organisation.

Révolution par les urnes – Pourquoi s’intéresser à l’Amérique latine ?

Depuis 1998 et la première élection de Hugo Chavez au Venezuela, un nouveau cycle politique s’est ouvert en Amérique latine qui a vu émerger, dans une majorité de pays1, une nouvelle gauche du progrès humain au pouvoir. Partout, elle s’est appuyée sur le développement d’un fort mouvement des idées et des luttes sociales contre les politiques néolibérales et les oligarchies inféodées à Washington. Elle a pour point commun, au-delà de la diversité de ses acteurs et des expériences en cours, d’avoir tiré le bilan de l’échec du communisme d’Etat, en même temps que celui de la conversion de la social-démocratie en un social-libéralisme d’accompagnement et de rafistolage du système capitaliste globalisé. En Amérique latine, la social-démocratie s’est dissoute comme projet théorique et comme stratégie. Ayant renoncé au dépassement du capitalisme, et au nom d’une ruineuse stratégie d’accompagnement et de « régulation » du système, elle a finalement permis et même organisé, le démantèlement de l’Etat social. Elle s’est effondrée électoralement. Enfin, elle s’est parfois retournée contre le peuple.

C’est là le premier enseignement que nous offre le scénario latino-américain. Il nous montre que des peuples écrasés par le rouleau compresseur néolibéral (démantèlement de l’Etat et des services publics, libéralisations et privatisations, austérité généralisée, etc.) peuvent renverser l’ordre établi qu’ils ne sont pas condamnés à subir. Il nous indique également comment des systèmes politiques et institutionnels installés depuis des décennies peuvent, dans certaines conditions historiques, s’effondrer rapidement en emmenant dans leur chute fulgurante des partis (conservateurs et socio-démocrates) incapables de résoudre les problèmes concrets des populations.

Les processus de transformation sociale et démocratique en Amérique latine nous montrent que pour construire un rapport de forces durable dans la société contre les pouvoirs économiques et financiers et leurs représentants et divers relais – qui subsistent en dehors du pouvoir d’Etat -, il faut poursuivre des objectifs qui s’inscrivent dans une radicalité concrète2, elle-même rendue possible par la mise en place d’une méthode permanente : l’implication populaire.

Celle-ci passe en premier lieu par l’organisation de processus constituants pour refonder le système politique et le jeu démocratique, le développement et la multiplication des formes de consultation des populations (élections, référendum, référendums révocatoires, etc.), la démocratisation du spectre médiatique (soutien à la création de médias communautaires, renforcement de services publics de l’information, lois anti-concentration, etc.), le développement de l’éducation, le renforcement de la démocratie participative (« protagonique » disent les latino-américains) à tous les échelons, etc.

De ce point de vue, l’Amérique latine est loin des clichés médiatiques qui abondent sur les supposées dérives « autoritaires » des expériences en cours. Elles inventent au contraire de nouveaux processus politiques historiques dans lesquels les forces populaires – et en particulier les pauvres comme sujet politico-social – construisent leur émancipation à travers la mise en place de politiques concrètes qui, progressivement, ouvrent la voie à une transformation plus profonde des structures de la société. Et ce, dans le cadre d’un vif conflit démocratique assumé dans lequel les forces associées aux régimes antérieurs continuent – avec de nombreux soutiens extérieurs et médiatiques – d’agir dans les sphères politiques, institutionnelles, médiatiques et économiques.

Dans tous les pays où elle agit, la gauche latino-américaine construit l’Etat social lorsque celui-ci disparaît progressivement dans nos sociétés sous la pression de la globalisation. Elle affirme – et c’est aussi un enseignement – que l’investissement dans des politiques de justice sociale et environnementale constitue un facteur de progrès et de prospérité pour la société.

L’Amérique latine est la seule région du monde dans laquelle une fissure s’est produite dans l’hégémonie du néolibéralisme. L’ « autre gauche » latino-américaine fait la démonstration qu’il est possible de faire autrement lorsque la volonté politique s’installe, face aux marchés, au poste de commandement.

Et cette région n’est pas n’importe laquelle. Elle concentre en effet de formidables richesses convoitées dans le nouveau jeu géopolitique mondial à l’heure de la crise systémique du capitalisme. L’Amérique latine rassemble 1/3 des ressources mondiales d’eau potable, d’immenses réserves en hydrocarbure, en gaz, en minerais divers, en métaux rares, la plus grande biodiversité au monde, le plus important potentiel agricole, etc.

Dans ce contexte, elle est le laboratoire de nouvelles formes d’intégration régionale qui cherchent à bâtir la souveraineté et l’indépendance du sous-continent et de ses peuples face aux prétentions hégémoniques des puissances tutélaires traditionnelles de la région (Etats-Unis et pays européens). Qu’il s’agisse de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) crée en 2004, de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) fondée en 2008 ou de la Communauté des Etats de l’Amérique latine et de la Caraïbe (Celac) lancée en 2011, toutes ces initiatives et regroupement de pays conçoivent les voies de l’intégration régionale par des mécanismes qui ne placent pas le marché et le libre-échange au cœur des processus, mais les principes de coopération, de solidarité et de complémentarité.

Ce sont notamment pour toutes ces raisons que l’autre gauche française et européenne doit s’intéresser à l’Amérique latine. Celle-ci est une source d’inspiration en ce sens qu’elle offre un terrain d’élaboration et d’expérimentation unique pour certaines politiques que nous voulons promouvoir et mettre en place. Elle permet aussi d’en observer les contradictions, les limites et les réussites. Elle permet enfin de comprendre comment les acteurs se mobilisent et se mettent en mouvement pour faire bouger les lignes dans des sociétés meurtries par les oligarchies et le néolibéralisme. Et ce, tandis que notre continent s’enfonce dans une crise économique, sociale et démocratique d’une ampleur jamais connue depuis les années 1930 et dont les principaux responsables sont les mêmes (Fonds monétaire international, marchés financiers, auxquels s’ajoutent ici la Commission européenne et la Banque centrale européenne) qui ont saccagé les sociétés latino-américaines avant que celles-ci ne se rebellent.

Notes :

1. Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Nicaragua, Paraguay (avant le coup d’Etat de 2012), Pérou, Uruguay, Venezuela.

2. Il s’agit de politiques visant à organiser une réappropriation par la puissance publique des ressources nationales et des sphères économiques et financières abandonnées à la finance, à élargir le périmètre de la propriété sociale, à consolider l’accès des populations – notamment pauvres et indigènes – aux droits fondamentaux et à développer de nouveaux droits sociaux et environnementaux, etc.

Projets décentralisation – Le règne des barons

Il l’avait promis pendant la campagne présidentielle, il proposerait rapidement un acte III de la décentralisation. François Hollande l’a confirmé, il en a une vision libérale, fustigeant les « contraintes » de la loi, et optant pour une République à géométrie variable.
Lors de la conclusion des Etats généraux de la démocratie territoriale les 4 et 5 octobre derniers, le président de la République a précisé son projet de nouvelle loi sur la décentralisation lancée et pilotée par Jean-Pierre Bel depuis décembre 2011. Les Etats généraux ont consisté en une large consultation des élus locaux, d’abord sous forme de questionnaires, puis lors de réunions locales organisées par les sénateurs.
Le point de départ de l’analyse de François Hollande est double : d’une part les collectivités territoriales ont de multiples compétences, redondantes et couteuses autant qu’illisibles. Il faut donc clarifier et surtout simplifier. D’autre part, la loi est un poids, et la diversité des territoires demande qu’elle soit adaptée : il faut donc laisser aux élus de chaque région le soin de définir les compétences qu’ils prennent en charge, et la manière dont ils le font.

La loi territorialisée

Ont été évoquées « 400 000 normes », qui seraient autant de « contraintes » qui s’imposent aux collectivités territoriales, et qui expliqueraient la lenteur de leurs actions, ou encore la complexité de leurs interventions. Or les normes sont issues des lois, et décidées par les représentants du peuple souverain. Elles ont pour objectif la sécurité, la qualité, le respect de l’environnement ou encore la transparence des achats financés par l’argent public.
Les normes, sources de perte d’efficacité selon François Hollande, visent pourtant à assurer par exemple un nombre suffisant d’auxiliaire de puériculture présentes dans les crèches pour s’occuper des enfants, ou encore à prévoir les conditions dans lesquelles doivent être triés les déchets par les communes ou les intercommunalités. Surtout, elles garantissent l’égalité de traitement des usagers et des citoyens sur le territoire.
François Hollande se propose de réduire l’importance des normes nationales, soit en supprimant certaines d’entre elles, soit en adaptant la loi en fonction des territoires. Cette « loi territorialisée » prendrait deux formes.
Premièrement, le transfert aux régions d’une grande partie des compétences en termes d’économie et d’emplois permettra, selon le président, « qu’il y ait [un] meilleur lien entre les qualifications qui sont proposées et les besoins des entreprises ». Les régions pourront donc librement définir les formations des demandeurs d’emplois en fonction de l’activité économique de leur territoire.
C’est une orientation dangereuse, qui rompt avec l’égalité d’accès à la formation sur le territoire. En effet, selon cette logique, le lieu où l’on se trouve déterminera alors les qualifications auxquelles il est possible d’avoir accès. Par ailleurs lier les formations à l’activité économique présente ne tient compte que des exigences immédiates des entreprises, et ni de la pérennité pour la personne de sa qualification, ni des besoins à moyen terme de la société, par exemple pour mener à bien la planification écologique. Jean-Claude Mailly a d’ailleurs parlé de « balkanisation » de la République le 10 octobre, pour qualifier cette proposition. En second lieu, François Hollande souhaite que les collectivités territoriales disposent d’un droit élargi à l’expérimentation. Sous couvert d’une nécessité d’innover et de prendre en compte les spécificités du territoire, l’absence de cadrage de ce droit, en termes de durée ou de territoires concernés ouvre la porte à la possibilité d’une loi différente selon les lieux. Cela constitue, là encore, une rupture avec le principe républicain d’égalité de traitement sur le territoire.

Des compétences à géométrie variable

Les précédentes lois de décentralisation ont consisté en un transfert de compétences depuis l’Etat vers différents niveaux de collectivités territoriales. François Hollande considère cette répartition à la fois illisible et trop rigide. En effet, les régions et les intercommunalités ont des compétences en matière d’aménagement du territoire. Les départements et les communes ont la responsabilité de l’action sociale, mais sur des dispositifs et des périmètres territoriaux différents.
Sur chaque domaine, il est question d’introduire un « chef de file », qui pourra imposer des orientations aux autres collectivités : « A chaque grande politique correspondrait une seule autorité qui fixerait les modalités et l’action qui peut être déléguée à d’autres collectivités ».
L’objectif est la lisibilité pour le citoyen des politiques menées. Mais dans cette hypothèse, quel sens donner au vote, si les élus n’ont pas la possibilité de choisir les politiques qu’ils mènent ? Quel visage de la République, si ces mêmes élus ne sont pas soumis uniquement à la loi nationale mais aussi aux décisions d’autres entités territoriales ?
C’est bel et bien la République à géométrie variable, à plusieurs vitesses que cette orientation donnée par le président, qui concorde avec les conclusions des sénateurs, institutionnalise.
Mais ce n’est pas tout. En plus de l’introduction de la collectivité « chef de file », François Hollande a évoqué, tout comme l’avaient fait Marylise Lebranchu et Jean-Pierre Bel dans les jours précédents, la possibilité pour les collectivités de « décider en commun [d’] un pacte de gouvernance territoriale ». A l’échelle de chaque région, les élus, rassemblés en « conférences territoriales » auraient toute latitude pour décider quel niveau de collectivité prend en charge quel compétence.
Derrière cette proposition, l’idée que les territoires n’ont pas les mêmes objectifs. François Hollande a parlé de « compétition mondiale » et notamment de la création « d’un statut de métropole », collectivité qui pourra se voir transférer des compétences des régions et de l’Etat.

C’est donc clairement la fracture entre les territoires qui se profile, entre ceux qui doivent s’inscrire dans la fameuse compétition mondiale, qui n’intéresse pourtant que les financiers et les importants, et ceux qui sont laissés de côté, en proie à la fermeture incessante des services publics, et au manque de moyens structurels. Ce système de configuration variable de la répartition des compétences renforce aussi le rôle des barons locaux, qui selon leur bon vouloir décideront de l’avenir du territoire, au détriment de la souveraineté populaire.

L’orientation donnée par le président est inquiétante. Sa conception libérale de la décentralisation met en péril les principes d’unité de la République et d’égalité de traitement sur le territoire. C’est au contraire d’une refondation complète des institutions dont nous avons besoin, non pas en laissant les mains libres aux barons, mais par une implication populaire qui élaborera et contrôlera démocratiquement, la nouvelle organisation.

Dépassements d’honoraires – Distribution de « Cartes Vitales Gold »

Suite au communiqué de Leila Chaibi, distribution de « Cartes Vitales Gold » par des militant-e-s du Front de Gauche le 22 octobre 2012.

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